111 Article 53, paragraphe 1, de la Charte.
C'est ainsi qu'a la suite de l'adoption d'un regime de
sanctions renforce a l'encontre des Taliban par le CSNU, le Conseil de l'Union
europeenne a adopte, le 26 fevrier 2001, une position commune sur des mesures
coercitives a l'encontre des Talibans et, le 6 mars 2001, un reglement
communautaire112. Il a l'obligation du respect scrupuleux de la
constatation d'une situation operee par le CSNU.
Par ailleurs, la Charte exige une autorisation du CSNU
pour toute action coercitive entreprise par les organismes
regionaux.
2- L'exigence d'un mandat prealable du Conseil de
securite pour l'a pplication des sanctions par les organismes
regionaux
D'apres l'article 53, paragraphe 1, in medio, g aucune
action coercitive ne sera entreprise en vertu d'accords regionaux ou par des
organismes regionaux sans l'autorisation du Conseil de securite D. Cette
disposition de la Charte cree un rapport de subordination -ou de hierarchie-
entre le CSNU et les organisations regionales de securite. Certains auteurs ont
pergu dans ce rapport l'etablissement d'une sorte de "federalisme -plus
fonctionnel qu'institutionnel- dont le Conseil de securite occupe le
sommet''113 . D'autres, une "tutelle'' du CSNU sur les actions
entreprises par les organismes regionaux114.
Dans tous les cas, la Charte prevoit formellement que
toute sanction mise en oeuvre par les organismes regionaux doit etre au
prealable autorisee
112 Voir MANGIN Rene, Rapport
d'information no 3203 déposé en application de l'article 145 du
Reglement par la Commission des Affaires Etrangere sur les sanctions
internationales, 27 juin 2001, P.14. L'on soulignera que l'adoption de ce
reglement a connu des difficultes, malgre un accord sur l'objectif poursuivi.
Plusieurs Etats membres se sont opposes a la Commission europeenne, lui
reprochant d'etablir un regime autonome de sanctions ne se conformant pas
strictement a la resolution 1333, soit en omettant des exemptions, soit en
ajoutant des procedures. Ces Etats ont finalement obtenu que le reglement
respecte scrupuleusement les obligations formulees par la resolution, et que la
Commission ne s'arroge pas de prerogatives inappropriees a cette occasion, afin
de ne pas creer un precedent.
113 Voir NGUYEN QUOC Dinh,
DAILLIER Patrick, PELLET Alain, Droit international public, op.cit., P. 93
9.
114 Voir FOPY Sylvain
Christian, Le droit d'intervention de l'Union africaine, op.cit.,
PP.56-57.
par le CSNU. D'ailleurs, cette exigence s'inscrit dans
la logique de la supériorité de l'ONU par rapport aux organismes
régionaux établie par l'article 103 de la Charte115.
Dans la meme lancée, toutes les activités de ces organismes
régionaux en matiere de sécurité sont placées sous
le contrOle du CSNU, qui doit en etre pleinement informé116
.
Cependant, une exception a l'exigence d'un mandat
préalable s'éleve dans les dispositions de l'article 53,
paragraphe 1, in fine, me-me si sa caducité ne fait plus
aujourd'hui l'objet de débats : ce sont les sanctions internationales
prises par les organismes régionaux a l'encontre des g Etats ennemis
»117.
Toutefois, certains Etats soutiennent que les
initiatives régionales doivent avoir la priorité sur les
interventions de l'ONU. Ils invoquent, pour justifier ce renversement de la
hiérarchie indiquée par la Charte, des arguments pratiques de
rapidité et d'efficacité, mais aussi une considération
juridique : le mandat implicite du CSNU.
Cette these n'a pas été approuvée
par la majorité de la doctrine118. Cette derniere s'est
demandée si toutes les organisations régionales étaient
compétentes pour mener des actions coercitives prévues par le
chapitre VII de la Charte.
115 Article 103 * En cas de
conflit entre les obligations des Etats Membres des Nations Unies en vertu de
la présente Charte et leurs obligations en vertu de tout autre accord
international, les premières prévaudront *.
116 L'article 54 de la
Charte dispose que * le Conseil de sécurité doit, en tout temps,
être tenu pleinement au courant de toute action entreprise ou
envisagée, en vertu d'accords régionaux ou par des organismes
régionaux, pour le maintien de la paix et de la sécurité
internationales * ; Voir aussi Activités militaires et paramilitaires au
Nicaragua, Rec.CIJ, 1 984, P.440.
117 Voir article 107 de la
Charte des Nations Unies.
118 Malgré cela, dans
le cadre de la crise Yougoslave, une coopération s'est instituée
entre l'ONU et la communauté européenne, et l'OTAN et l'UEO ont
été chargées de mettre en oeuvre le blocus maritime de la
Yougoslavie (Serbie et Monténégro) et l'interdiction de survol de
la Bosnie-Herzégovine ; Voir les résolutions 752, 757, 781 et 787
(1 992) et la résolution 820(1 993) du CSNU.
B- La determination de l'organisme regional
competent
Les dispositions de la Charte portant sur les
organisations regionales11 9 ont ete sujettes a de nombreuses
controverses. En effet, des interrogations sur l'organisme regional competent
ont pullule ici et là, ouvrant la voie a des interpretations variees.
Elles ont concerne la determination des domaines de validite territorial et
personnel de l'organisme regional concerne. En d'autres termes, l'on s'est
demande si le qualificatif g regional N renvoyait a une action geographique de
l'organisme (1). Neanmoins, la pratique a consacre une conception plus etendue
du critere geographique (2).
1- L'im portance du critere geographique
Comme tout traite international, les accords regionaux
ont un champ d'application territorial et personnel plus ou moins large. Si la
validite des mesures de contrainte menees par les organismes regionaux dans un
cadre geographique purement regional ne fait aucun doute, il n'en est pas de
me-me pour celles qui s'etendent au-dela de leur limite
geographique.
En effet, aux termes de l'article 52, paragraphe 1, de
la Charte les organismes regionaux g se pre-tent a une action de
caractere regional N, c'esta-dire que leur domaine de validite territorial se
limite dans le cadre geographique de leur region. Par consequent, en dehors du
cadre geographique regional, les mesures coercitives prises par l'organisme
concerne perdent toute valeur juridique et deviennent elles-me-mes
illicites.
Par ailleurs, le me-me raisonnement est
conduit quant au domaine d'application personnel. Dans cette perspective, l'on
s'est demande si un Etat pouvait valablement e-tre membre d'un organisme
regional hors du cadre geographique regional dans lequel il se situe.
Me-me dans le cas d'une
11 9 Voir Charte des Nations
Unies, chapitre VIII, articles 52, 53 et 54.
reponse affirmative, il serait formellement improbable
qu'un tel Etat fasse partie du systeme de securite collective institue dans la
region concernee.
Ainsi, de nombreuses voix se sont elevees pour
contester la validite du premier en date de ces traites, celui de l'OTAN qui g
... n'est pas un accord regional aux termes du chapitre VIII de la Charte des
Nations Unies... N120.
Toutefois, d'autres voix ont appuye leurs arguments
juridiques non sur la base du chapitre VIII de la Charte, mais sur l'article 51
qui autorise des accords g collectifs D en matiere de maintien de paix et de
securite internationales. Ce faisant, elles ont valide les mesures coercitives
des organismes regionaux operees en dehors du cadre geographique de leur
region. La pratique a enterine cette extension des champs d'application
personnel et territorial des organismes regionaux.
2- Le depassement du critere geographique
Malgre la prescription formelle dans le texte de la
Charte de la necessite du critere geographique, plusieurs organisations
regionales ont vu le jour en totale meconnaissance de ce critere. Les sanctions
internationales prises par elles n'ont pour autant pas ete invalidees tant par
le CSNU que par la Cour internationale de justice.
Comme sus evoque, l'OTAN121 ne constitue
pas un accord regional au sens du chapitre VIII de la Charte. Pourtant, cette
organisation a ete l'auteur de nombreux regimes de sanctions internationales
notamment les sanctions contre les Taliban et la Serbie au cours de l'annee 1
999. Plusieurs autres organisations du me-me type ont ete a
l'origine des mesures coercitives.
120 Voir DELIVANIS Jean, La
légitime defense en droit international public moderne (Le Droit
international face a ses limites), op.cit., P.158.
121 La signature du traite de
l'Atlantique Nord fait suite a une resolution Vandeberg du Senat americain, 23
9, 80e congrés, du 11 juin 1 948, demandant au President des
Etas-Unis de poursuivre par voie constitutionnelle certains objectifs dans le
cadre de la Charte des Nations Unies.
C'est dire que la pratique reconnait un pouvoir de
sanction tant aux organismes regionaux stricto sensu qu'aux organisations
regionales au sens large. Ainsi s'opere un depassement du critere geographique
lequel perd en pratique son importance. L'organisme regional doit alors tout
juste remplir les conditions d'une autorisation prealable du CSNU et d'informer
pleinement ce dernier sur toutes les mesures qu'il envisage entreprendre ou
qu'il a effectivement entreprises.
En general, les organisations internationales
compétentes pour édicter des sanctions internationales sont l'ONU
et les organismes regionaux. En matiere de violation des droits de l'homme,
leur competence n'a été rendu possible qu'à travers un
elargissement de la notion de menace contre la paix. Ainsi, la constatation
d'une menace est nécessaire au déclenchement des sanctions
internationales, que ce déclenchement soit a l'initiative de l'ONU ou
des Etats.
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