En général, toutes les interprétations
et les définitions données au concept de
compétitivité ne rencontrent pas l'unanimité, mais
permettent de rapporter ce concept au marché des produits, à
l'entreprise et aux concurrents : ce qui correspond aux vraies dimensions du
concept que l'on pourrait adapter au transport aérien et comparer
à une course ouverte. A celle-ci participent des entreprises de toutes
tailles avec des handicaps différents et auxquelles on demande de
traverser la ligne d'arrivée dans les conditions imposées par les
plus performantes. Ici, la compétitivité est conçue par
rapport à la performance sur le marché, où les grandes
compagnies aériennes du Nord dans l'ensemble agissent depuis la
déréglementation du transport aérien aux Etats-Unis sur
toutes les variables constituant des atouts qui leur confèrent d'hors et
déjà des avantages compétitifs spécifiques et
inaliénables, faisant la différence avec les autres sur tous les
marchés aériens internationaux qu'elles desservent.
113 Cf à ce sujet Michael Porter, in « l'avantage
concurrentiel (traduit par P. De Lavergne) édit. Economica 1987 p. 13 et
suivant et C. Leclercq et X. Leclercq in Gestion stratégique de la
concurrence en temps de crise. Edit. Maxima Laurent Mesnil 1993 - p. 34 et
suivantes.
En plus de ces avantages leur démarche
compétitive s'est appuyée sur certains principes directeurs et
sur toutes les variables de compétitivité.
Quelles sont alors ces variables (ou facteurs) et ces principes
? 2.2.1.1. Les facteurs de compétitivité :
La perception de la compétitivité et de ses
déterminants a connu une profonde mutation depuis la
déréglementation aux Etats Unis et la libéralisation en
Europe (U.E.) du transport aérien ; aussi la réflexion
114 sur les déterminants de la compétitivité
dans l'industrie en général a connu plusieurs étapes :
- Pendant longtemps le rôle de l'environnement
macro-économique sur la compétitivité a été
perçu comme central et constitue l'un de ses facteurs
déterminants.
- Il en est de même de l'approche sectorielle (ou
méso-économique) et des filières, qui postulait
l'existence d'une structure optimale de l'offre115 que l'Etat
pouvait, le cas échéant contribuer à mettre en place pour
une meilleure compétitivité du secteur.
- Aujourd'hui, la réflexion, plus soucieuse de
découvrir les fondements micro-économiques de la
compétitivité, tente de les identifier dans l'entreprise.
C'est ainsi qu'à l'approche structurelle du secteur
qui postulait l'existence d'une organisation optimale de l'offre du transport
aérien (de/et vers chaque pays) s'est substituée une analyse
reposant sur l'idée que la compétitivité devenait pour
chaque compagnie aérienne une démarche individuelle qu'il
convenait, le cas échéant, de favoriser en améliorant
d'abord l'environnement macro-économique et institutionnel et en
agissant sur les lois sur la concurrence.
Aussi il n'existe pas un modèle d'entreprise
compétitive et le défi de la compétitivité ne se
joue plus dans la recherche des aides et subventions étatiques.
L'affirmation de l'inefficacité de ces aides,
d'après Frédéric Gagey116 fait aujourd'hui
l'objet d'un relatif consensus largement obtenu sous l'impact des études
réalisées par des organismes internationaux117.
114 Article de Fréderic Gagey sur la
compétitivité des entreprises et politiques économiques.
Revue sur l'actualité n° 179 Mars 1992 p. 35.
115 Oü le coût moyen à long terme est au
minimum pendant que le niveau de production est optimal.
116 In Revue sur l'actualité N° 179 p.44 op.cit.
Au niveau du transport aérien international ce
tournant est certes gage d'efficacité ; il conduirait aux recours
à des formes de soutien en accord avec la théorie des
marchés et respecterait la concurrence en minimisant les entraves
à la compétition118.
Dans ce contexte la compétition entre les compagnies
aériennes notamment du Nord trouve ses fondements dans l'optique
«Marketing management» dans son acception moderne, en tenant compte
par ailleurs, des tendances durables de l'évolution du secteur.
Cette optique, orientée vers le client souverain,
«considère que la tâche primordiale de l'entreprise est de
déterminer les besoins et désirs des marchés visés
et de produire les satisfactions désirées de façon
rentable et plus efficace que la concurrence»119.
Cette optique inverse120 la logique de l'optique
«vente» en se focalisant sur les besoins de client (sur un
marché donné) et non le produit ; elle se focalise
également sur la coordination des différentes variables d'action
commerciale (force de vente publicité, opérations
promotionnelles...) et sur l'intégration aux autres services de
l'entreprise, afin de diffuser l'esprit marketing à l'ensemble du
personnel de la base au sommet de la compagnie. Cet effort de marketing interne
a précédé dans les compagnies aériennes
performantes l'effort externe.
Dans cette démarche, les facteurs de
compétitivité internationale des compagnies aériennes sont
liés à la gestion, à la vente, à la production et
aux compétences.
Les facteurs liés à la gestion sont : la
flexibilité, la capacité d'adaptation, la recherche de produits
nouveaux, le choix des créneaux, la diversification, la réduction
des coûts, les études et prévisions.
Les facteurs liés à la vente et les contacts avec
la clientèle sont : la publicité, la promotion, la politique
commerciale, l'image de marque, la qualité perçue et le service
après-vente.
Les facteurs liés à la production sont : la
productivité, la politique d'achat et d'approvisionnement, la
technologie utilisée et la qualité offerte.
117 Exemple de la commission européenne (livre blanc sur
les aides) et l'OCDE (programme de surveillance structurelle) cités par
F. Gagey, P.44 ibid
118 Ceci pourrait être vrai pour les compagnies
aériennes des pays industrialisés ; mais pour les compagnies du
Tiers-Monde, les liens culturels et les relations issues d'une histoire peu
commune, laissent persister des marchés protégés qui,
rappelons-le, voleront peu à peu en éclat sous l'impact d'une
concurrence renouvelée dans son intensité et dans ses formes.
119 Kotler/Dubois : le marketing management, p.18
8ème édit. (en français) / Nouveaux horizons -
1994
120 En prenant comme point de départ le marché
et non le lieu de production. A ce sujet, la révolution Marketing de
British Airways illustre cette démarche grâce aux efforts de Sir
Collin Marshall (son nouveau président) qui la ainsi fait sortir de la
liste des plus mauvaises compagnies aériennes au monde dès
1984.
Quant aux facteurs liés aux compétences, on peut
citer la formation, le savoir-faire, l'animation, l'ambiance, la motivation et
la responsabilisation du personnel.
Par définition121, ces principes
régissent la marche vers les objectifs essentiels et s'appliquent en
permanence au stade de la réflexion et de l'action.
Ils peuvent être inspirés de toute bataille
concurrentielle en général et sont adoptés dans la
compétition actuelle du transport aérien international en
particulier.
«Ces principes, selon Michel Quillaume122, sont :
la globalisation, l'innovation, la coopération et l'anticipation (ou le
management du changement).
- La globalisation :
La compétition passe par la globalisation ; ces termes
sont d'ailleurs devenus, à un certain niveau, presque synonymes. Cela
signifie au maximum une capacité à devenir global et au minimum
la volonté de s'adapter à l'internationalisation rapide des
produits (et services), des marchés et des concurrents.
- L'innovation :
C'est une des clés de la compétitivité et
elle doit porter sur tous les domaines d'activités de la compagnie
aérienne.
- La coopération :
Elle devient une nécessité - voire un
impératif dans le transport aérien - face à la
compétition. Le nombre des compagnies qui peuvent encore jouer seules,
est de plus en plus réduit. Sur quoi, comment, jusqu'où et quand
s'allier, s'associer, céder, acquérir : sont à
présent des préoccupations managériales indissociables de
la gestion des entreprises en général et des compagnies
aériennes en particulier.
- Le management des changements :
L'action compétitive consiste à épouser,
à créer et à manager les changements.
121 Victor Berreta, in politique et stratégie de
l'entreprise p. 39, édit Organisation 1975.
122 In l'entreprise en compétition : les sources de la
compétitivité stratégique, édit. HEC Saint Louis
Quorrum p. 50, 1993
Parce que le mouvement est devenu la règle, la
question qui se pose avant d'agir, est de savoir sur quoi l'on peut agir et
quand, pour réussir mieux, avant, plus vite ou moins cher que les autres
?
Globaliser, innover, coopérer, anticiper les
changements, telles sont les quatre leçons à tirer, les quatre
balises du paysage stratégique, les quatre préalables et
accompagnements à toute démarche compétitive».
A la lumière de ces développements par les
grandes compagnies aériennes des pays industrialisés du Nord,
quelles sont les options stratégiques nécessaires aux jeunes
compagnies aériennes nationales du Sud en général et de la
région123en particulier ?