3- Les services publics, parapublics et autres
structures
Dans les unités administratives du Togo sous tutelle,
les services techniques étaient organisés en bureaux suivant les
nécessités et placés sous l'autorité des Chefs de
subdivision ou des Adjoints aux Commandants de cercles et des Commandants de
cercles (hiérarchiquement) selon l'organisation de ces structures
territoriales. Au niveau administratif local, ils étaient sous la
tutelle du Secrétariat général. Le schéma n° 1
de la structure administrative établi précédemment le
montre suffisamment. Il existait donc sur le territoire togolais neuf bureaux.
Il s'agit des Travaux publics, du chemin de fer et Wharf, de l'agriculture, des
eaux et forêts, de l'élevage, des PTT, du Météo, de
la Radio et des Douanes (Gayibor 2005 : 192).
Les sources que nous disposons ne nous permettent pas
d'affirmer que tous les services techniques organisés dans les
unités territoriales disposaient de véhicules propres ou en
recevaient en affectation permanente. Ce qui ne nous paraît pas aussi
évident vu l'étroitesse du patrimoine automobile de
l'Administration. Le moins que l'on puisse dire, est que tous pouvaient en
réquisitionner au besoin et selon la disponibilité, au parc
automobile des cercles et subdivisions sur l'approbation des responsables de
ces unités territoriales.
L'inventaire dressant la liste des véhicules (22 au total)
du cercle d'Atakpamé et précisant leur affectation108,
en est une preuve.
Ainsi, seuls les Travaux publics d'Atakpamé auraient en
affectation permanente des camions (2 au total) parmi les services techniques
du cercle109. Cela se comprend aisément quand on sait la
mission que devait remplir ce service. La réalisation de l'ambition de
dotation du territoire togolais d'équipements (de transport, etc.)
nourrie par les autorités coloniales dans le cadre du FIDES pour le
développement socio-économique du pays, nécessitait
d'équiper les Travaux publics déconcentrés dans les
unités territoriales, de matériels roulants, notamment les
camions. Nombreux étaient les engins lourds achetés sur les
dotations du FIDES et qui devaient servir dans la réfection et la
construction des routes, etc. L'arsenal du parc mécanique du
Génie civil dont nous avons dressé le tableau
précédemment en dit assez (voir tableau n° 5)
108 ANT-Lomé, 2 APA Tsévié, dossier 42,
problème de chefferie dans les villages d'Assahoun, d'Edji, de
Kevé, de Yometchin, d'Atti-Apedokoé, koudassi. Problème de
Poste administratif d'Assahoun, correspondances, diverses, 1958-1966.
109 Certes, le document précise des affectations de
véhicules à certaines localités comme Nuadja, Anié
sans toutefois préciser leurs missions. Mais, notre analyse demeure
évidente dans la mesure où la ville d'Atakpamé, chef-lieu
du cercle est susceptible d'abriter plusieurs services et que seuls les Travaux
publics en avaient.
La structure de l'administration générale du
territoire togolais ne classe pas la santé et l'enseignement,
placés sous l'autorité directe du Secrétariat
général, parmi les services techniques.
Toutefois, ils demeurent des structures, des services
fondamentaux dans un pays. Leur importance dans la gestion d'un territoire
n'est pas moindre. Ils sont indispensables l'un et l'autre soit dans la
formation des cadres110, soit dans le maintien en bonne santé
du personnel et des populations, donc de la main d'oeuvre du pays. A la vue de
leurs missions, ils avaient besoin de moyens de transport modernes.
Ainsi, les hôpitaux ou centres de santé en ont
impérativement besoin pour l'évacuation des malades et pour les
déplacements de leurs agents de service. C'est dans cette logique qu'en
1948, comme nous l'avons déjà mentionné, le Service
d'hygiène de Lomé fut doté de deux ambulances et d'une
camionnette à partir des financements de l'exercice (1947-1948) du
FIDES. En témoignant de ses conditions de travail dans le nouvel
Hôpital du CHU-Tokoin entre 1949 et 1954, Emmanuel Agboka après
avoir souligné que le personnel arrivait «...d'abord à
pied puis à vélo... », qu'il n'y avait pas de
vélomoteurs et que les voitures étaient rares, reconnait que
«...l'ambulance circulait entre l'hôpital et la ville
» (Marguerat et Péléi 1992 : 119-120) cité par
Gayibor (2005 : 404). L'ambulance servait à transporter les malades et
les victimes d'accident ou d'incident vers l'hôpital et peut-être
dans le sens inverse pour évacuer les dépouilles mortelles.
Le personnel du secteur de la santé avait besoin aussi
de moyens de transport. En rappel, depuis 1937, il était affecté
au Médecin-Chef de l'Hôpital de Lomé, sur
arrêté, une voiture spéciale (comme les
Commandants de cercles et les Commissaires de la République
française) pour ses déplacements liés à ses
attributions. Cette disposition n'étant pas abrogée, tous ceux
qui occupaient ce poste étaient dotés de véhicule de
fonction.
Les services parapublics utilisaient aussi des
véhicules pour faire tourner leurs appareils centraux et secondaires sur
le territoire. Ils étaient pour l'essentiel des organes d'encadrement
rural. Il s'agit entre autres des Sociétés indigènes de
prévoyance (SIP) installées dans chaque cercle et
coordonnées par un organe central à Lomé. Celles-ci
possédaient des engins pour le transport des produits agricoles des
centres agricoles vers les unités industrielles et assurer le
déplacement de leur personnel vers les zones rurales pour prodiguer des
conseils aux paysans et mener d'autres activités d'encadrement. Ces
véhicules appartenaient au service local, donc, à l'Etat comme le
stipule l'article 2 de l'arrêté n° 325 du
110 C'est dans ce cadre que l'Ecole nationale d'Administration
(ENA) fut créée au Togo en 1959. Elle devait fournir des cadres
pour l'Administration du territoire dont l'indépendance était
irréversible et imminente.
19 juin 1937 portant organisation du Garage central et
réglementant le service des automobiles administratives dans le
territoire du Togo111. A ce titre, ils étaient garés
au Garage central (du moins ceux du cercle de Lomé).
Les SIP et les services administratifs pouvaient louer des
véhicules administratifs. La fixation du prix tarifaire était
fonction de la distance parcourue.
Ainsi, en 1947, Jean Noutary, commissaire de la
République française au Togo d'alors, par arrêté
n° 282 TP du 18 avril 1947112, fixa les prix des transports
effectués par les véhicules administratifs pour le compte des
divers services administratifs, S.I.P et, éventuellement, les
particuliers. Ils étaient arrêté à « 10
francs le kilomètre pour les voitures touristes et camionnettes et
à 14 francs le kilomètres pour les camions à partir de 2
tonnes de charge utile113».
Ces tarifs étaient portés respectivement à
14 francs et à 23 francs CFA en 1948114 par J. H. Cedile,
commissaire de la République française au Togo de 1948 à
1950.
Cet arrêté ne changea pas les autres dispositions
du précédent. Au cas où le véhicule n'est pas
ramené au Garage dans les délais, sauf en cas de panne, le
montant du transport est majoré de 200 francs par journée
d'absence après les premières 24 heures. Toutes ces dispositions
et prix ne concernaient que les services administratifs du Chef-lieu, cercle de
Lomé-Tsévié et les SIP115.
L'arrêté précise que dans les cercles de
l'intérieur, les services utilisateurs supportent les dépenses de
fonctionnement des véhicules réquisitionnés sur les
crédits mis à leur disposition à cet effet, les primes
kilométriques exclues.
Les services avaient donc intérêt à
utiliser à bon escient les véhicules pour ne pas grossir leurs
dépenses et épuiser leur budget avant échéance. A
ce propos, le commandant du cercle du Centre, M. Jury, Administrateur de la
FOM, dans sa note de service n° 868, datée du 8 septembre 1953,
avertissait les chauffeurs des véhicules administratifs qu'ils recevront
«...chaque mois un contingent d'essence, qui ne pourra, en aucun cas
être dépassé : ils devront veiller à limiter au
strict minimum les dépenses de carburants...»116.
Cette disposition ne vient qu'allonger la kyrielle de mesures prises par les
autorités pour réduire les
111 JOT du 1er juillet 1937, pp. 287-288.
112 JOT du 1er mai 1947, arrêté n°
282 TP. du 18 avril 1947.
113 Toutes les dépenses liées au fonctionnement
(chauffeur, carburant, etc.) étaient à la charge du service
local.
114 JOT du 1er avril 1948, arrêté n°
309 T.P. du 31 mars 1948, p. 453.
115 Les tarifs dans le cas de cession à des particuliers,
étaient majorés à 25%.
116 ANT-Lomé, 2 APA cercle d'Atakpamé-add,
dossier n° 112, Service des travaux publics, réglementation sur la
circulation automobile dans le territoire et dans le cercle, retraits de permis
de conduire, procès-verbaux d'enquêtes sur les accidents de
circulation : arrêtés, décisions, circulaires et notes
diverses, 1950-1960.
dépenses publiques à partir d'une bonne gestion et
une utilisation réglementée des véhicules des pouvoirs
publics.
Toutefois, la gestion des véhicules de l'Etat
n'était pas saine pendant la tutelle comme c'était
déjà le cas dans la période précédente. Des
dérapages étaient observés dans l'utilisation des
véhicules administratifs par les services publics causant ce que
redoutaient l'Administration, la hausse des dépenses publiques. La
situation était telle que le Premier Ministre togolais, Sylvanus Olympio
a soulevé en 1959 le problème de mauvaise utilisation des
véhicules de l'Etat en abordant la question de dépenses publiques
abusives lors de la Conférence des Commandants de cercle et des Chefs de
circonscription du 8 septembre 1959 tenue à Atakpamé 117.
La place du parc automobile dans le fonctionnement des
différentes structures et institutions administratives était
indéniable. Certes, les véhicules des pouvoirs publics
étaient insuffisants face à l'immensité de la tâche
des services et leurs besoins de transport, mais ils avaient contribué
à faire tourner l'appareil administratif.
Ainsi, ils avaient assuré la mobilité des
différents Commissaires de la République française qui
s'étaient succédés au Togo entre 1946 et 1960, et de leurs
proches collaborateurs (Inspecteur de travail, Secrétaire
général, Commandants de cercles et leurs Adjoints, Chefs de
subdivisions, etc.), et dans les Cercles et subdivisons. Les
déplacements des autorités déconcentrées au niveau
des unités administratives (cercles et subdivisions) étaient
également tributaires des automobiles. Ces unités territoriales
ont vu aussi une grande partie de leurs besoins de transport terrestre moderne
être assouvie par les véhicules administratifs (que par les
trains).
Le programme de développement socio-économique
du territoire togolais initié dans le cadre du FIDES pendant la
période de tutelle a permis de le desservir par des voies de
communication plus étendues. Cependant, les efforts de
désenclavement ont encore de beaux jours devant eux car, beaucoup de
régions restaient encore non dessertes. Le réseau routier
était estimé à 4 472 km à la veille de
l'indépendance, avec des ouvrages d'art de franchissement plus
résistants et dont une grande partie pouvait désormais supporter
le passage des véhicules de plus de 50 tonnes. Cette amélioration
fait bon ménage avec
117 ANT-Lomé, 2 APA cercle d'Atakpamé, dossier 195,
procès verbal de la conférence des commandants de cercle et des
chefs de circonscription, 1959.
l'élargissement du patrimoine automobile togolais qui
était composé de 3 600 matériels roulants publics et
administratifs en 1958.
Cette situation favorable faisait les affaires du pouvoir
colonial qui réglementa dans la foulée, son trafic automobile
à travers un long chapelet de mesures administratives et juridiques en
vue de le redynamiser afin de lui permettre de bien gérer le territoire
togolais indigent en équipements de transport ferroviaire. Plusieurs
structures étaient impliquées dans le transport administratif en
cette période.
En effet, deux sociétés privées de
transport, SGGG et Jonquet-Prades, coptées par le pouvoir colonial,
assuraient le transport du personnel en déplacement et du courrier
postal administratif respectivement à partir de Blitta vers les
régions septentrionales du pays et sur la ligne Lomé-Cotonou. Le
Garage central, placé sous la tutelle du Service des travaux publics et
des transports qui assurait la gestion centrale des activités de
transport, avait la compétence de gérer le trafic administratif
automobile à bien des égards surtout dans le cercle de
Lomé.
Les véhicules automobiles avaient grandement
apporté au fonctionnement du Commissariat de la République
française, de l'administration locale organisée autour des
Commandants de cercle et des Chefs de subdivisions qui dirigeaient les services
et bureaux implantés dans leurs divisions territoriales. Ils avaient
contribué à l'acheminement des biens de service et à la
mobilité géographique du personnel administratif dans le
territoire togolais. Cependant, cette circulation était limitée
dans le pays par le manque de fiabilité du réseau routier dans
certaines zones causant leur enclavement et par l'insuffisance du nombre de
véhicules administratifs.
Au terme de cette première partie, il convient de se
prononcer sur l'état de la mobilité à bord d'automobile
dans le secteur administratif vers la fin de la colonisation française
au Togo.
En effet, depuis son apparition dans les années 1920,
le trafic automobile administratif a globalement connu un progrès au
niveau des éléments de bases de ce trafic. Ainsi, le
réseau routier a connu une amélioration avec l'édification
de plusieurs ouvrages de franchissement. Il était passé de 3 239
km en 1930 à 4 472 km à la fin du second plan du FIDES. Des
régions jadis fermées à la circulation furent donc
ouvertes. Cet essor s'était toujours accompagné de l'augmentation
du patrimoine automobile togolais. Comprenant 224 automobiles en janvier 1926,
il passa à 645 au 1er mars 1930 pour finalement atteindre 3
600 véhicules en 1958. Cette situation favorable offrit à
l'Administration de plus en plus de moyens modernes de déplacement pour
faire fonctionner son système sur le territoire togolais.
Les véhicules de l'Etat ont contribué, avec
l'appui des automobiles privées, à faire tourner le dispositif
administratif colonial français au Togo. Ils ont assuré la
mobilité dans le secteur public. Ainsi, ils avaient facilité la
circulation des biens et du personnel des structures administratives à
savoir, le Commissariat de la République française au Togo, les
cercles et subdivisions administratives pendant les périodes mandataire
et de tutelle. Cette oeuvre doit sa réussite au système de
gestion de ce trafic par les autorités à travers des structures
et des législations. Le Garage central, placé sous la direction
du Service des travaux publics et des transports, était chargé
à bien des égards du transport administratif automobile. Il fut
soutenu par des sociétés privées de transport dans cette
tâche. Il s'agit de la STAO (1927-1933) et de la SGGG (à partir de
1953) qui assuraient le transport administratif dans les cercles du Nord,
après le Service des transports automobiles (administratif) entre 1926
et 1927. La société Jonquet-Prades, elle, offrait ses services
à l'Administration de Lomé à Cotonou dans les
années 1950.
Soulignons que le transport automobile administratif
était à bien des égards limité sur le territoire
togolais en raison d'une part, de l'existence des poches de régions
enclavées et quasiment fermées à l'Administration et
d'autre part, de l'étroitesse du parc automobile des pouvoirs publics.
C'est cette insuffisance que les tenants de la souveraineté,
déjà confrontés à des difficultés de tout
genre, devaient combler après l'indépendance.
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