3 COMPOSANTE HÉDONISTE (facteurs
organoleptiques)
« Un aliment est une denrée
comportant des nutriments, donc nourrissante, susceptible de
satisfaire l'appétit, donc appètent, et acceptée
comme aliment dans la société, donc
coutumière ».
Cette définition due à
TRÉMOLIÈRES est classique mais reste pertinente
: un produit alimentaire doit posséder des caractéristiques
essentielles de type nutritionnel ou hygiénique, mais entraîner
également l'apparition de sensations identifiables ;
« L'homme ne mange pas des nutriments mais des
aliments ». Le plaisir ne doit pas être oublié :
c'est le « devoir de gratification » de l'individu face
à la recherche de son alimentation idéale ; « la
qualité d'un plat, c'est le plaisir éprouvé en le
mangeant »... « Le plaisir est dans tous les cas le sommet
de la pyramide qualité, la pierre angulaire, le déterminant
ultime des comportements alimentaires ». Les attentes des
consommateurs à l'égard de l'alimentation sont des attentes
positives, porteuses de plaisir pour les individus. Par anticipation du plaisir
escompté, c'est avant tout le bien être qui est de plus en plus
ressenti comme source de plaisir, concept évoluant vers des formes plus
mentales et intériorisées. La société moderne
affiche la recherche du plaisir et la nouvelle approche alimentaire se
caractérise par le passage des besoins aux désirs, les premiers
étant globalement satisfaits ; ceci conduit TARAVEL
à affirmer qu'en terme d'alimentation, la qualité relève
du « plaisir attendu », la découverte ou la
redécouverte des sensations apparaissant à l'heure actuelle comme
une revendication majeure. Cette valorisation des sens transforme la vision
rationnelle classique : l'assiette doit être belle avant d'être
bonne.
Pour un aliment, la dernière étape est
néanmoins constituée par le passage de la barrière des
sens, phase de destruction obligée. Lors de celle-ci les
différents éléments contributifs du plaisir sont
indissociables et s'intègrent, qu'il s'agisse des afférences
sensorielles (nature et intensité des stimuli) ou de l'environnement, du
contexte de consommation ou de l'état physiologique du consommateur. La
notion de plaisir, ou de caractéristique hédoniste, est une
dimension plurifactorielle dont les éléments sont
hiérarchisés et pondérés de façon
individuelle en laissant une large part à l'irrationnel, à
l'image et la représentation. La valeur hédoniste, c'est à
dire celle basée sur la recherche du plaisir et de la satisfaction, est
totalement liée à l'expérience personnelle et
représente la « qualité
transférée » d'un produit ou d'une prestation. Cette
notion de plaisir est à distinguer des aspects strictement
sensoriels.
S'agissant de la perception des caractéristiques
organoleptiques d'une prestation alimentaire, deux niveaux, sensoriel et
psychologique, sont à envisager :
- Un niveau sensoriel, concernant les
récepteurs visuels, auditifs, gustatifs, olfactifs, tactiles,
kinesthésiques et thermiques, susceptibles de transmettre des
informations intégrées au niveau cortical et
génératrices des sensations de plaisir ou de déplaisir.
Ces facteurs de la perception alimentaire sont le plus souvent quantifiables et
mesurables, en tenant compte toutefois de la part inhérente à la
subjectivité des méthodes employées. L'appréciation
de cette composante qualitative a donné lieu au
développement de l'analyse sensorielle, discipline
scientifique rigoureuse dont la contribution est devenue essentielle, notamment
lors de la conception de tout nouveau produit alimentaire.
L'appréciation sensorielle, qui fait appel quant à elle aux cinq
sens, reste totalement tributaire des capacités sensorielles des
individus, dont l'acuité est éminemment variable. Mais aussi
subjective, discutable ou injustifiée qu'elle puisse être, c'est
l'opinion exprimée par celui qui consomme qui doit
demeurer la référence. Cette opinion est la résultante de
l'ensemble des sensations déclenchées par l'aliment, que l'on
peut qualifier de « goût » en tant que complexe
multisensoriel : il s'agit ici d'une définition large du goût,
rendant compte de l'expérience psychosensorielle, par opposition
à une définition strictement physiologique, réduite
à l'un des cinq sens. Dans cette acception large du terme, le
goût, mémoire personnelle des sens, est à la croisée
des composantes physiologique, psychologique et sociale du comportement
alimentaire ; il les « articule » (POULAIN, 1993). Il
n'existe pas de consensus sensoriel gustatif au sein d'une population,
le goût collectif n'étant, selon FAURION, qu'une
représentation mentale de ce que l'individu pense devoir ressentir et
n'est obtenu que par un processus de persuasion continu, éducatif puis
social. Si « le goût garde l'entrée de l'alimentation,
il signifie ses choix ». Cuisinier et mangeur
ressentent le goût comme la raison du choix, tributaire non seulement des
habitudes alimentaires mais aussi du système culturel dans son entier.
Si la caractérisation précise des différentes sensations
perçues s'avère indispensable à la description du repas,
c'est sans doute que « la gastronomie est moins l'art de
bien manger, que de bien parler de ce que l'on mange ».
- Un niveau psychologique, influant fortement sur la
perception, interfère avec le niveau sensoriel : ce sont les
« effets trompeurs », en particulier l'effet du contexte de
consommation ; le même plat n'aura pas « le même
goût » dans deux situations différentes, l'une
agréable et l'autre moins. Réactions spontanées et
impulsives, ou déductives et raisonnées, influencées par
les habitudes, les préjugés, les refus inconscients, les
réflexions de l'entourage, les souvenirs, la publicité, etc.
Les trois premières composantes étudiées,
hygiénique, nutritionnelle et hédoniste décrivent la
qualité alimentaire d'une prestation : c'est en quelque
sorte « l'aptitude à bien nourrir ». Elles
constituent la base essentielle de la qualité alimentaire sensu
stricto, complétée par un ensemble de facteurs contributifs,
d'avantage liés au contexte de la prestation ou directement
dépendants de l'environnement social : symboles, signes, mythes,
rêves, sens du sacré, croyances, coutumes, représentation
sociale et pratiques de distinction organisent l'ordre du mangeable au
même titre que la niche écologique qui définit
l'étendue du choix alimentaire et les structures
socio-économiques qui permettent leur mise à disposition.
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