B - Tendances inflationnistes et actions sur la consommation
de masse
Les prix des matières premières, notamment
agricoles, connaissent une importante évolution à la hausse
depuis 2006. Cette évolution à la hausse a abouti, en 2008, aux
« émeutes de la faim » dans des pays comme l'Egypte,
Haïti, mais aussi le Cameroun. A la base de cette envolée des prix,
se trouvent des motifs à la fois structurels et conjoncturels. Au plan
structurel, il y a la croissance économique dans les pays
émergents, notamment l'Inde, la Chine et le Brésil, avec pour
corollaire l'augmentation de leur demande en matières premières.
Au plan conjoncturel, il y a surtout eu les aléas climatiques. Hivers
rigoureux, inondations et sécheresse ont ainsi affecté les
récoltes dans les grands pays producteurs. Pour inverser cette tendance
inflationniste, les autorités camerounaises ont fait le choix d'une
baisse de la fiscalité des produits de première
nécessité (1), accompagnée de la mise en place d'une
structure de veille (2).
58 Article 245 du CGI.
59 Pour trouver un sens aux niveaux de transformations
allégués, il faut s'en référer à la
circulaire n°0001/MINFI/DGI/LC/L du 02 janvier 2009 précisant les
modalités d'application des dispositions fiscales de la loi
n°2008/012 du 29 décembre 2008 portant loi de finances de la
République du Cameroun pour l'exercice 2009. Au terme de ce texte, la
première transformation renvoie aux activités
d'équarrissage, de débitage, de déroulage et de tranchage
du bois. La deuxième transformation consiste quant à elle en le
modelage et aboutit à des produits finis ou semi-finis, utilisables peu
ou prou en l'état. Enfin, la troisième transformation est
liée aux activités de menuiserie et d'ébénisterie
aboutissant à des produits finis tels les meubles, les panneaux de
particules.
1) La baisse de la fiscalité sur les produits de
première nécessité
Les mesures fiscales adoptées par les autorités
camerounaises pour tenter de limiter les effets de la hausse des prix des
denrées de première nécessité ont concerné
à la fois le Tarif Extérieur Commun (TEC)60 et la taxe
sur la valeur ajoutée. Ainsi, par ordonnance n°2006/001 du 28
septembre 2006 portant révision de la fiscalité applicable aux
produits de première nécessité, les poissons
congelés, riz, sel brut, farine et tourteaux de maïs, anciennement
considérés comme « biens de consommation courante »
pour l'application d'un TEC au taux de 30 %, ont été «
décatégorisés " en « biens de première
nécessité » pour l'application du TEC de 5
%61.
Dans la même perspective de réduction de
l'impact de la hausse des prix à l'importation, le principe de
l'exonération complète de la TVA sur les importations des
produits ainsi identifiés a été retenu62.
S'inscrivant dans la méme logique, une ordonnance du
12 juillet 200863 est venue réviser, pour une période
de six mois, le tarif extérieur commun applicable à l'importation
des ciments non pulvérisés dits « clinkers ". Comme pour les
denrées de grande consommation, le TEC de ces ciments a
été ramené de 30 à 5% pour la période
considérée.
L'objectif de ces mesures cumulées est donc de baisser
les prix des produits visés et, corrélativement, d'augmenter le
pouvoir d'achat des camerounais. C'est aussi le sens de la mise en place d'une
mission de régulation et d'approvisionnement.
2) La création d'une mission de régulation
et d'approvisionnement
L'inflation et les pénuries récurrentes qui
caractérisent les produits de grande consommation depuis 2006 ont
conduit les autorités camerounaises à prendre des mesures plus
pérennes, allant au-delà de considérations purement
fiscales. Un décret du 1er février 2011 crée et
ainsi une Mission de Régulation des Approvisionnements en Produits de
grande consommation64 (MIRAP).
60 En CEMAC (Communauté économique et
monétaire de l'Afrique centrale), le TEC comporte quatre taux pour
quatre catégories de marchandises : 5%, catégorie I (biens de
première nécessité) ; 10%, catégorie II
(matières premières et biens d'équipement) ; 20%,
catégorie III (biens intermédiaires) ; 30%, catégorie IV
(biens de consommation courante).
61 Article 1er de l'ordonnance.
62 Article 2 de l'ordonnance.
63 Ordonnance n°2008/003 du 12 juillet 2008
portant révision du tarif extérieur commun applicable à
l'importation des ciments non pulvérisés.
64 Décret N° 2011/019 du 01 février
2011 portant création, organisation et fonctionnement de la Mission de
Régulation des Approvisionnements des Produits de grande
consommation.
Etablissement public de type particulier, doté de la
personnalité juridique et jouissant de l'autonomie financière, la
Mission est placée sous la tutelle technique du ministère en
charge du commerce et sous la tutelle financière du ministère en
charge des finances. Selon la formule du décret, elle est une «
structure d'alerte, d'achat, d'importation et de stockage des produits de
grande consommation, en vue d'un approvisionnement du marché dans les
meilleures conditions »65.
De manière concrète, elle a vocation à
observer l'évolution des cours des produits de grande consommation sur
les marchés internationaux, à acheter lesdits produits au
meilleur prix afin de constituer des stocks de sécurité. Les
produits ainsi achetés sont mis en vente dans des magasins
témoins mis en place par la mission qui en assure l'approvisionnement
régulier et le fonctionnement.
Au total, le dispositif camerounais comporte de nombreuses
mesures fiscales dérogatoires. Certaines ambitionnent de soutenir de
grands projets d'investissement alors que d'autres se contentent de doter le
pays d'instruments de résistance aux chocs exogènes, notamment
les effets de la crise et les fluctuations de l'offre et de la demande
internationales de certains produits. Elles sont complétées par
des mesures récentes de droit commun, plus générales,
allant dans le sens d'une amélioration de la sécurité
juridique dans son volet fiscal.
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