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La gestion du parc automobile de l'état et le déploiement administratif au Togo (1937-1992)

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par Ahogla Egbèssi GBAMEHOSSOU
Université de Lomé (Togo) - Maà®trise en histoire contemporaine 2010
  

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PREMIERE PARTIE

LE PATRIMOINE AUTOMOBILE : UN OUTIL
INDISPENSABLE AU FONCTIONNEMENT ADMINISTRATIF
AU TOGO SOUS COLONISATION FRANÇAISE (1937-1959)

Après trente ans de colonisation allemande (1884-1914), le Togo changea de maître à partir de 1914 lors de la Première Guerre mondiale. Les Allemands furent contraints de laisser le Togo dans les mains des vainqueurs franco-britanniques qui se partagèrent et cogérèrent sa dépouille durant six ans (1914-1920). Après cet intermède, le Togo français fut placé juridiquement sous mandat de la Société des nations (SDN) et confié à la France en juillet 1920 qui doit rendre compte de la gestion du territoire à cette instance internationale. Si le pouvoir colonial français a hérité de certains moyens matériels de gestion du territoire, il devait en créer d'autres irremplaçables pour la bonne marche de son système administratif.

Ainsi, il créa, dans la première moitié des années 1920, son parc automobile qu'il fit évoluer dans un maillage législatif et structurel. En 1924, furent créés le cadre et l'école des conducteurs d'automobile pour alimenter le transport administratif au Togo. Ceux-ci devaient faire carrière au sein du Garage central, créé en 1926 et chargé de la gestion du patrimoine automobile de l'Etat à bien des égards. Il fut organisé en 1937. Dans la foulée, le transport automobile administratif fut aussi réglementé en vue de sa redynamisation. Après le Second Conflit mondial, une avalanche de règles fut éditée dans ce sens. Les véhicules des pouvoirs publics devaient servir de moyen de mobilité pour aussi bien des agents que des biens administratifs à travers le territoire dont la gestion rentable était le souci primordial du pouvoir colonial français. Il convient alors de poser la question : Quel rôle les automobiles de l'Etat avaient joué dans le fonctionnement des structures, institutions et services administratifs de gestion du territoire togolais de 1937 à la veille de sa souveraineté internationale?

Répondre à cette question revient à prendre en compte ses différents aspects historiques. Il convient d'abord d'analyser dans cette partie, la contribution des véhicules au fonctionnement administratif pendant la période mandataire avant de montrer leur apport au déploiement administratif sous la tutelle.

PREMIER CHAPITRE

DES DISPOSITIONS OFFICIELLES DE GESTION ET DE
REDYNAMISATION DU SECTEUR DU TRANSPORT AUTOMOBILE
ADMINISTRATIF AU TOGO SOUS MANDAT FRANÇAIS (1924-1945)

Le territoire togolais perdu par l'Allemagne fut cogéré par les Franco-britanniques entre 1914 et 1920. La partie française issue du partage franco-britannique de 1919, fut juridiquement placée, en 1920, sous le mandat de la SDN confiée à la puissance qui la gérait. Dès lors, la France eu un droit de gestion du territoire, bien évidemment sous un regard international.

L'organisation du territoire nécessite alors des structures et équipements conséquents dont ceux de transport terrestre. Si le transport routier fut presque dans un état embryonnaire avant le mandat français, le transport administratif à partir des automobiles appartenant à l'Etat fut inexistant. Il fut désormais impératif pour le bon fonctionnement de l'Administration coloniale française qui se voulait efficace pour répondre à la logique coloniale sur un territoire mal desservi par les infrastructures ferroviaires. C'est ainsi que durant cette période, elle avait mis sur pied des mesures pour gérer le transport automobile administratif. Après la création en 1924, du cadre et de l'école des conducteurs automobile qui alimentaient ce trafic, il fut institué le Garage central administratif en 1926, pour gérer à bien des égards le parc automobile de l'Etat. Quelle situation prévalait au niveau du transport routier togolais jusqu'à l'organisation du Garage central et à la réglementation du service des automobiles administratives en 1937? Quel impact cette nouvelle donne et autres mesures ont eu sur le transport automobile administratif jusqu'à la fin du mandat? Comment le parc automobile de l'Etat a-t-il contribué au fonctionnement du système de l'Administration coloniale française pendant la période mandataire?

Les réponses à toutes ces questions permettront de saisir l'impact de la gestion des véhicules automobiles de l'autorité coloniale française sur le fonctionnement administratif au Togo sous mandat.

I- Le transport routier togolais en progression sous mandat français (1924-1937)

Pendant le mandat français, au Togo, à la faveur de la politique d'équipements dans le
cadre de sa «mise en valeur », une nouvelle ère s'amorça pour le trafic routier tant sur le plan
des infrastructures que sur celui des moyens et structures de transport. Le trafic automobile se

développe dans un système de gestion institutionnelle susceptible d'assurer au mieux l'essor du transport administratif plus d'une fois renforcé par les véhicules privés.

1- La réorganisation des équipements de transport automobile

L'amélioration et l'édification des voies de communication routière au Togo pendant la période mandataire a pour corollaire l'essor du parc automobile.

1.1-Aménagement et construction des infrastructures routières pour le fonctionnement de l'Administration

Le transport automobile n'est possible sans les voies de communication routière. Elles rythment la circulation automobile (et permettent d'apprécier son niveau sur un territoire), et par ricochet, influencent dans une certaine mesure, la couverture administrative sur le pays. Elles sont indispensables pour la mise en valeur d'un territoire. Les routes, par leur souplesse, leur flexibilité et leur rapidité, assurent sa bonne gestion par la circulation automobile. Elles sont indispensables pour le fonctionnement administratif. Pour Gayibor (1997 : 140), les routes sont à la fois « un instrument de développement, de domination en permettant le contrôle des populations et d'exploitation économique en rendant possible l'écoulement des ressources agricoles.»

C'est ce que souligne aussi le ministre français des colonies Albert Sarraut13 aux Gouverneurs généraux et Commissaires de la République française déjà en 1932 en ses termes:

« Les routes constituent un des principaux facteurs de l'expansion coloniale. Des liaisons sûres et rapides sont indispensables pour une bonne administration... Un réseau routier bien tracé et bien construit constitue un instrument économique de premier ordre. Un tel réseau est seul capable d'assurer un développement du trafic automobile, signe de l'activité économique d'un pays »14.

Le principal réalisateur de cette politique au Togo fut A. F. Bonnecarrère, Commissaire de la République française au Togo de 1922 à 1931. Il aménagea et renforça les infrastructures routières durant tout son gouvernorat de 10 ans (1922-1931). De gros efforts furent fournis pour l'élargissement des voies de 3 à 6 m, et leur aménagement. Ces routes furent soutenues

13 Albert Sarraut est un éminent homme politique français, gouverneur d'Indochine de 1911 à 1919. Il fut ministre des colonies de 1920 à 1924 et de 1932 à 1933. Il élabora un programme de mise en valeur des colonies en 1920 pour permettre de relever son économie affaiblie par la guerre.

14ANT-Lomé, 1 G Travaux publics, dossier 23, note du ministre des colonies aux Commissaires de la République et Gouverneurs (février 1932) cité par Tsigbé (2005 : 40).

par des ponts solides en béton renforcés par des barres métalliques15 pour supporter le poids des camions en remplacement des ponts construits en bois pendant la période allemande et facilement endommageables dénommés « ouvrages d'art provisoire».

En 1930, le réseau routier togolais automobilisable au Sud était estimé à près de 2 000 km (Tebie 2002 : 52). Au Nord, la priorité fut accordée au prolongement de la route SokodéSansané-Mango passant par Alédjo, Bafilo et Kara avec la construction d'un pont métallique sur la Kara au premier semestre 192316. La construction de la route reliant Sokodé à Kara (route de la main d'oeuvre) s'était imposée comme une nécessité pour acheminer, par automobile, la main d'oeuvre du pays Kabiyè-Losso vers le Sud pour la construction des routes et la mise en valeur des plantations administratives. Le réseau routier des cercles de Sokodé et de Mango comprenait 1 306 km (Tebié 2002 : 62).

En général, le territoire togolais était, en 1930, sillonné par 3 239 km de routes carrossables en 1930 contre 1 745 en 1921 (Tebie 2002 : 62). Beaucoup de régions du territoire jadis enclavées, furent dessertes. Il était alors moins difficile à l'Administration d'y accéder par le transport automobile. Elle dispose à cet effet dans chaque cercle un parc automobile. La carte routière n°117 illustre à bien des égards le niveau de désenclavement des régions du Togo et de circulation des véhicules en 1933, et la répartition des parcs automobiles administratifs dans le pays.

15 Parmi les ponts construits, on peut citer ceux de Zébé (90 m) et d'Alounou (45 m).

16 Le pont métallique sur la Kara remplaça celui construit par les Allemands en 1907 emporté par de fort courant d'eau en 1917 (Kakou 2007 : 166).

17 Voir page 22.

Carte n° 1 : Reseau routier du Togo en 1933

Source : Gbamehossou à partir de Barandao (1987 : 644) et ANT-Lomé, 9 C Garage central, dossier 7, correspondance avec le Commissaire de la République sur les autorisations de circulation demandées par quelques maisons de commerce, 1929-1931.

Cette carte montre que l'essentiel du réseau routier togolais en 1930 était reparti entre la région située entre Atakpamé-Lomé et celle comprise entre Sokodé -Dapaong. La région s'étendant d'Atakpamé à Sokodé traversée seulement par la route principale reliant ces deux localités, était mal desservie par les infrastructures routières. La circulation automobile y demeure encore assez limitée même après la desserte de certaines zones telles que le plateau de Danyi par le projet de tracé Kpalimé-Badou en 1934 et le pays Adelé. Les régions frontalières à l'Est et à l'Ouest restèrent enclavées, une conséquence de la crise économique des années 1930 (et plus tard la Seconde Guerre mondiale18) qui bloqua, sinon, ralentit les projets. Par ricochet, les automobiles ne pouvaient pas y accéder. L'Administration avait donc recouru aux moyens de transports à deux roues et au portage pour s'y déployer. Seulement entre 1921 et 1926, on comptait 918 porteurs à son service dans les cercles d'Atakpamé et de Sokodé (Assima-Kpatcha 2004 : 2004) mal restructurés par des routes carrossables.

Au Togo sous mandat français, l'essor des infrastructures de transport routier s'était accompagné d'une évolution flagrante du parc automobile.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry