II- La gestion du transport automobile administratif au
Togo sous tutelle (1946-1959)
Apparu dans les années 1920, le trafic administratif
à bord de voiture, pour sa promotion, avait été dans ses
différents aspects géré administrativement et
juridiquement par le pouvoir colonial mandataire. Il avait intérêt
car, son efficacité en dépendait. Pendant l'époque de
tutelle, l'autorité publique dont le souci primordial était le
développement économique et social du territoire togolais, ne
pouvait en faire moins si elle tenait à la réussite de son
projet.
Ainsi, le transport administratif via l'automobile, paraissant
être le moyen de mobilité le plus efficace, par sa
flexibilité, pour une bonne gestion territoriale du Togo dont les
limites en équipements ferroviaires étaient criardes, fut
réglementé et confié à des structures
spécialisées.
1- Cadre institutionnel et juridique
Le trafic automobile administratif au Togo pendant la
période de tutelle était régi par des règles de
gestion élaborées par les autorités compétentes.
Les prescriptions devaient faire l'objet d'une rigoureuse application par les
différents services ou institutions impliqués dans sa gestion.
1.1- Les mesures de réglementation
L'Etat pour son dynamisme, doit veiller à la bonne
marche de tous les secteurs de développement. Pour y arriver, les
autorités administratives et politico-juridiques définissent et
établissent des règles qui doivent régir chaque domaine et
veillent à leur application.
Ainsi, au Togo, pendant la seconde phase de la colonisation
française (1946-1960), plusieurs dispositions juridiques et
administratives avaient été prises pour réglementer le
secteur du transport automobile administratif à travers des
décrets, arrêtés, lois, circulaires, notes de service, etc.
Elles devaient empêcher la gestion odieuse de ce trafic sur toute sa
ligne procédurière et contribuer efficacement au fonctionnement
des servies publics afin que le développement du territoire tant
clamé soit effectif. Elles confirmaient, rappelaient ou rapportaient les
règles éditées dans la période
précédente ou en créaient selon les situations qui se
présentaient.
En 1947, une série de règles fut mise sur pied par
Jean Noutary88réglementant implicitement ou explicitement le
transport automobile administratif.
Ainsi, dans la circulaire n ° 1 644 du 12 décembre
1947, le Commissaire rappelait les termes de sa circulaire 368/ F du 6 mars
1946 se rapportant aux demandes de réquisitions de transport. Il
demandait à tous les services, bureaux et cercles de l'intérieur
(Lomé exclue) de « prendre toutes les dispositions utiles afin
que sauf cas d'urgence exceptionnelle, les demandes de l'espèce
parviennent au Bureau des finances la veille du jour du déplacement
avant midi89». Si on s'en tient au contenu de
cette prescription, il est clair qu'aucune demande de réquisition hors
urgence provenant de l'intérieur du territoire ne peut être
satisfaite si elle n'est parvenue au moins 12 h avant le jour du
déplacement. Sans doute, le bien fondé de cette mesure
réside dans la volonté de Jean Noutary de faire analyser par le
service en charge des finances les demandes avant l'accord de
réquisition. L'objectif ne présente aucune
ambiguïté,
88 Jean Noutary fut commissaire de la République
française au Togo de 1944 à 1948.
89 ANT-Lomé, 3 C Service du matériel,
dossier n° 27, circulaire relative aux demandes de réquisitions
de
transport, à l'attribution de matériaux,
circulaire relative aux factures relatives à des achats de fournitures,
1947-1948.
il s'agit d'éviter de faire supporter au budget local, des
dépenses inutiles et partant, réaliser le développement
économique et social du territoire comme projeté après la
guerre.
En outre, la même année, il promulgua la loi
n° 47-1684 du 3 septembre 1947 rétablissant et réglementant
le Conseil supérieur des transports90. Celui-ci était
habilité à donner son point de vue sur toutes les questions de
transport qui lui étaient «soumises par le Ministre des travaux
publics et des transports », ou sur celles dont il a
été avisé de sa propre initiative par le truchement d'une
demande faite par l'un de ces membres. Sa compétence couvrait en
conséquence, le secteur des transports automobiles administratifs.
Enfin, toujours en 1947, par arrêté n° 277
du 15 avril, Jean Noutary modifia, les heures de travail des services publics
en abrogation de l'arrêté n° 565 du 31 octobre
193991. En effet, à compter du 19 avril 1947, la durée
de travail dans les services du territoire togolais devait désormais
être de quarante-cinq heures par semaine à raison de huit heures
par jour hormis les samedis. Chaque jour ouvrable (lundi au Vendredi)
était divisé en deux séances, matin (7 h à 12 h) et
l'après midi (14 h à 17 h). Les samedis, les services ouvraient
les portes de 7 h à 12 h et l'après midi et les dimanches matins.
Une permanence était assurée dans les services et bureaux. Les
caisses publiques restaient ouvertes tous les jours, dimanches et jours
fériés inclus (mais jusqu'à 16 h).
Cependant, les services en rapport direct avec le public (Douane,
PTT, sport) demeuraient régis par des horaires particuliers.
Implicitement, une telle disposition d'ordre
général, règlementait la circulation des véhicules
des services publics.
En effet, si ces moyens de transport devaient assurer la
mobilité géographique des agents et matériels des services
administratifs et que ces derniers étaient régis par des horaires
bien précis, ils devaient donc circuler au rythme des heures de travail
de leurs services d'appartenance.
L'Administration pensa également à
l'établissement du régime des déplacements de son
personnel.
Ainsi, par arrêté n° 643-51/ F du 11
septembre 1951 du Commissaire de la République française au Togo,
Y. Digo (1950-1952), il était accordé à tout fonctionnaire
ou agent public se déplaçant dans le cadre de service, un droit
de remboursement des dépenses
90 JOT, 1947, p. 922.
91 ANT-Lomé, 2 APA Bassar, dossier 13,
fonctionnement des Bureaux, services et ateliers (arrêtés et
circulaires du Commissaire de la République, 1937-1947.
supplémentaires occasionnées par son
déplacement92. Les frais de transport proprement dit,
comportaient les dépenses du fonctionnaire, dans certains cas de celles
de sa suite (femme, fils jusqu'à la majorité, filles jusqu'au
mariage, et enfants utérins et adoptifs voire domestiques) et des
bagages dans les limites de la charge autorisée. Les frais accessoires
de déplacement concernaient la nourriture, le logement et d'autres
dépenses.
Pour les tournées de service à
l'intérieur du territoire, un plafond temporel était fixé
pour empêcher les agents de prolonger exagérément leur
séjour ou d'en inventer dans le but de bénéficier des
frais de missions conséquents.
En effet, l'arrêté n° 696-53/ F du
1er octobre 195393 limita à cinq jours par mois la
durée des tournées administratives effectuées à
l'intérieur du territoire ayant droit au frais de déplacement.
Elle fut portée et limitée à dix jours par mois en janvier
195494. Mais, cette mesure n'a pas fait long feu puisqu'elle fut
abrogée en avril 195495.
Des dispositions étaient également prises pour
réglementer l'acquisition des véhicules.
Ainsi, dans la circulaire n° 4/ cir-54/ C en date du 7
janvier 1954, le Commissaire de la République d'alors, L. Pechoux,
faisait savoir au Secrétaire général, aux chefs de
services et aux chefs de circonscriptions, qu'il se réservait
expressément dès lors de signer toutes pièces d'achat de
véhicules, de délégation de crédits valables pour
les budgets ou comptes du territoire96. Ces mesures permettraient
à la plus haute autorité de l'Administration locale de prendre
connaissance des contenus des pièces d'achat des matériels
roulants et de dépenses liées aux prolongements de la voie
ferrée centrale, et de décider des opérations. Il s'agit
là encore des dispositions pour réglementer et assainir les
dépenses publiques.
Certaines prescriptions relatives à la gestion des
matériels roulants subissaient les verdicts de la situation politique du
pays. La création de la République autonome du Togo (RAT) en 1956
par le décret du 24 août (Gayibor 1997 : 212), a eu pour
conséquence, la modification de la marque d'identification des
véhicules appartenant au territoire. Ainsi, désormais par
arrêté n° 19/ MTP/ TP, pour tous les véhicules
immatriculés au Togo, le
92 ANT-Lomé, 2 APA, dossier 108,
Secrétariat du Commandant de Cercle, télégrammes
officiels, (départ du 22 novembre 1951 au 31 décembre 1956).
93 93 JOT du 16 octobre 1953, arrêté n° 696-53/
F du 1er octobre 1953 limitant la durée des tournées
administratives, p. 730.
94 JOT du 1er février 1954,
arrêté n° 31-54/ F du 13 janvier 1954 modifiant
l'arrêté n° 696-53 /F du 1er octobre 1953 limitant
la durée des tournées administratives, pp. 65-66.
95 JOT du 1er mai 1954,
arrêté n° 332-54/ F du 3 avril 1954 rapportant
l'arrêté n° 696/ - 53/ F du 1er octobre 1953
limitant des tournées administratives et l'arrêté n°
31-54/ F du 13 janvier 1954 modifiant l'arrêté n° 696/ - 53/
F précité, pp, 393-394.
96ANT-Lomé, 1 G Direction des travaux
publics, dossier 55, Circulaire du Commissaire de la République
(17août 1954) relative aux dispositions à prendre par le
Commandant de Cercle pour l'exécution des nouveaux travaux de
construction de bâtiments, ponts, radier. Circulaire du 7 janvier 1954
relative à la signature des pièces concernant achats de
véhicules, crédits pour la Société Travaux neufs,
etc., 1954.
numéro sur les deux plaques d'immatriculation est
précédé des lettres RT97 en remplacement des
lettres TT98. Les indications étaient portées sur ces
plaques en caractères blancs sur fond noir. Pour distinguer les
automobiles administratives des privées, il était peint sur leurs
plaques d'identité précédent les lettres RT, un insigne
représentant l'emblème de la République Autonome. Tous les
véhicules appartenant aux pouvoirs publics devaient en porter.
Comme nous l'avons souligné dans le chapitre
précédent, l'immatriculation des véhicules des pouvoirs
publics relevait de la compétence du Service des travaux publics et des
transports qui avait sous son autorité le service spécifique du
transport administratif.
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