3.3- La STAO, une société privée
appelée à la rescousse
Cinq jours avant la suppression du Service des transports
automobiles par arrêté local du 20 juin 1927, un contrat fut
signé le 15 juin 1927 entre A. F. Bonnecarrière, pour le compte
du territoire togolais, et Peyrou, administrateur délégué
de la STAO45.
Si l'Administration ne comptait plus sur le service des
transports automobiles pour effectuer ses transports dans le Nord-Togo en
raison de ses signes de faiblesses, quelle garantie offrait la STAO pour
mériter sa confiance ?
L'observation faite par le gouverneur A. Bonnecarrère
au sujet de la signature d'un contrat avec la STAO dans sa lettre
adressée à l'Inspecteur des colonies, Picanon, le 18 avril 1927,
répondait bien à cette interrogation. Il observait que: «
La STAO semblerait offrir des garanties sérieuses, notamment ses
expériences passées et présentes en Côte d'Ivoire ;
également la qualité de l'importance de l'outillage et du
matériel de transport qu'elle possède d'ores et
déjà au Togo...46».
43 Idem.
44 ANT-Lomé, 7 G, dossier n° 4, rapport
de l'inspecteur des colonies, chef de mission, J.V Cazaux, sur la situation de
la STAO, au 23 janvier 1933. Contrat avec l'Administration. Relation avec les
cercles, etc. (1926- 1930 et 1933).
45 Idem.
46 Idem.
A ces garanties, on doit ajouter le capital de la
société concessionnaire. Il était à sa
création le 1er septembre 1926 de 800 000 F. Il passa
à 1 800 000 F en octobre 1926 puis à 3 200 000 F en octobre 1927
(Simtokena 1997 : 52) avant d'atteindre 15 000 000 F en 192947.
Selon les termes du cahier de charge, la STAO devait assurer
le transport administratif aussi bien du personnel au service de
l'Administration que de ses matériels et marchandises dans la partie
septentrionale à partir du terminus du chemin de fer
Lomé-Atakpamé. Pour son fonctionnement, l'Administration lui
avait loué, au début, des bâtiments et garages qui
étaient affectés auparavant au service de transports automobiles,
moyennant cinq milles francs (5 000 F) l'an. Il lui avait aussi
prêté dix mille francs (10 000 F), qui lui seront
remboursés après payement de l'achat des camions, une somme de
cent cinquante mille francs (150 000 F) après un an
d'activité.
Au 1er mars 1929, le matériel roulant de la
STAO était composé de 89 véhicules, dont 30 neufs et
l'effectif de son personnel européen était de 19 personnes dont 3
à Paris. Au même moment, 110 indigènes étaient
à son service (Tsigbé 2009 : 174). En 1932, elle exploitait 48
automobiles dont 25 en circulation (Gayibor 2005 : 419). Sur la photo n°
3, on peut apercevoir quelques véhicules de la STAO de cette
époque.
Photo n° 3 : Quelques voitures de la STAO à
Zébé (1928-1930)
Source : Gayibor 2005 : 506.
47 JOT, 1929, p. 388.
Il faut le rappeler, au second semestre 1928, le Garage
central a fourni à ladite société 22 voitures et 14
camions ou tracteurs accompagnés de leurs ressources nécessaires
pour fonctionner. Ils avaient, comme souligné
précédemment, respectivement parcouru 95 000 km et 811 100 km et
coûté à l'Administration 561 393, 83 F et 675 325 F.
Les sources dont nous disposons ne nous permettent pas
d'évaluer l'oeuvre de la STAO durant ces premières années
au Togo. Le moins qu'on puisse dire, est qu'elle avait, durant sa
période d'activité (1927-1932), transporté des
fonctionnaires et des matériels destinés aux travaux de
prolongement du chemin de fer. Le tableau n° 2 permet de suivre
l'évolution du nombre de voyageurs transportés, des distances
parcourues par les automobiles de la STAO et du montant du trafic.
Tableau n ° 2 : Evolution du trafic routier
assuré par la STAO au Togo entre 1929 et 1932
Désignation
|
Années
|
1929
|
1930
|
1931
|
1932
|
Total
|
Distance parcourue
en km/voiture
|
44 683
|
18 870
|
195 196
|
188 553
|
447 302
|
Distance parcourue
en km/camion
|
65 115
|
135 283
|
175 000
|
46 586
|
421 98
|
Nombre de voyageur
|
1 765
|
4 609
|
3 534
|
3 947
|
13 855
|
Bagage et matériel
en kg
|
46 289
|
146 353
|
140 905
|
36 013
|
369 560
|
Montant en francs
courant
|
286 286,25
|
241 230,03
|
973 883,87
|
594 709,96
|
2 096 110,1
|
Source : Tsigbé 2009 : 174.
Il ressort du tableau n° 2 que, de 1929 à 1932, la
distance parcourue par les voitures dépasse celle parcourue par les
camions. Durant les quatre ans, elle était de 447 302 km contre 481 984
km. Cela peut s'expliquer par la rapidité des voitures. La STAO avait
jusqu'en 1932 transporté 13 855 voyageurs alors que, selon les clauses
du contrat révisé, elle devait assumer la mobilité
géographique de 20 000 personnes à l'horizon 1932 (Tsigbé
2009 : 175).
Ce déficit montre les insuffisances de la STAO. Elle
fit les frais de la crise économique des années 1930. Son chiffre
d'affaire chuta de 973 883,87 F en 1931, à 594 709,96 F en 1932,
année où la crise commença par sévir au Togo.
En effet, cette crise entraîna la suspension des travaux
de construction du chemin de fer central dont dépendaient en partie les
activités de la STAO. Elle se vit refuser la demande de financement
qu'elle avait formulée à l'Administration qui estimait que «
si ses affaires avaient été bien gérées au
cours des années prospères, peut être aurait-t-elle pu
avoir des réserves lui permettant de s'adapter aux conditions nouvelles
» (Tsigbé 2009 : 177). Elle était surtout
accusée d'avoir effectué des transports gratuits48.
Le 4 octobre 1932, le passif financier de la
société était de 900 000 F tandis que l'actif était
d'environ 400 000 F (Simtokena 1997 : 56). Le déficit fut donc d'environ
500 000 F. Financièrement, la société ne tenait pas.
Elle fut alors mise en liquidation judiciaire le 7 janvier
1933. Il faut noter que, de 1927 à 1932, le territoire a payé
à la STAO 4 319 599,118 F (Simtokena 1997 : 54). Devant ces
difficultés, l'autorité coloniale a pris des dispositions pour
réglementer son trafic routier.
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