Les politiques française et camerounaise face au défi de la mondialisation. Une analyse comparée de la période 2007-2010( Télécharger le fichier original )par Dieudonné TONGA ENA/Paris-Dauphine - Master en Affaires Publiques 2011 |
INTRODUCTION GENERALELa crise économique traversée par le Cameroun à partir de 1986 a conduit les autorités à mettre en oeuvre, dès 1987, des mesures internes de réduction des dépenses, et des réformes économiques soutenues par la communauté internationale. Au plan fiscal, ces réformes économiques accompagnées ont eu pour leitmotiv la mobilisation optimale des ressources. Le raisonnement était simple : le Cameroun dispose d'un grand potentiel en ressources fiscales internes, tout juste suffit-il de savoir les rechercher. Et la recherche a consisté à élargir l'assiette fiscale en explorant les capacités contributives encore dissimulées, mais aussi en supprimant ou en limitant à la portion congrue les exonérations et autres dispositifs d'incitation fiscale alors en vigueur. Elle est même souvent allée beaucoup plus loin en débouchant sur la création de nouveaux mécanismes d'imposition, la création d'impôts nouveaux et le relèvement du tarif de ceux existant. C'était la politique fiscale cantonnée dans son rôle originel de financement du budget de l'Etat. Les résultats de ces orientations de la fiscalité sont perceptibles, du moins en ce qui concerne le rendement. Les recettes fiscales ont ainsi enregistré une importante progression durant les trois années ayant précédé l'atteinte du point d'achèvement. Elles sont respectivement passées de 646,4 milliards de francs CFA en 2003, 653,1 en 2004, et à 752,4 en 2005, soit une progression de 106 milliards en valeur absolue et de 15, 2 % en valeur relative sur la période. L'année 2006 marque officiellement la fin de ces programmes, avec l'atteinte du point d'achèvement de l'Initiative dite PPTE. Une fin qui signifie pour le Cameroun plus de liberté d'action, plus de marge de manoeuvre dans la conception et la mise en oeuvre de ses politiques publiques, notamment celle fiscale. Dans ce contexte de « liberté » retrouvée, les autorités se sont employées, à partir de la loi de finances pour l'exercice 2007, à concevoir et à mettre en place une politique fiscale nouvelle ; une politique fiscale voulue et non plus subie, conforme à leur vision de l'avenir du Cameroun. La nouvelle politique fiscale a pour cadre général la circulaire présidentielle du 17 octobre 2007 relative à la préparation du budget de l'Etat pour l'exercice 20081. Le texte fait clairement référence à la nécessité de la mise en place d' « un dispositif légal maîtriséd'accompagnement de l'investissement ». 1 Circulaire n°001/CAB/PR du 17 octobre 2007. Cette vision, nouvelle ou renouvelée2 de la politique fiscale, est bâtie autour de l'idée que dans le contexte actuel de la mondialisation, et en l'absence d'initiative privée forte, « l'Etat restera un acteur déterminant de l'économie des pays sous-développés ou il n'y aura pas de développement »3 ; que la politique fiscale doit être utilisée comme « un véritable levier de politique économique et non seulement comme un moyen de collecter des recettes pour rembourser la dette »4. De son côté, la France est depuis longtemps considérée comme ayant l'un des taux de pression fiscale globale les plus élevés des pays de l'UE, notamment comparativement à l'Allemagne avec laquelle elle est en concurrence directe. Depuis la fin des années 80, le taux français de prélèvement obligatoire s'est ainsi stabilisé autour de 43 % du PIB, alors qu'il est de 39 % en Allemagne et de 37,3 % en Grande Bretagne. Cette pression fiscale est décriée avec beaucoup plus d'insistance encore s'agissant du patrimoine. Ce dernier est considéré comme faisant l'objet d'un « cumul d'imposition pratiquement sans équivalent dans les pays développés »5. Et pour cause, en France, « le patrimoine des particuliers est saisi ... par l'impôt dans toutes ses manifestations : en raison des revenus qu'il produit, en raison des gains de sa gestion avec l'imposition des plus-values, en raison de ses mutations à titre gratuit (donations et successions) avec les droits d'enregistrement et...en raison de sa détention avec l'ISF »6 . Or, la mondialisation et l'intégration européenne obligent aujourd'hui à repenser un système de prélèvements obligatoires conçu à une époque où l'ouverture des économies, la mobilité des biens, services et capitaux était bien moindre7. L'enjeu majeur de cette réforme est, bien sür, celui de la compétitivité de l'économie, et, au-delà, de sa capacité à attirer des investissements étrangers. La question se poserait sans doute avec moins d'acuité
pour la France si la fiscalité faisait 2 Vision renouvelée dans la mesure où le Cameroun a, par le passé, expóimenté des régimes fiscaux dóogatoires, notamment dans le cadre du code des investissements. Ce dernier a cependant été progressivement vidé de sa substance dans le cadre des programmes économiques. 3 KAMTO (M.), « Politique économique », Mutations n°1210 du lundi 09 août 2004, p.3. 4 Idem 5 GEFFROY (J-B), « Aux sources du bouclier fiscal : l'émergence difficile d'un principe de non-confiscation par l'impôt », in Mélanges en l'honneur de Pierre BELTRAME, PUAM, 2010, p. 176. 6 GEFFROY (J-B), op. cit. 7 Le CACHEUX (J.), Les Français et l'impôt, Odile Jacob/La documentation française, 2008, p.10. son harmonisation fiscale qu'autour de la fiscalité indirecte, et plus précisément de la TVA. Elle considère les droits directs comme relevant de la souveraineté des Etats membres8. En l'absence d'harmonisation, le principe est donc celui de la souveraineté fiscale, chacun des Etats pouvant librement donner à son système fiscal les orientations qui lui paraissent les plus pertinentes. Pourtant, la corrélation des économies fait qu'une décision fiscale prise dans le pays « A » impacte, d'une manière ou d'une autre, l'économie de « B ». Elle oblige en conséquence à être attentif aux choix et orientations des autres systèmes et, le cas échéant, à prendre chez soi des mesures correctives. Depuis 2007, la France a clairement affiché sa volonté de ramener sa fiscalité à un niveau au moins comparable à celui de ses principaux concurrents, avec à la clé l'objectif de s'assurer une augmentation de sa croissance. Le cadre de cette ambition reste la loi TEPA (Travail Emploi et Pouvoir d'Achat) du 22 aoüt 20079 qui a notamment allégé les droits de succession, aménagé l'ISF, abaissé le seuil du « bouclier fiscal » et défiscalisé les heures supplémentaires. Au Cameroun comme en France, la problématique de la mondialisation est donc au coeur du débat fiscal qu'elle alimente et, au-delà du débat, de la définition concrète des orientations de la politique fiscale. Mais d'abord, qu'est-ce que la politique fiscale et qu'est-ce que la mondialisation ? Quel intérêt peut revêtir une étude portant sur ces deux réalités ? Quelle problématique soulèventelles et quelle méthode pour les aborder ? I -- DEFINITION DES CONCEPTS Le droit fiscal est considéré comme la chasse gardée des Etats, le domaine d'expression par excellence de leur souveraineté. Le principe souvent admis est que « les législateurs sont souverains pour déterminer les sujets et l'assiette des impôts qu'ils établissent »10. L'impôt constituant l'instrument de réalisation d'une justice dont les principes sont établis par le Parlement, la doctrine a pu conclure que la souveraineté fiscale va de pair avec la souveraineté tout court. Il s'agit de la souveraineté conçue comme « capacité effective, 8 S'il existe bien une Europe fiscale en matière d'impôts indirects, comme le montre la TVA, tel est loin d'être le cas en ce qui concerne les impôts directs. Dans l'arrêt SCHUMACKER de 1995, la CJCE a affirmé de façon péremptoire que « la fiscalité directe relève de la compétence des Etats membres ». 9 Loi n° 2007-1223. 10 GUTMANN (D.), « Le juge fiscal et la loi étrangère », in Regards critiques et perspectives sur le droit et la fiscalité, tome 8, LGDJ, 2005, p. 192. financière de l'Etat-Nation à déterminer de façon autonome les lignes de sa politique »11, et en particulier de sa politique fiscale. Maurice LAURE définissait la politique fiscale par sa finalité, qui est, selon lui, de « déterminer les caractéristiques générales de l'impôt »12, une fois le recours à ce dernier décidé. La politique fiscale s'entend donc, au sens large, de l' « ensemble des choix qui concourent à fixer les caractéristiques d'un système fiscal »13, ou encore de « l'ensemble des décisions prises pour instituer, organiser, et appliquer les prélèvements fiscaux conformément aux objectifs des pouvoirs publics »14. Dans un sens plus strict, elle renvoie à l'utilisation faite de l'impôt à des fins économiques ou sociales. L'impôt apparaît alors ici comme un instrument de politique économique utilisable en complément des autres moyens de pilotage que sont notamment la monnaie, le crédit, la dépense publique, le contrôle des prix ou des revenus15. Au demeurant, l'une et l'autre acception font apparaître la politique fiscale comme un instrument purement interne et confortent l'idée du caractère indissoluble des liens entre fiscalité et souveraineté16. De méme qu'un Etat est libre de dessiner les lignes de sa politique étrangère, il l'est pour déterminer les contours de sa politique fiscale. C'est le droit qui l'y autorise, celui international qui proclame la souveraineté des Etats, comme celui interne qui confère au législateur national la compétence en matière de création d'impôts et taxes, de détermination de l'assiette, du taux et des modalités de recouvrement des impôts et taxes17. D'un autre côté pourtant, les frontières se sont depuis longtemps ouvertes aux marchandises et aux services, des ensembles régionaux et sous-régionaux se sont constitués, les échanges internationaux se sont intensifiés, la sphère financière s'est progressivement globalisée, les marchés et les bourses se sont intégrés, avec à la clé les phénomènes de dérèglementation, de délocalisations, d'interdépendance, de concurrence et de dumping18. C'est la réalitééconomique, celle de la mondialisation ou de la globalisation, dont on ne peut faire l'économie. 11 Idem. , p. 192. 12 LAURE (M.), Traité de politique fiscale, PUF, Paris, 1956, 425 pp. 7 et 14. 13 CASTAGNEDE (B.), La politique fiscale, PUF, Que sais-je ? 2008, p. 3. 14 BELTRAME (P.), La fiscalité en France, Hachette supérieur, collection Les fondamentaux (droit), 2009, 15ème édition, p. 135. 15 Idem. P. 3. 16 GUTMANN (D.), op. cit. p. 192. 17 Articles 26 (1) d-3 de la constitution de la République du Cameroun du 18 janvier 1996 et 34 de la constitution française du 04 octobre 1958. 18 LEROY (M.), « Introduction », in Mondialisation et fiscalité, la globalisation fiscale, L'Harmattan, Collection finances publiques, p.8. La globalisation renvoie à l' « expansion des échanges et des modes de fonctionnement des marchés au-delà des frontières nationales »19. Elle suppose « intégration des productions et interconnexion des marchés de biens et services (globalisation réelle), et des marchés financiers (globalisation financière) au niveau mondial »20. El MOUHOUD MOUHOUD s'est intéressé à l'une des variantes de la mondialisation qu'est la mondialisation des entreprises. L'appréhendant surtout en termes de degré de mobilité internationale des firmes et des facteurs de production, il la définit comme « l'accélération sans précédent de la liberté de localisation des firmes dans l'espace mondial »21. Ainsi définie, la mondialisation s'impose à tous les pays, à ceux développés comme à ceux en voie de développement, à la France comme au Cameroun. Elle ne remet pas en cause la souveraineté des Etats. Elle en influence simplement l'exercice dans le sens de l'ajustement au contexte qu'elle génère. Et c'est cet ajustement qu'il est intéressant d'étudier. II -- INTERET ET DELIMITATION DU SUJET : Plusieurs études ont déjà été consacrées à la question des rapports entre la mondialisation et la fiscalité22. D'autres encore se sont intéressées plus spécifiquement à la question de l'attractivité fiscale des territoires23. Rares en revanche sont celles qui se sont penchées sur une comparaison internationale du comportement des pays face aux contraintes imposées par la mondialisation. Tel est précisément l'intérêt de cette étude. Confrontant les adaptations fiscales à la mondialisation d'un pays développé, la France, à celles d'un pays en développement, le Cameroun, elle révèle qu'à objectif général identique, les objectifs spécifiques et les procédés peuvent être différents, précisément en raison de la différence des niveaux de développement. Mais au-delà de la simple identification de ces mesures d'ajustement aux contraintes de la mondialisation, elle tente d'en apprécier l'efficacité par mesure de la réalisation des objectifs recherchés. L'étude n'a cependant aucune prétention à l'exhaustivité. L'on pourra ainsi noter qu'analysant les contraintes de la mondialisation et les ajustements opérés dans chacun des 19 BERNARD (Y.), COLLI (J-C.), Vocabulaire économique et financier, Editions du Seuil, 2003, p. 395. 20 SILEM (A.), ALBERTINI (J.-M.), Lexique d'économie, 11ème édition, Dalloz 2010, p. 438. 21 EL MOUHOUD MOUHOUD, Mondialisation et délocalisations des entreprises, Editions La Découverte, 2008, p. 7. 22 LEROY (M.), Mondialisation et fiscalité : la globalisation fiscale, l'Harmattan 2006, collection finances publiques, Paris, 286 p. ; HECKLY (C.), Fiscalité et mondialisation, LGDJ 2006, Paris, 154 p. ; GASTELLU (J-M.), POURCET (G.), MOISSERON (J-Y.), Fiscalité, développement et mondialisation, Maisonneuve Et Larose, 1999, 216 p. 23 KAKE KAMGA (G.R.), L'attractivité du système fiscal camerounais, Mémoire de DESS Administration fiscale, Université Paris Dauphine - Panthéon Sorbonne, 2006 ; MVOGO MVOGO (A.T.), Fiscalité et renforcement de l'attractivité du territoire camerounais, Mémoire de Master Administration publique, ENA, 2010. deux pays, elle laisse délibérément de côté la question de la fraude et de l'évasion fiscales internationales (pour l'évasion fiscale, il s'agit de la question des prix de transferts). Cette mise à l'écart, volontaire, d'une question par ailleurs déjà abordée dans de précédents travaux24, permet de s'intéresser, plus étroitement et dans une perspective comparée, aux mesures de promotion de l'attractivité et de la compétitivité. Le point de départ retenu pour l'analyse, l'année 2007, est à cet effet déterminant. Il correspond en effet à un moment important de la vie de chacun des pays concernés : atteinte du point d'achèvement de l'initiative PPTE et fin des programmes économiques contraignants pour le Cameroun, accession au pouvoir de Nicolas SARKOZY et sacralisation du travail et de l'emploi dans le cadre de la loi TEPA pour la France. III - PROBLEMATIQUE :Depuis 2007, les autorités fiscales camerounaises et françaises ont fait des choix nouveaux et importants, conformes à leurs ambitions respectives du moment. Ces choix vont, pour l'essentiel, dans le sens d'un soutien plus accru à l'investissement par la fiscalité. Au Cameroun, ce soutien s'est traduit par l'institution ou la restauration de nombreux régimes dérogatoires. Il s'agit du régime du réinvestissement, du régime fiscal particulier des projets structurants, du régime fiscal des contrats de partenariat public-privé, et du régime fiscal du secteur boursier. D'autres mesures encore vont dans le sens d'une amélioration de la sécurité fiscale. Elles concernent, notamment, la doctrine administrative et les procédures de contrôle et de contentieux fiscaux. En France, les domaines ciblés par les incitations durant cette période sont le patrimoine, le travail et la recherche, ainsi que la consommation. Les mesures prises vont de l'abaissement du seuil du bouclier fiscal pour résoudre les problèmes d'un ISF jugé trop élevé, l'exonération des successions entre conjoints, la suppression de la taxe professionnelle, le renforcement du dispositif du crédit d'impôt recherche, l'exonération de l'impôt sur le revenu, de la CSG et des charges sociales pour les heures supplémentaires, la baisse ciblée du taux de la TVA, notamment dans le secteur de la restauration. Dans l'un et l'autre cas, les mesures ainsi adoptées
sont des choix de politique publique. Elles 24 MVOGO MVOGO (A.T.), op. cit. volonté de créer « un choc fiscal » qui permette de débloquer l'économie et de relancer la croissance25. Cet objectif présente cependant une différence de degré en fonction du pays considéré. Ainsi, alors que le Cameroun tente avant tout de susciter, de créer de toutes pièces par l'outil fiscal, une compétitivité et une attractivité qui n'ont jamais véritablement pu voir le jour, il s'agit pour la France de les améliorer. Les mesures ainsi adoptées méritent d'être appréciées au regard de leur pertinence et de leur efficacité. Dans cette perspective, il n'est pas inutile de rappeler qu'une politique est dite pertinente si ses objectifs et sa théorie d'action sont adaptés à la nature du problème qu'elle est censée résoudre26. De même, une politique est dite efficace lorsqu'elle a des effets propres compatibles aux objectifs recherchés27. Dans le cadre de l'examen des politiques fiscales du Cameroun et de la France sur la période 2007-2010, la question à la réponse de laquelle s'attèle la présente recherche est donc la suivante : dans les orientations majeures qu'elles présentent depuis 2007, les politiques fiscales du Cameroun et de la France s'insèrent-elles efficacement dans la mondialisation ? Autrement dit, dans quelle mesure et pour quels résultats les deux politiques fiscales prennent-elles en compte les contraintes liées à la globalisation de l'économie ? IV -- METHODE Pour la réponse à cette question, la recherche s'appuiera sur la méthode comparative. La nature du sujet l'y destine. Cette comparaison sera d'abord juridique, descriptive ou exégétique, pour identifier et analyser les mesures adoptées dans chacune des législations des deux pays, au regard des ambitions respectives affichées. Elle sera ensuite fondée sur l'analyse économique. A cet effet, elle se penchera sur les faits tels qu'ils sont et examinera à la fois la pertinence et l'efficacité des mesures prises au regard des résultats obtenus. Conjuguées, ces deux méthodes d'analyse permettent de constater que dans leur volonté commune d'ancrage dans la mondialisation par la fiscalité, les deux politiques fiscales présentent une différence de trajectoire (Première partie). Elles se retrouvent néanmoins dans le caractère mitigés des résultats de leurs choix fiscaux (Deuxième partie). 25 VILLEMOT (D.), Quelle réforme fiscale ? L'Harmattan, collection finances publiques, 2007, p. 11. 26 PERRET (B.), L'évaluation des politiques publiques, nouvelle édition, La Découverte, Collection Repères, Paris, 2008, p. 18. 27 Idem, p. 19. PREMIERE PARTIE : UNE VOLONTÉ COMMUNE MAIS DIFFERENCIÉE
D'ANCRAGE La fiscalité est essentielle pour comprendre la marche du phénomène complexe de la mondialisation dans la mesure où elle est au croisement de l'Etat, de l'économie et de la société28. De la méme manière, et à l'inverse, la mondialisation est intéressante pour rendre compte des changements qui s'opèrent dans le domaine de la fiscalité, dans le souci de la prise en compte de la réalité économique. Cette réalité économique est celle de l'accroissement des mouvements transfrontaliers de biens, de capitaux et de personnes, du caractère mouvant de la matière imposable et de la difficulté de la rattacher à un territoire29. A titre d'illustration, les entreprises ont leurs implantations dans plusieurs pays dans le monde, sous la forme de filiales ou de succursales. Elles sont confrontées à des systèmes fiscaux et à des niveaux de pression fiscale souvent différents les uns des autres, en fonction des choix souverains du pays d'implantation. Se pose alors la question de l'attractivité fiscale des territoires30, ainsi que celle de la compétitivité des entreprises. Certes, attractivité et compétitivité ne se résument pas à la fiscalité. Certes, « à l'attractivité fiscale, il faut opposer l'attractivité globale du territoire qui résulte d'un environnement de qualité : système éducatif performant formant une main d'oeuvre de qualifiée, système de santé reconnu, infrastructures publiques »31. La fiscalité n'en reste pas moins un déterminant de l'attractivité et de la compétitivité. Or, l'internationalisation de l'économie et la mondialisation des marchés ne permettent plus de la concevoir dans un cadre purement national32. La bonne politique fiscale est en effet celle qui, par réalisme, s'insère dans un environnement mondialisé. Ce souci d'insertion fiscale dans la mondialisation, le Cameroun et la France l'ont en partage. Il transparaît largement dans les mesures adoptées par les deux pays depuis 2007. Ces dernières révèlent cependant une différence de degré dans les ambitions affichées : volonté de démarrage économique au Cameroun (chapitre 1), volonté d'ancrage dans la compétition mondiale en France (chapitre 2). 28 LEROY (M.), Mondialisation et fiscalité : la globalisation fiscale, op. cit. p. 10. 29 VILLEMOT (D.), Quelle réforme fiscale ? op. cit. p. 24. 30 Lire KAKE KAMGA (G.R.), L'attractivité du système fiscal camerounais, op. cit. et MVOGO MVOGO (A.T.), Fiscalité et renforcement de l'attractivité du territoire camerounais, op. cit. 31 LOPEZ (C.), « La fiscalité comme vecteur de l'attractivité du territoire », in LEROY (M.), Mondialisation et fiscalité, la globalisation fiscale (sous la dir.), op. cit. p. 253. 32 VILLEMOT (D.), p. 9. CHAPITRE 1 : Dès les années 90, le Cameroun a voulu donner à la fiscalité une place centrale dans sa politique de développement. Il a, dans cette perspective, adopté plusieurs mesures incitatives visant à attirer les investisseurs étrangers. Celles-ci ont, pour l'essentiel, eu pour cadre le code des investissements33 et le décret d'application34 y afférent. A l'image des subventions directes accordées aux entreprises nationales, ces incitations sont la manifestation de la volonté de l'Etat de jouer un rôle moteur dans le développement économique, en l'absence d'initiative privée forte en ce domaine. La libéralisation de l'économie camerounaise et les orientations des programmes économiques vont cependant remettre progressivement en cause les mesures ainsi adoptées. L'idée, véhiculée en particulier dans les programmes, est celle d'un recentrage dans la fiscalité interne pour une meilleure mobilisation des ressources. Cette mobilisation, il faut en convenir, a été réalisée de manière optimale, les recettes fiscales ayant depuis lors connu une augmentation exponentielle. Mais elle n'a pas été sans heurt pour l'économie et le développement qu'elle a, au-delà de son succès, contribué à inhiber. Depuis la fin des programmes économiques contraints en 2006, les autorités camerounaises ont défini une nouvelle stratégie. Sans remettre fondamentalement en cause l'objectif de mobilisation optimale des ressources internes, celle-ci tente de restaurer la fiscalité dans son rôle d'impulsion du développement économique du pays. Les contours de la nouvelle politique fiscale du Cameroun ont été précisés par une circulaire présidentielle du 17 octobre 2007 relative à la préparation du budget de l'Etat pour l'exercice 200835. Dans ce texte, le Gouvernement est invité à maintenir les efforts de mobilisation des recettes non pétrolière grace à l'élargissement de l'assiette, une meilleure administration de l'impôt et un partenariat constructif avec les opérateurs économiques. Mais la circulaire insiste aussi sur la nécessité de trouver un point d'équilibre entre l'augmentation des recettes et la mise en place d'un dispositif légal maîtrisé d'accompagnement fiscal des 33 Ordonnance n°90/007 du 08 novembre 1990 portant code des investissements, modifiée par les ordonnances n°94/001, 002 et 003 du 24 janvier 1994 modifiant certaines dispositions du Code des investissements dans le cadre de la réforme fiscalo-douanière en UDEAC (Union douanière et économique de l'Afrique centrale). 34 Décret n°91/215 du 02 mai 1991. 35 Circulaire n°001/CAB/PR du 17 octobre 2007. investissements. C'est cette volonté d'accompagnement qui justifie, depuis 2007, la résurgence de régimes dérogatoires (section 1) et l'émergence d'une fiscalité sécurisée (section 2). |
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