C- Une obligation derivee du droit humanitaire
Le droit humanitaire impose tant en temps de paix
qu'en période de conflits armés -internationaux et non
internationaux- que soient respectées des regles minima relatives au
respect des droits de l'homme. Dans cette optique, il prévoit des
dérogations et exceptions a caractére humanitaire auxquelles les
sanctions politiques ont l'obligation de se conformer. Celles-ci sont
mentionnées dans les dispositions de l'article 3 commun aux quatre
Conventions de Genéve conclues le 12 Aoilt 1 94 9202. Selon
l'article 3, paragraphe 1 :
200 Voir extrait du discours
prononcé le 18 janvier 2002 lors d'une réunion d'information
organisée par le comité 1373 a l'intention du CSNU, cité
par COUZIGOU Irene, g Le Conseil de sécurité doit-il respecter
... *, op.cit., P.177.
201 Voir Convention relative
aux droits de l'enfant du 20 novembre 1 986, Declaration des principes de la
cooperation culturelle internationale du 4 novembre 1 996, etc.
202 Voir Convention I de
Geneve pour l'amélioration du sort des blesses et des malades dans les
forces armées en campagne ; Convention II de Geneve pour
l'amélioration du sort des blesses, des malades et des naufrages des
forces armées sur mer ; Convention III de Geneve
« En cas de conflit arme ne presentant pas un
caractere international et surgissant sur le territoire de l'une des Hautes
Parties contractantes, chacune des Parties au conflit sera tenue d'appliquer au
moins les dispositions suivantes :
1. Les personnes qui ne participent pas directement
aux hostilites, y compris les membres de forces armees qui ont depose les armes
et les personnes qui ont ete mises hors de combat par maladie, blessure,
detention, ou pour toute autre cause, seront, en toute circonstance, traitees
avec humanite, sans aucune distinction de caractere defavorable basee sur la
race, la couleur, la religion ou la croyance, le sexe, la naissance ou la
fortune, ou toute autre critere analogue.
A cet effet, sont et demeurent prohibes, en tout temps et
en tout lieu a l'egard des personnes mentionnees ci-dessus :
a. Les atteintes portees a la vie et a l'integrite
corporelle, notamment le meurtre sous toutes ses formes, les mutilations, les
traitements cruels, tortures et supplices ;
b. Les prises d'otages ;
c. Les atteintes a la dignite des personnes, notamment
les traitements humiliants et degradants ;
d. (...) N.
Ces exceptions et derogations humanitaires ne sont pas
seulement inscrites dans l'article 3 commun aux Conventions de Genève,
elles ont aussi fait l'objet de maints arrIts ou avis de la CIJ. Pour la
première fois, dans l'affaire du Detroit de Corfou, la CIJ a proclame
que les Etats pouvaient Itre tenus a certaines obligations non seulement en
vertu des textes conventionnels, mais du fait de l'existence de g certains
principes generaux
relative au traitement des prisonniers de guerre ;
Convention IV de Geneve relative a la protection des personnes civiles en temps
de guerre.
et bien reconnus, tels que des considerations
elementaires d'humanite, plus absolues encore en temps de paix qu'en temps de
guerre D203. Les considerations elementaires d'humanite ainsi
evoquees le seront a nouveau dans plusieurs autres decisions de la CIJ, par
exemple dans l'arrIt du 24 mai 1 980 concernant le Personnel diplomatique et
consulaire des Etats-Unis a Teheran204, ou a l'occasion du minage
des ports du Nicaragua par les Etats-Unis205.
Dans cette derniere affaire, la CIJ a en outre precise
sa pensee. En effet, elle a estime que non seulement les actions des organes
politiques internationaux devaient « etre appreciees en fonction des
principes generaux de base du droit humanitaire D206, mais encore
que « l'article 3 commun aux quatre conventions de Geneve du 12 aout 1 94
9 enonce certaines regles devant etre appliquees dans les conflits armes ne
presentant pas un caractere international D207. Elle a ajoute que
« ces regles constituent aussi, en cas de conflits armes internationaux,
un minimum independamment de celles plus elaborees qui viennent s'y ajouter
pour de tels conflits D208.
Ainsi, l'incompatibilite entre les sanctions
politiques et le respect des droits de l'homme se revéle avec constance
sur le plan formel. Une obligation implicite de respect des droits de l'homme
par les organes politiques internationaux lorsqu'ils entreprennent leurs
actions coercitives de maintien de la paix est inscrite dans la Charte des
Nations Unies, prevue dans les instruments internationaux relatifs aux droits
de l'homme, et derive du droit humanitaire. Mais dans la pratique, celle-ci est
battue en bréche. Comme le souligne fort bien Ariel
COLONOMOS,
203 Voir Detroit de Corfou,
fond, arrêt, Rec.C.I.J., 1 94 9, P.21.
204 Voir Personnel
diplomatique et consulaire des Etats-Unis a Teheran, arrIt, Rec.C.I.J., 1 980,
PP.42-43.
205 Voir Activités
militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c/
Etats-Unis d'Amérique), fond, arrIt, Rec.C.I.J., 1 986,
P.112.
206 Voir ibid. P.12 9 et
148.
207 Voir ibid.
208 Voir ibid. Voir pour
des precisions sur ces differentes decisions GUILLAUME Gilbert, « La Cour
Internationale de Justice et les Droits de l'homme *, Droits fondamentaux,
n°1, JuilletDecembre 2001, PP.26-27.
L D'une part, ces armes (les sanctions
politiques)20 9 ne sont pas efficaces (...) ; de l'autre, elles
provoquent des degats irreparables, des sinistres qui ont precisement un cout,
a la fois humain et economique D210.
Autrement dit, sur le plan materiel, l'incompatibilite
entre les sanctions politiques et le respect des droits de l'homme atteint son
apogee. C'est dire que les sanctions politiques aux violations des droits de
l'homme ont un impact nefaste dur lesdits droits de l'homme.
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