2.1.3.2. Les politiques d'alliance et de
coopération :
Comme on s'en est aperçu avec les
développements antérieurs, l'évolution du transport
aérien en général et de la concurrence entre compagnies
aériennes en particulier, nécessite pour ces dernières
d'une part une taille critique95 pour survivre et couvrir les
marchés, d'autre part une taille optimale96 pour gagner de
l'argent avec une rentabilité meilleure. Ces tailles conditionnent
l'économie des compagnies aériennes.
Au delà de la taille optimale, la croissance de la
capacité de production peut entrainer une baisse de
l'efficacité d'organisation et de gestion des compagnies. En dessous de
cette taille,
93 Dont American Airlines et British Airways qui s'en
sont servis pour réaliser les performances de trafic que l'on
connait.
94 C'est le cas par exemple de British Airways qui
a rejoint en 1933 le FFP mis en place par Singapor Airlines, Malaysia Airlines,
et Cathay Pacific. A ce titre, les clients British Airways pourront accroitre
leur bonus gràe aux nombres de « miles » parcourus sur l'une
de ces trois compagnies asiatiques er vice versa...Cf. quotidien du tourisme
Juillet 1993 p. 5. Article : (B.A. la compagnie rejoint, « passages =
Frequent Flyer Programme »).
95 Ou masse critique : c'est à dire le minimum
d'investissement indispensable pour faire face à la concurrence.
96 C'est la taille à laquelle la courbe en U
de coût moyen (à long terme) passe par un minimum pour un certain
niveau de production considéré.
«les rigidités d'organisation et les frais fixes
entraînent des pertes de production »97 ; c'est
probablement ce qu'avaient expérimenté à leurs
dépens les géants américains confrontés, dans le
cadre de la dérégulation, à la concurrence des compagnies
plus petites, plus jeunes et plus dynamiques».
Aussi en dessous de la taille critique, le poids financier
est insuffisant, les risques techniques (panne d'appareils,...) sont
inégalement répartis ; et tant que la masse critique n'est pas
atteinte le savoir-faire technique ne se développe et se diffuse pas
suffisamment.
Pour ces raisons, les compagnies cherchent les
économies d'échelle externes correspondant à une baisse du
coût moyen ; et la course vers ces tailles passe par la
coopération intercompagnies sous deux formes principales
* Une coopération par alliance offensive, celles des
compagnies géantes et créatives du Nord, * et une
coopération par alliance défensive celle des compagnies
régionales, régulières ou non régulières,
complémentaires des compagnies internationales.
L'une ou l'autre comporte ses propres enjeux. 2.1.3.2.1.
Les enjeux des alliances offensives :
Pour définir la finalité d'une alliance en
général T. Kihlsdet et M. Harrington98 la
présentent comme un outil stratégique pour accomplir un objectif
; elle n'est donc pas en elle-même un objectif.
Comme l'objectif principal des grandes compagnies
aériennes du Nord, notamment les américaines, est à la
fois la domination par une couverture en réseau mondial
intégré et la concurrence par les fréquences et les prix,
elles sont donc amenées à choisir les alliés
complémentaires dans le cadre de stratégies horizontale et
verticale.
2.1.3.2.1.1. l'intégration horizontale par
alliance :
Il s'agit généralement d'alliances
intercontinentales et transnationales de nature commerciale et/ou offensive.
- Les alliances intercontinentales : Sont
généralement de nature commerciale :
97 Emile Quinet, Article : les bouleversements
actuels dans le secteur des transports aériens. Revue Problèmes
économiques, n° 1912 du 20 fév. 1985 p. 19
98 Torbjorn Kihlsdet et Michel Harrigton in «
La trouille des alliances», Airline Business, index janvier 1991
p.17.
La recherche d'alliances entre grandes compagnies
aériennes des trois continents américain, européen et
asiatique a pour objectifs de permettre à ces compagnies de
développer les avantages concurrentiels résultant de la
complémentarité et / ou de la synergie et de réaliser une
rentabilité optimale notamment par les coûts et la
commercialisation, tout en conservant leur indépendance99.
Aussi, pour consolider leurs réseaux, ces compagnies
participent à des accords commerciaux pouvant porter sur les domaines
suivants :
*Regroupement des activités commerciales, notamment
celles des ventes, et de services aux passagers,
*Organisation de <<hub>> par rapport aux
<<feeders>> (compagnies aériennes d'apport). *Gestion
conjointe d'installations aéroportuaires et des services d'escales.
*Accords de représentation commerciale visant à
développer les parts de marché,
*Regroupement des investissements et des dépenses
d'exploitation (achats d'avions en groupe, ateliers de maintenance, contrats
d'assurance ou de fourniture de carburant négociés en
commun...)
*Exploitation de lignes aériennes en code partagé
(code sharing).
Le tableau 4 ci-dessous donne quelques exemples des alliances
effectives entre des compagnies aériennes d'Amérique du Nord,
d'Europe et d'Asie - Pacifique100.
Outre ces alliances intercontinentales de nature commerciale,
des alliances transnationales sont de plus en plus conclues entre compagnies
aériennes dans un cadre purement offensif.
- Les alliances transnationales offensives :
Ce point a été suffisamment
développé ci-dessus dans le cadre des privatisations, des
participations étrangères (simples ou croisées) au capital
social, et des concentrations du secteur de transport aérien. Il s'agit,
on le sait, d'alliances rentrant dans un cadre aéropolitique
99 Nous reviendrons en détails sur cet
aspect de la synergie ; toutefois, il est à préciser que ces
accords de partenariat se sont développés sous des formes
diverses y compris par des prises de participation dans le capital des
compagnies partenaires.
100 On y constate, par exemple, que certaines grandes
compagnies aériennes américaines sont à la traine de
plusieurs de leurs rivales dans les dessertes dynamiques
d'Extrême-Orient. C'est le cas de la première compagnie
américaine en terme de trafic, American Airlines, qui est a la
traîne de Northwest et de Delta Airlines. Il en est de même pour
les compagnies aériennes européennes et asiatiques des deux
côtés de leurs continents. British Airways est à la
traîne de KLM, de Lufthansa et d'Alitalia dans les dessertes
<<atlantique nord>> et asiatiques. En Asie, Singapor Airlines est,
quant à elle, à la traine de Japan Airlines et Quantas dans les
dessertes européennes et nord-américaines.
Tableau 4 I 54 XHlTXH1iHxH' SlHs 0'DOIDQFHs
THIIHcINvHA THQAH ER' SDTQiHs EprIHQQH4 40'A' pUTXH 0X NRU0,D0'EXERSH
Ht10'AsiH.
COMPAGNIES A. AMERICAINES
|
COMPAGNIES A. EUROPEENNES
|
COMPAGNIES A. ASIATIQUES
|
TYPE D'ALLIANCES EFFECTIVES
|
Américain Airlines
|
- - KLM
|
-- Singapor Airlines
-- Air New Zeland - Japan Airlines
- - Quantas
|
- accord sur les marchés
- accord dur les routes aériennes
- projet d'accord sur les lignes sous des codes
partagés, coordination des horaires des vols, et FFP
harmonisé.
-- réservation de capacités
de/vers New York, Los Angeles et San Francisco
|
Canadian Airlines
|
- Aéroflot
- Air France -
- Alitalia
- Lufthansa
- - SAS
- British Airways
|
- Japan Airlines
|
-- marketing complet
-- accord spécifique au réseau ou
au marché
- idem -- idem - idem --
idem (commercial)
|
Continental
|
-- SAS
|
-- Thai Airways Internat.
|
- alliance commerciale et partage d'indicatif
|
Delta Airlines
|
-- Suissair
- - British Airways
|
-- Singapor Airlines -- All Nippon A.
|
-- alliance globale (tarifs internationaux,
programmes vols, achats, personnel...)
- accord d'harmonisation FFP
|
Northwest Airlines
|
- KLM
|
- Asiana Airlines
|
- accord général de commercialisation couvrant les
routes transatlantiques
|
TWA
|
Malev
|
- Air India
-
- All Nippon A.
|
-- accord spécifique au réseau ou
au marché
- idem -- idem
|
United Airline
|
-- Alitalia
- British Airways - Lufthansa
|
-- Australian
- Thai A. international
|
-- accord de marketing et partage d'indicatif
sur certaines liaisons et des services aux aérogares
- idem
- marketing complet (programme et partage d'indicatif des
vols)
- l'accord comprend la mise en commun des FFP, des
programmes, des comptoirs de réservation et des salons d'embarquement
des deux compagnies dans les aéroports ainsi que l'indicatif des
vols101.
|
U.S. Air
|
-- British Airways - Alitalia
|
-- Quantas
|
- accord financier102 -- accord
commercial
|
|
Source : Az.Eddine KABBAJ, Le transport
aérien, tendances, enjeux et stratégies, 1996
101 Le monde du 12/10/1994
102 Quotidien du Tourisme. Paris. 12 oct. 1994
pour créer des pôles d'exploitation de
compétitivité103 avec la taille optimale et la masse
critique nécessaire à cet effet. A ces alliances qui
dépassent le simple cadre commercial s'ajoutent d'autres alliances pour
une intégration verticale.
2.1.3.2.1.2. L'intégration verticale par
alliances
Afin de rendre la fonction de transporteur aérien
moins vulnérable, les grandes compagnies aériennes mènent
également des actions dans le domaine du tourisme ou du commerce
international. C'est ainsi que des alliances avec des tiers en amont et/ou en
aval du transport aérien, les conduisent à être
présentes sur toute la chaîne de production et de
commercialisation.
- L'intégration verticale dans le secteur
touristique :
Elle se fait par alliance à la fois avec des agences
de voyage et des tours opérateurs en amont et avec des chaînes
hôtelières en aval. De plus, on assiste à des alliances
entre des chaînes hôtelières104 pour une
meilleure synergie.
Ces alliances conduisent également les petites et
moyennes compagnies à des tentatives d'intégration du transport
aérien dans la chaîne des produits touristiques.
- L'intégration verticale dans les secteurs du
transport terrestre et du commerce :
En dehors du secteur touristique, les grandes compagnies
aériennes se lient par des accords de partenariat également avec
des entreprises de transport terrestre de marchandises et de passagers, ainsi
qu'avec des entreprises de services et des grands magasins ; los alliances avec
ces derniers permettent aux passagers d'affaires adhérant dans les
programmes FFP d'échanger leurs bonus en points acquis contre des achats
d'articles de leur choix au lieu des billets (gratuits) d'avion ; les grands
magasins peuvent échanger à leur tour les encaisses en bonus FFP
contre105 des billets de voyage aérien à des
conditions tarifaires et de validité convenues par accord
préalable avec la (ou les) compagnie(s) aérienne(s)
concernée(s) par le FFP. C'est ainsi que la boucle est bouclée et
les grands groupes (ou conglomérats) constitués par alliances de
ce genre arrivent à exclure les autres compagnies aériennes dont
il ne reste plus que la défensive.
103 II s'agit ici d'ensemble de compagnies aériennes
complémentaires liées par alliance pour s'intégrer et
obtenir un avantage compétitif. On peut citer encore une fois à
ce sujet la compagnie Air France qui, outre son acquisition d'une participation
minoritaire CSA (et à Sabéna), a conclu des alliances avec Air
Canada et Aéromexico et signé un accord de partenariat avec
Royal Air Maroc et un accord d'étroite
coopération et d'assistance avec Vietnam Airlines, comportant une option
de participation à cette dernière en échange de formation
de personnel et de technologie.
104 Cas des chaînes de Scandinavian Air System (SAS) et de
Swissair pour avoir des bureaux communs de réservation de leurs
hôtels.
105 C'est un cas entre autres.
2.1.3.2.2. Les enjeux des alliances défensives
:
En fait, il s'agit des enjeux de la coopération entre
les compagnies aériennes internationales et les compagnies
régionales (ou entre petites compagnies) ; en d'autres termes, ce sont
généralement des alliances entre les pôles d'exploitation
de compétitivité et leur périphérie.
A la différence des alliances offensives à
caractère global, les alliances défensives concernent des
destinations (ou marchés) limitées à une région
donnée, et/ou à des créneaux précis sans viser la
domination.
Il y a ainsi deux types d'alliances défensives : celles
des petites compagnies régulières «les commuters et
feeders» et celles des compagnies «charters»106.
2.1.3.2.2.1. Le cas des « Commuters Carriers
>> et des « Feeders >> régionaux :
- Les « Commuters Carriers >> :
Ils constituent aux Etats-Unis une nouvelle vague de
transporteurs aériens in dépendants dont les clients sont ceux
des vols internationaux des grandes compagnies aériennes auxquelles ils
offrent des vols de connexions de et vers destinations intérieurs
multiples107.
Le principe de ces « Commuters » consiste à
signer un accord avec une grande compagnie »Majeure » en volant sous
le logo de cette dernière108.
Ils se chargent par ailleurs de tester les nouvelles lignes
aériennes dont le trafic n'est pas important et ce, avec moins de
risques que pour les grandes compagnies, car ils sont beaucoup plus flexibles
par la taille de leurs avions ne dépassent pas 50 places.
- Les feeders :
Comme les « Commuters » aux Etats Unis, ils jouent
également le rôle de compagnies régionales d'apport au
réseau « long courrier » d'une grande compagnie
européenne au départ ou à destination de son « hub
» principal.
C'est le cas des compagnies régionales basées
à la périphérie de l'Union Européenne qui
pourraient se renforcer en augmentant leur part du trafic international (de
6ème liberté via l'Europe) ou bien qui pourront avoir
accès au marché intérieur de l'U.E. à travers une
alliance avec un transporteur basé dans l'Union Européenne (U.E).
C'est ainsi que dans l'environnement mondial qui les assaille, les compagnies
aériennes de l'U.E. ou de sa
106 Compagnies non régulières c'est-à-dire
à la demande.
107 A partir des aéroports de New-York.
108 A titre d'exemple, on peut citer : Transwold Express,
rachetée par TWA, pour s'occuper initialement de ses voyageurs entre
New-York (J.F.Kennedy) et 21 autres aéroports dans le pays.
périphérie, et surtout les petites, s'allient
à d'autres pour atteindre la taille nécessaire. « Si les
transporteurs qui n'appartiennent pas à l'U.E, cherchent à
accroitre leur emprise sur le marché. Cette double approche,
d'après Louis Gialloreto109 « sera commune à la
fois aux transporteurs « U.E » et « non U.E » en
quête de croissance et apportera des avantages réciproques
à chacun, tout en préservent leur autonomie » ; c'est aussi
le cas des compagnies Charters.
2.1.3.2.2.2. Le cas des compagnies « Charters
» :
Ces compagnies évoluent actuellement sous deux formes
d'alliances défensives : - L'alliance avec des compagnies
aériennes régulières internationales :
Les compagnies Charters, notamment en Europe, jouent dans ce
cas à peu près le même rôle que les « Commuters
Carriers » au Etats-Unis. En jouant la carte du partenariat actif, elles
assurent aux grandes compagnies aériennes européennes des
services complémentaires (d'apport entre autres), notamment pour le
trafic touristique sur vols longs courriers110.
Avec ce type d'alliance, elles peuvent asseoir un
«hub» long courrier et profiter de « l'interline » avec
conversion de quelques lignes « charters » en lignes
régulières111 ; cette conversion des lignes «
charters » devient une tendance qui doit continuer pour la survie de ces
compagnies avec des services aériens points à point. Cependant,
l'avantage du coût (30% moins élevé chez les compagnies
charters que celui des compagnies majeurs régulières) est
considérablement réduit par le coût d'infrastructure et de
marketing des lignes converties en régulières.
- Les fusions entre compagnies « charters » :
C'est une autre forme d'alliance défensive qui vise
à atteindre la masse critique112.
Ces fusions conduisent parfois à des tentatives
d'intégration du transport aérien dans la chaine des produits
touristiques. Dans ce cas, le produit de la fusion ne devient qu'un des
maillons de la chaine113
109 International strategy manager, Air Canada in «
Vivre à la périphérie » ; communication faite lors du
colloque ITA à Marrakech en 1988 sous le thème : la
libéralisation du transport aérien dan la CEE : point de vue des
pays voisins, op. cit.
110 Cas Balair avec Swissair et Maritianir avec KLM.
111 Cas de TEA en Belgique et LTU en Allemagne pour leurs vols
longs courriers.
112 C'est le cas en France avec le tour opérateur
« Nouvelles Frontières » qui a intégré la
compagnie Corsair dans ses activités de tour opérateur ; il en
est de même pour le « Club Méditerranée » par
rapport à Minerve et Air Liberté.
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