Ces compagnies n'ont pas, dans les conditions actuelles,
d'autres choix que ceux imposés par le marché, leurs missions de
service public, leurs spécificités et leur environnement.
· Pour les choix imposés par le marché,
les tendances sectorielles, environnementales, la pression compétitive
sont très lourdes et ont suffisamment été
développées. La recherche de gains de synergie et de
complémentarité y est fondamentale.
· Quant aux missions assignées par les
autorités de tutelle et les spécificités des compagnies en
question, ont encore plus d'importance dans ce choix, eu égard à
l'imbrication conséquente de ces deux éléments. Comme
l'écrit Claude Postel124, «les jeunes compagnies
aériennes du Tiers Monde, porteuses d'une identité nationale
nouvelle, sont des vecteurs irremplaçables dans l'état actuel des
choses, de certains objectifs de la politique économique et
internationale de leurs pays, et ceci quels que soient le régime
politique et le régime économique dont elles relèvent et
quelles que soient leurs dimensions géographiques et
internationales».
D'autre part, rares sont les compagnies qui ont des
politiques maitrisant un certain nombre de variables d'environnement ; la
plupart sinon la quasi-totalité subissent la pression compétitive
et environnementale.
Une prise de conscience des enjeux qui en résulteraient
existe néanmoins chez un bon nombre
d'autorités de tutelle et
de dirigeants de ces compagnies ; mais une mutation doit s'engager au
123 Afrique et Pays Arabes du proche Orient.
124 Ex. Directeur « programme et Développement
à l'IFURTA, 1er juin 1983 à Marseille (op. cit).
sein de celles-ci pour passer de la mission de service public
au cadre normal d'une entreprise dans un milieu concurrentiel; cette mutation a
un prix et constitue une vision stratégique du futur ; c'est à ce
niveau que devraient se situer les débats en cours.
Comment remplir ses principales missions et être
compétitif ?
Pour traiter cette question, il y a lieu d'abord d'analyser
les missions de service public et leurs implications sur la vision du futur
(2.2.2.1) pour étudier ensuite les objectifs et options
stratégiques correspondants (2.2.2.2).
L'analyse des implications des missions de service public permet
de faire ressortir les éléments qui traduisent la vision du futur
des compagnies aériennes nationales.
2.2.2.1.1. Les implications des missions de service
public pour les compagnies aériennes nationales :
- Les missions :
Généralement elles se situent à deux
niveaux : celui de la contribution au développement économique et
social du pays et de son image internationale, et celui du transport de toutes
les catégories de clientèle en passagers et en fret.
- La contribution au développement économique et
social du pays et de son image internationale.
Cette contribution125se concrétise par :
* la production d'une valeur ajoutée non
négligeable,
* l'exportation de services et la génération de
devises étrangères,
* l'emploi d'effectifs importants et donc la contribution
à la lutte contre le chômage, * le désenclavement
régional,
* la promotion de l'image du pays, là où le
réseau des lignes aériennes est étendu; cette promotion
trouve son support tant à bord des vols de la compagnie nationale que
dans ses agences et escales (aéroports desservis) par la qualité
du service et de l'équipement, notamment en flotte, et par le
comportement du personnel.
125 R.A.M (Royal Air Maroc) par exemple est pour le Maroc :
4ème producteur de valeur ajoutée,
3ème exportateur (de service) 4ème
générateur de devises et 4ème employeur en
effectifs (source RAM Déc.93).
- La contribution au transport des passagers et de fret.
Les compagnies aériennes nationales sont à ce
titre généralement un outil de développement :
* des exportations des produits nationaux,
* du tourisme de/et vers les pays générateurs du
Nord principalement et du Sud accessoirement.
Elles doivent également assurer le transport des hommes
d'affaires et des ressortissants nationaux résidant à
l'étranger (travailleurs, étudiants etc...)
- Les implications pour les compagnies aériennes
publiques :
Elles sont de deux ordres : sur le plan des activités et
sur le plan des capacités.
* Les implications sur le plan des activités
:
La compagnie nationale doit être multipolaire et à
ce titre elle est amenée à lutter contre ses rivales par
l'intermédiaire de ses unités affiliées dans les domaines
suivants :
· le transport proprement dit : en développant
tous les créneaux de clientèle, toutes les gammes de produits et
tous les marchés géographiques ayant des affinités avec le
pays ; et ce dans des conditions, de prix et de qualité, meilleures que
celles des concurrents (en fret et en passagers),
· la formation professionnelle du personnel au sol et en
vol dans des spécialités de haute qualification dans tous ses
aspects technique, maintenance avion, commercial et exploitation (à
faire valoriser et à capitaliser auprès des autres compagnies
aériennes quand le savoir-faire y est développé),
· le tourisme : en y agissant comme acteur principal le
long de la chaîne de traitement.
* Les implications sur le plan des capacités
:
La plupart des compagnies aériennes nationales du Sud
sinon la quasi-totalité doivent dans le contexte actuel :
· s'autofinancer et ne pas compter sur les subventions ni
même sur les garanties étatiques des crédits (à
contracter),
· s'équiper en flotte « avions» de
nouvelle génération à utiliser d'une façon optimale
pour obtenir une meilleure rentabilité des capitaux qui y sont
investis.
Ce sont généralement ces implications qui
constituent d'autres principes directeurs et qui, conjugués avec ceux de
la bataille concurrentielle126 reflètent la vision
nécessaire du futur de ces compagnies aériennes.
2.2.2.1.2. La vision stratégique du futur
:
C'est une vision à long terme qui doit
généralement reposer, d'après Bruno Lannes et Pierre
Paris127 sur plusieurs éléments dont essentiellement
la souplesse, la capacité d'adaptation, la volonté de toute
l'équipe dirigeante, le passage à l'acte et l'amour du challenge
: ce sont en partie des éléments de compétitivité
parmi ceux évoqués plus haut.
En privilégiant le long terme au court terme, on veut
souvent privilégier la croissance, le gain de part de marché et
les investissements notamment en études et recherches, plutôt que
les profits.
C'est une condition préalable à la poursuite des
objectifs compétitifs128 et à la concrétisation
des options stratégiques.