1.1.2. L'explication théorique de
l'instabilité des changes :
La littérature économique relative aux taux de
change a évolué à travers les décennies tout en
suivant de près la mondialisation de l'économie et la
globalisation des marchés financiers. Si les théories les plus
classiques font davantage référence aux fondamentaux
économiques (modèles de balance de paiements, parité des
pouvoirs d'achat...), les plus récentes mettent l'accent sur la
globalisation financière. Face à l'intensification des mouvements
de capitaux, les derniers travaux de modélisation du taux de change
(modèles de substitution, de news, de microstructure...) font ainsi
davantage référence aux variables financières et aux
comportements des acteurs. En effet, si à la fin des années 70,
on a vu l'apparition de nouvelles approches théoriques sous la forme de
modélisation dynamique (Dornbush), les faits ont mis en avant
l'insuffisance des facteurs financiers, et des nouvelles recherches se sont
orientées vers le rôle déterminant des anticipations et de
la psychologie des acteurs des marchés des changes. Alors, quels sont
les déterminants des taux de change ? Aucune explication n'est
pleinement satisfaisante. On peut imaginer que les trois s'emboîtent
(psychologique à très court terme, financier à court
terme, réel à long terme).
La fin du système de Bretton Woods, qui a amené
à l'abandon des régimes de change fines au début des
années 70, a entraîné une forte instabilité des taux
de change qui ont interpellé les
économistes. Deux familles d'approches ont
été élaborées pour tenter d'expliquer cette
instabilité :
- La première approche décrit «la
surréaction» des taux de change par les différences de
vitesses d'ajustement entre les marchés des biens et services et les
marchés des actifs financiers.
- Une seconde catégorie de travaux met l'accent sur le
rôle des facteurs psychologiques et des anticipations. La théorie
«psychologique» du change confirme un rôle essentiel aux
rumeurs (neufs) et aux comportements mimétiques dont Keynes avait
parlé quelques années auparavant.
1.1.2.1 Théorie de la surréaction des
taux de change :
Cette théorie7, représente la
première approche cohérente de l'instabilité des taux de
change, et constitue une synthèse des analyses réelles et
financières de la détermination de taux de change. L'idée
est que l'instabilité des taux de change s'explique par les
différences entre les vitesses d'ajustement sur les marchés des
biens et services et sur les marchés financiers. DORNBUSH émet en
effet l'hypothèse que les prix des marchés financiers s'ajustent
instantanément aux variations de l'offre et de la demande, alors que les
prix des biens et services sont rigides à court terme. Sur le long
terme, le sentier d'équilibre du taux de change est défini par la
PPA : l'évolution du cours de change est expliquée par le
différentiel d'inflation entre les nations. A court terme, ce sont les
mouvements de capitaux qui dominent le marché des changes, et
l'équilibre du marché suppose la condition de PTI remplie :
l'écart de taux d'intérêt entre deux devises est
égal au taux anticipé de dépréciation du taux de
change. Les anticipations de change sont basées sur la PPA et
ramènent donc le taux de change vers son niveau de long terme. La PPA a
ainsi une fonction de point d'ancrage du système.
DORNBUSH analyse la dynamique des changes comme suit à
court terme, un choc monétaire, comme par exemple l'accroissement de
l'offre de monnaie, entraîne une baisse du taux d'intérêt
national ; cette baisse, s'ajoutant à l'anticipation d'une
dépréciation de la monnaie en relation avec une politique
monétaire laxiste, engendre une dépréciation
instantanée du taux de change allant au-delà de sa nouvelle
valeur de long terme respectant la PPA. Il y a ainsi surréaction
(overshooting) du taux de change, au sens que le mouvement
7 DORNBUSH.R, « Expectations and exchange
rates dynamics », journal of political economy, vol.34, 1976
immédiat du taux de change est fort et doit être
compensé par la suite. En effet, dans une seconde phase, à la
suite de la dépréciation initiale de la monnaie, les
échanges de biens et services réagissent par une
amélioration de la balance courante qui amène une
appréciation de la monnaie jusqu'à ce que la norme de PPA soit
à nouveau respectée.
La théorie de la surréaction a constitué
une étape importante dans la compréhension des changes flottants,
en mettant en place un cadre d'analyse permettant d'appréhender le
phénomène de volatilité des changes. Elle a fourni un
argument théorique important contre les effets néfastes des
changes flottants. Cependant, les modèles de
«l'overshooting» connaissent des limites importantes
liées aux hypothèses de travail. En effet, les résultats
du modèle dépendent fortement du rôle joué par les
anticipations en principe, la surréaction résulte uniquement de
vitesses d'ajustement différenciées sur les marchés des
biens et des actifs financiers ; elle se produit en l'absence de toute
anticipation (i.e. avec des anticipations statiques). En fait, c'est
l'incapacité des agents à prévoir le taux de change
à long terme qui les amène à surajuster leurs
portefeuilles ; et la convergence du change vers son équilibre de long
terme est liée au fait que les anticipations sont supposées
stabilisantes, car elles ramènent les parités sur le sentier
d'équilibre, ce qui est loin d'être vérifié dans la
réalité.
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