A - Un régime bien ciblé, laissant clairement
entrevoir les objectifs visés
Les conditions d'application du régime fiscal
particulier des projets structurants sont précisées par le
décret du 29 juillet 2008138. La lecture de ce dernier laisse
entrevoir deux objectifs
principaux : un objectif général, qui est le
développement économique et social de la
localitéd'implantation de l'entreprise (1) ; un objectif,
plus spécifique, relatif à l'emploi (2).
1) L'objectif de développement économique
de la localité d'implantation
Au terme du décret du 29 juillet 2008 en effet, ne sont
éligibles que les projets ayant vocation à constituer des
pôles de développement économique. Selon le même
texte, est considérécomme « pôle de
développement économique et social », le projet dont la mise
en oeuvre a
vocation à s'accompagner, dans sa localité
d'implantation, du développement d'un réseau de sous-traitants ou
d'activités annexes, de l'utilisation de matières
premières locales, ainsi que d'un essor d'activités
créatrices de valeur ajoutée. Au plan social, le caractère
structurant s'apprécie au regard de la réalisation
d'infrastructures telles les dessertes routières, les voies
138 Décret n°2008/2304/PM du 29 juillet 2008
précisant les modalités d'application du régime fiscal
particulier des projets structurants du Code général des
impôts.
d'évacuation, les logements pour le personnel, les
écoles, les structures de santé, les infrastructures socio
collectives.
2) L'objectif de création d'emplois
Le même souci de précision transparaît dans
les exigences relatives à l'emploi. Ces dernières touchent
à la fois au nombre minimum de postes permanents à créer,
à leur répartition par niveau de responsabilité et
à la proportion de nationaux à employer. Le projet structurant
doit en effet aboutir, pour les grandes entreprises, à la
création d'au moins 80 emplois permanents au sein de l'entreprise, soit
10 postes d'encadrement, 20 postes de maîtrise et 50 postes
d'exécution. Pour les PME, le nombre minimum de postes requis est de 12,
soit 02 postes d'encadrement, 02 postes de maîtrise et 10 postes
d'exécution.
Bien plus, les postes ainsi créés doivent
être occupés par les nationaux, à concurrence au moins de
70 % pour les emplois d'encadrement, de 80 % pour les emplois de maîtrise
et de 90 % au moins pour les emplois d'exécution.
B -- De faibles incitations, trahissant une ambition
réduite
Malgré la clarté de ses objectifs, le
régime fiscal particulier des projets structurants n'a pas réussi
à prendre son envol depuis sa création en 2008. La raison en est
la faiblesse des incitations qu'il aménage (1). Un renforcement de ces
dernières le rendrait sans doute plus attractif (2).
1) La faiblesse des incitations explique
l'insuccès du régime
Le régime fiscal particulier des projets structurants
est un régime paradoxal. Et pour cause, alors qu'il fixe en amont des
exigences maximales d'éligibilité, il n'octroie en aval que des
avantages mineurs dont on peut douter du caractère incitatif.
Ainsi, l'exonération de la contribution des patentes
est limitée aux deux seules premières années
d'exploitation ; les actes de constitution, prorogation et augmentation du
capital, ainsi que les mutations immobilières directement liés
à la mise en place du projet ne sont pas exemptés de droits
d'enregistrement : ils bénéficient de l'enregistrement au droit
fixe de 50 000 F CFA, au lieu de celui aux droits proportionnels ; la
durée du report déficitaire est rallongée de quatre (04)
à cinq (05) ans. Plus incitative que les autres, l'exonération de
la TVA sur les achats locaux de matériaux de construction et sur les
importations destinés à la mise en place du projet fait figure de
mesure phare. Il en est de méme de l'application de
l'amortissement accéléré au taux de 1,25 %
du taux normal pour les immobilisations spécifiques acquises pendant la
phase d'installation.
Au total, les avantages accordés s'apparentent plus
à des incitations à la création qu'à de
véritables mesures de soutien à l'existence et à la
pérennité. Elles ne justifient pas la rigueur des conditions
d'éligibilité et expliquent l'absence de succès du
régime. Adopté en 2008, le régime des projets structurants
présente en effet à ce jour un résultat plus que modeste.
En effet, seules cinq (05) entreprises ont pu solliciter et obtenir un
agrément à ce dispositif incitatif. De plus, les entreprises
concernées semblent plutôt être de taille
modérée aucune d'entre elles ne relevant notamment de la
DGE139.
2) Un renforcement des incitations rendrait le
régime plus attractif
Le choix d'instrumentaliser la fiscalité pour
influencer l'allocation des ressources dans un secteur ou dans un autre doit
être un choix éclairé et pleinement assumé. Une fois
le choix opéré, les mesures concrètes à prendre ne
doivent trahir aucune hésitation ni approximation qui jetterait le doute
sur la pertinence du recours à la fiscalité.
Susciter au Cameroun la création de grands pôles
à méme d'impulser le développement économique et
social des localités d'implantation exige des efforts plus soutenus en
termes d'accompagnement fiscal. Ces efforts sont d'autant plus justifiés
qu'en demandant aux entreprises bénéficiaires de s'impliquer dans
la construction de routes, d'hôpitaux, d'écoles, l'Etat
transfère à ces dernières une responsabilité qui
lui incombe au premier chef. A ce transfert de charge, doit correspondre une
allocation conséquente de moyens sous la forme d'incitations
fiscales.
En l'espèce, la solution consisterait à associer
aux actuelles mesures de facilitation et d'accompagnement de l'implantation, un
véritable système d'incitation portant sur les
bénéfices réalisés en phase d'exploitation par le
contribuable. Dès lors que des résultats concrets sont attendus
du bénéficiaire de la mesure en termes de création
d'ouvrages publics et d'embauche de personnels, il ne serait pas excessif
d'envisager une exonération complète de l'impôt sur les
sociétés ou de l'impôt sur le revenu pour les trois (03)
premières années d'exploitation. En renonçant,
provisoirement, à prélever des impôts en contrepartie
d'exigences précises, le législateur susciterait en effet un plus
grand intérêt pour le régime
139 MVOGO MVOGO (A. T.), Fiscalité et renforcement de
l'attractivité du territoire camerounais : enjeux et perspectives,
op. cit. p. 33.
fiscal particulier des projets structurants. Ce faisant, il
réaliserait les objectifs économiques et sociaux qu'il lui a si
précisément assigné.
Au total, pertinentes dans leur principe, certaines mesures
fiscales de soutien à l'investissement adoptées par le
législateur camerounais se révèlent mitigées dans
leur efficacité. Mal ciblées pour certaines, elles visent des
entreprises non nécessiteuses de soutien public et sont
imprécises dans les finalités recherchées : elles
entraînent une dépense fiscale inutile. Bien ciblées pour
d'autres, en raison de la précision sur les attentes vis-à-vis
des bénéficiaires, elles apparaissent malheureusement faiblement
incitatives. En cela, elles rejoignent les solutions retenues par le
législateur fiscal français pour le soutien à la recherche
et au travail.
Section 2 : Pertinence mais efficacité
mitigée des solutions françaises de soutien fiscal à la
recherche et au travail
Comme au Cameroun, certaines des mesures adoptées par
le législateur français depuis 2007 sont pertinentes dans leur
principe mais se révèlent souvent mitigées dans leurs
résultats, au regard des objectifs initiaux affichés. Le
crédit d'impôt recherche, dans sa version issue de la
réforme de 2008, ainsi que la défiscalisation des heures
supplémentaires dans le cadre de la loi TEPA de 2007, font partie de
cette catégorie de mesures. Le premier est globalement satisfaisant mais
présente quelques insuffisances qui le rendent perfectible (§ 1).
Plus mitigée dans ses effets, la seconde nécessite un recentrage
(§ 2).
§ 1 - L'efficacité certaine mais
perfectible du crédit d'impôt recherche
Le crédit d'impôt recherche réformé
en 2008 présente, à la fois réellement et potentiellement,
un impact positif sur la recherche développement (A), même si
quelques améliorations pourraient lui être apportées
(B).
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