CHAPITRE II : SANCTIONS POLITIQUES ET RESPECT DES
DROITS DE L'HOMME : UNE COMPATIBILITE PROBLEMATIQUE
Les sanctions politiques mettent en oeuvre une
responsabilite collective. Elles sont dirigees contre un Etat et peuvent avoir
un impact nefaste sur sa population civile, c'est-A-dire sur les droits
fondamentaux de ses citoyens. Comme l'ecrivait le Professeur Hans KELSEN
:
« La conduite contraire au droit des organes
etatiques appeles a executer les obligations internationales est la condition a
laquelle le droit international attache une sanction, sanction qui, en tant
qu'acte de contrainte, ne frappe pas les organes qui violent le droit, mais
d'autres organes, le peuple, et en particulier le peuple sans armes, par
consequent les sujets de l'Etat dont les organes ont viole le droit
international, encore que ceux qui sont frappes par la sanction n'aient
nullement contribue a provoquer l'acte illicite, ni n'aient jamais ete en
mesure de l'empecher *1 91.
Ainsi, les sanctions politiques opérent un
deplacement de la responsabilite en visant la victime tout en deculpabilisant
l'auteur. Ceci se verifie surtout en cas de violation des droits de l'homme.
L'on note alors une incompatibilite entre les sanctions politiques et le
respect des droits de l'homme (section 1). Au vu d'un tel echec impute aux
sanctions politiques, les organes politiques internationaux ont convenu de
faire que g ce qui est legal soit egalement legitime *1 92. C'est
dans cette perspective qu'apparait un effort de legitimation des sanctions
politiques (section 2).
1 91 Voir KELSEN Hans, g
Theorie generale du droit international public ... *, op.cit.,
P.130.
1 92 Voir DECAUX Emmanuel, g
Legalite et legitimite du recours a la force : de la guerre juste a la
responsabilite de proteger *, Droits fondamentaux, n°5, janvier- decembre
2005, P.10.
SECTION 1 : LA MISE EN EXERGUE DE L'INCOMPATIBILITE
ENTRE LES SANCTIONS POLITIQUES ET LE RESPECT DES DROITS DE L'HOMME
A la suite des violations des droits de l'homme, les
sanctions politiques viennent davantage troubler la paix et la
sécurité internationales. Dés lors, pour mettre fin a une
situation de violations des droits de l'homme, le recours aux sanctions
politiques s'apparente a g l'usage de la dynamite D pour neutraliser une
mouche1 93. C'est dire que l'incompatibilité entre les
sanctions politiques et le respect des droits de l'homme se vérifie tant
sur le plan formel que sur le plan matériel. Sur le plan formel, il
s'agit de la méconnaissance de l'obligation de respect des droits de
l'homme inscrite dans les instruments juridiques internationaux relatifs aux
droits de l'homme (paragraphe 1). Sur l'angle matériel, il est question
des répercussions des sanctions politiques sur les droits de l'homme
(paragraphe 2).
PARAGRAPHE 1 : La meconnaissance d'une obligation im
plicite de respect des droits de l'homme
Les sanctions politiques doivent s'appliquer tout en
respectant les droits de l'homme. Les instruments juridiques internationaux le
précisent, me-me s'ils ne le font pas de fagon explicite. En
effet, les actions coercitives menées par les organes politiques
internationaux ne tiennent pas compte de cette obligation tacite. Pourtant,
celle-ci est bel et bien prévue tant par la Charte des Nations Unies
(A), les textes internationaux relatifs aux droits de l'homme (B), que par les
textes internationaux portant sur le droit humanitaire (C).
1 93 Voir WECKEL Philippe, *
le Conseil de sécurité des Nations Unies et l'arme
nucléaire *, AFDI, vol LII, 2006, P.1 97.
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A- Une obligation issue de la Charte des Nations
Unies
Dans son action coercitive de maintien de la paix et
de la securite internationales, l'ONU a une g obligation conditionnee de
respect des droits de l'homme D1 94. Celle-ci est inscrite dans sa
Charte constitutive. En effet, l'article 24, paragraphe 2, in limine de la
Charte dispose que le CSNU doit agir g conformement aux buts et principes des
Nations Unies D dans l'accomplissement de ses devoirs. C'est dire que le CSNU a
l'obligation de se conformer aux buts et principes de la Charte. Parmi les buts
et principes des Nations Unies, figure le respect des droits de l'homme.
L'article 1, paragraphe 3, de la Charte enonce en particulier l'objectif de
developpement et d'encouragement du respect des droits de l'homme. Il est
enterine par l'article 55 (c) de la Charte qui reprend le but de promotion des
droits de l'homme et dispose que les g Nations Unies favoriseront (...) le
respect universel et effectif des droits de l'homme et des libertes
fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de
religion D.
L'article 13, paragraphe 1(b), precise encore
l'objectif a atteindre en matiere de developpement et d'encouragement au
respect des droits de l'homme en confiant a l'AGNU la tache de g faciliter pour
tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion, la
jouissance des droits de l'homme et des libertes fondamentales D. L'article 62,
paragraphe 2, donne un role semblable au Conseil economique et social en lui
ouvrant la possibilite de g faire des recommandations en vue d'assurer le
respect effectif des droits de l'homme et des libertes fondamentales pour tous
D. Enfin, relativement a l'article 76(c) de la Charte, le regime international
de tutelle devait g encourager le respect des droits de l'homme et des libertes
fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de
religion D.
Ainsi, le respect des droits de l'homme est une
obligation primordiale inscrite dans la Charte. L'ONU doit necessairement tenir
compte de celle-la
1 94 Voir COUZIGOU Irene, g
Le Conseil de securite doit-il respecter les droits de l'homme dans son action
coercitive de maintien de la paix ? D, op.cit., PP.111-123.
lorsqu'elle adopte des sanctions, meme si, comme le
souligne le Docteur Irene COUZIGOU, a les dispositions de la Charte relatives
aux droits de l'homme ne sont pas vigoureuses N1 95. La pertinence
de cette affirmation est A relever, etant donne que les dispositions dont il
est question parlent de "developper'', de "favoriser'', d' "encourager'' ou de
"faciliter'' le respect ou la jouissance des droits de l'homme.
Neanmoins, le droit derive des Nations Unies se
consacre aussi a renforcer l'obligation de respect des droits de l'homme. Il
s'agit plus precisement d'un certain nombre de resolutions adoptees par l'AGNU
et qui explicitent l'article premier de la Charte1 96. Outre le
droit derive des Nations Unies et la Charte des Nations Unies, l'obligation de
respect des droits de l'homme est aussi prevue dans les instruments relatifs
aux droits de l'homme.
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