CHAPITRE II :
STRUCTURE ECONOMIQUE ET IMPACT DES IED
Le Burkina Faso fait face à des défis et
contraintes majeurs dans sa lutte contre la pauvreté. Comme l'ensemble
des pays moins avancés (PMA), le Burkina Faso a de grosses
difficultés à retirer les bénéfices de la
mondialisation, et il reste en marge des flux d'investissements
générés par les grandes sociétés
multinationales. Le développement des capacités de production
dans un contexte de concurrence de plus en plus globale est
particulièrement difficile pour un pays enclavé au climat
semi-sahélien disposant d'infrastructures de base insuffisantes et d'un
capital humain limité.
Le Gouvernement est cependant déterminé à
relever le défi de la lutte contre la pauvreté. Un programme de
réformes structurelles, institutionnelles et réglementaires a
été mis en place en vue de dynamiser l'investissement
privé, principal vecteur du développement des capacités de
production et de la lutte contre la pauvreté. Le Burkina Faso cherche
également à promouvoir plus activement les IED afin que ceux-ci
contribuent au développement d'un secteur privé dynamique et
compétitif. En outre, le Gouvernement désire renforcer son
rôle dans le développement des infrastructures de base, y compris
avec le soutien de ses partenaires techniques et financiers et au moyen de
partenariats secteur public - secteur privé. Un tel renforcement est
effectivement nécessaire pour permettre au secteur privé de se
développer dans de bonnes conditions.
I- CADRE ECONOMIQUE ET ROLE
DES IED
1) Structure de la
production et IED
a) Cadre
macro-économique
A son indépendance en 1960, le Burkina Faso a
hérité d'une économie basée essentiellement sur
l'agriculture d'exportation et dépendante de la Métropole pour la
majorité des produits manufacturés. Le secteur industriel
était très limité et les infrastructures de base
(transport, électricité, système d'éducation) peu
développées. De 1960 au début des années 1990, le
Burkina Faso a adopté un modèle économique axé sur
le développement d'entreprises publiques dans de nombreuses
activités commerciales, laissant relativement peu de place à
l'initiative privée.
Durant la période 1960-1990, le pays a connu une
période de croissance relativement continue mais erratique,
caractérisée par des déséquilibres internes et
externes et quelques épisodes de récession (figure1). Le taux de
croissance réel du produit intérieur brut (PIB) a
été de 3,2 pour cent par an en moyenne sur la période, ce
qui n'a permis qu'une augmentation du revenu réel par habitant de 1 pour
cent par an en moyenne. Cette hausse a été insuffisante pour
réaliser des progrès significatifs dans la lutte contre la
pauvreté.
En 1991, le Burkina Faso s'est engagé dans un processus
d'ajustement structurel et de libéralisation économique, avec le
soutien des institutions financières internationales. Ce processus a
cherché et permis d'accroître le rôle du secteur
privé dans l'économie burkinabé, y compris au moyen d'un
programme de privatisations. La dévaluation de 50 pour cent du franc CFA
en 1994 a permis d'améliorer la compétitivité de
l'économie et de réaliser un ajustement des prix relatifs. Cet
ajustement était rendu indispensable par la parité du franc CFA
vis-à-vis du franc français restée inchangée
jusqu'alors et par le différentiel d'inflation et d'augmentation de
productivité.
Figure1 : Croissance du PIB et PIB par habitant,
1960-2007
Source : Banque mondiale, indicateurs du
développement dans le monde.
Le processus de réformes et la dévaluation du
franc CFA ont généré une croissance annuelle du PIB
réel de 5,8 pour cent en moyenne sur la période 1991-1999. Depuis
l'an 2000, le Burkina a également connu une croissance supérieure
à la moyenne de ses partenaires de l'Union Economique et
Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA), avec une hausse du PIB réel de
5,2 pour cent par an. L'évolution de la croissance est aussi devenue
moins erratique au cours des dernières années, donnant plus de
stabilité au cadre macro-économique.
L'accélération de la croissance depuis
l'introduction du processus de réformes et la libéralisation de
l'économie a eu un impact positif sur le niveau de vie moyen de la
population et sur l'incidence de la pauvreté. Le PIB réel par
habitant a augmenté de 3 pour cent par an entre 1995 et 2007, pour
atteindre $430 à prix courants en 2007. En outre, le taux de
pauvreté a baissé de 54,6 pour cent de la population en 1998
à 46,4 pour cent en 2003. Le Burkina Faso reste malgré tout un
des pays les plus pauvres au monde, et l'impact positif de la croissance de la
dernière décennie sur le niveau de vie est encore insuffisant.
La structure économique n'a pas non plus
fondamentalement évolué au cours des dernières
décennies. L'économie burkinabé reste peu
industrialisée, peu diversifiée et vulnérable aux chocs
internes et externes. Le secteur primaire représentait 31,7 pour cent du
PIB en 2006, occupant plus de 80 pour cent de la population (figure2). Le
secteur secondaire représentait 24,5 pour cent du PIB en 2006, en
légère hausse par rapport à 1985 (20,5 pour cent du PIB).
Le secteur est encore insuffisamment développé pour
générer un nombre important d'emplois formels, et moins de 3 pour
cent de la population active sont employés dans l'industrie. Le secteur
tertiaire représentait 43,8 pour cent du PIB en 2006, en
légère baisse par rapport au niveau de 1985. L'administration
publique représente une part significative du secteur tertiaire, et
génère environ 65 750 emplois. Le secteur tertiaire dans son
ensemble, y compris dans le domaine informel, occupe environ 13 pour cent de la
population active.
b) Secteur
primaire
Le secteur primaire est dominé par les productions
vivrières et d'auto-subsistance et par le coton. La production agricole
est dépendante de la pluviométrie et des conditions climatiques,
étant donné le niveau
Figure 2. Composition du
PIB par secteur d'activité, 1985-2006
Source : PNUD, Rapport sur le développement
humain - Burkina Faso, 2007
très limité des infrastructures d'irrigation.
Les cultures vivrières représentent près de 80 pour cent
de la surface cultivée, alors que le coton représente environ 7
pour cent. La production agricole est générée
essentiellement par les petites exploitations familiales, qui disposent de
surfaces réduites et de moyens et connaissances techniques
limités.
Le Burkina Faso est un des principaux producteurs de coton
d'Afrique. Les plantations ont été lancées à
l'époque coloniale pour satisfaire les besoins de la Métropole,
et la majeure partie de la production reste exportée à l'heure
actuelle. Le taux de transformation et la valeur ajoutée locale sont peu
élevés, le Burkina Faso n'ayant pas réussi à
implanter une industrie textile compétitive. En 2001, l'entreprise
textile publique Faso Fani a dû être liquidée, aucune
société privée n'ayant indiqué
d'intérêt pour la reprise de l'activité. En dépit de
la baisse du cours du coton sur le marché international, la production a
été multipliée par 5 entre 1995/96 et 2006/07 pour
atteindre 760 000 tonnes sur une superficie cultivée de 570 000
hectares.
Comme pour l'agriculture vivrière, la production de
coton est réalisée majoritairement par des petites unités
familiales réunies en groupements de producteurs en vue de
défendre leurs intérêts. Jusqu'il y a peu, l'achat, le
transport, l'égrenage, la commercialisation et l'approvisionnement des
agriculteurs en intrants agricoles étaient du ressort exclusif de la
Société Burkinabé des Fibres Textiles (SOFITEX).
La SOFITEX a été créée à
l'indépendance comme une joint venture entre le Gouvernement (55 pour
cent du capital), des privés burkinabé (1 pour cent) et la
Compagnie française pour le développement des textiles (CFDT, 44
pour cent).Le capital de la SOFITEX a ensuite évolué pour
être détenu actuellement à raison de 35 pour cent par
l'Etat burkinabé, 30 pour cent par l'Union nationale des producteurs de
coton du Burkina, 1 pour cent par des banques burkinabé, et 34 pour cent
par Dagris (ex-CFDT). De son côté l'Etat français s'est
désengagé en 2008 de la société Dagris, dont les
opérations vont continuer sous le nom de Geocoton. Les investisseurs
étrangers sont donc présents au travers de la SOFITEX dans la
filière coton depuis l'indépendance. Ce n'est cependant que
depuis la privatisation de Dagris par l'Etat français que des
investisseurs étrangers privés sont impliqués en
partenariat avec le Gouvernement et le secteur privé burkinabé
dans la SOFITEX
La libéralisation de la filière coton en 2004 a
permis l'implication de deux autres groupes privés à capitaux
étrangers. La Socoma, détenue en majorité par Dagris, a
repris les actifs de la SOFITEX dans la zone Est du Burkina Faso. Ces actifs
seront dans le futur gérés par Geocoton. D'autre part, les
groupes suisse Reinhart et ivoirien Ivoire Coton détiennent ensemble 60
pour cent du capital de Faso Coton, qui a repris les actifs de la SOFITEX dans
la région du centre.
La SOFITEX, Socoma et Faso Coton assurent l'achat, le
transport, l'égrenage, la commercialisation et l'approvisionnement des
agriculteurs en intrants agricoles dans leur zone respective. Elles offrent de
l'appui technique aux producteurs (semences, engrais, pesticides) et
contribuent au financement de la filière. La Socoma dispose de trois
usines d'égrenage d'une capacité de 110 000 tonnes et emploie
près de 200 salariés permanents et génère environ
400 emplois saisonniers. De son côté, Faso Coton s'est
engagée dans un programme de promotion du coton biologique en 2002.
c) Industrie
Les principales activités du secteur secondaire sont la
manufacture et la production minière. La manufacture s'est peu
développée au cours des dernières décennies. Le
nombre de grandes unités industrielles au Burkina Faso est très
réduit et elles sont concentrées à Ouagadougou et Bobo
Dioulasso. Le secteur manufacturier n'occupe aujourd'hui que 1 pour cent de la
population active et se concentre principalement dans la transformation des
produits alimentaires, destinés majoritairement au marché
interne, la transformation métallique et la production de biens de
consommation courante pour le marché local. Brakina (Brasseries du
Burkina Faso) est un des principaux groupes industriels du Burkina Faso, et un
des principaux employeurs du secteur formel, autant en termes d'emplois directs
que d'emplois indirects. Le contrôle de Brakina a été
cédé en 1992 au groupe familial Castel, une des principales
entreprises françaises de production, négoce, embouteillage et
distribution de vins, qui s'est diversifiée sur l'ensemble des produits
de boisson. Le groupe Castel a consenti d'importants investissements dans
Brakina suite à son rachat, ce qui a permis son développement et
son extension.
En dépit de l'importante production de coton dans le
pays et dans la sous-région, l'industrie textile est très peu
développée. La valeur ajoutée locale dans la
filière coton est faible, et la transformation se limite principalement
à l'égrenage et la production de fibre. A l'heure actuelle, il
n'existe qu'une seule filature, la Filsah, dont les débouchés
sont principalement dans la sous-région. Le capital de Filsah est en
partie détenu par le fonds d'investissement Cauris Management,
basé au Togo et dont les fonds proviennent d'investisseurs
institutionnels de la région et d'Europe. Les exportations de textiles
ou de vêtements vers les Etats-Unis ou l'Europe sont inexistantes en
dépit d'un accès préférentiel à ces
marchés. A l'inverse de certains autres pays d'Afrique, le Burkina Faso
n'a pas été en mesure d'attirer les investissements
étrangers dans la confection de vêtements à destination de
ces deux marchés.
Les investissements étrangers ont permis de dynamiser
le secteur minier, suite à la libéralisation introduite par le
code minier de 1997, révisé en 2003. A l'heure actuelle, les
sociétés minières impliquées au Burkina Faso sont
toutes des sociétés « juniors », telles que Orezone
Resources, High River Gold Mines et Etruscan Resources. Aucune « major
» ne s'est encore impliquée suite à la découverte
d'un gisement par une des sociétés « juniors ». Les
gisements découverts et en cours de mise en exploitation restent de
taille relativement modeste, mais l'impact sur le développement du
secteur minier industriel et l'emploi est important à l'échelle
du Burkina Faso.
d) Services
Le secteur tertiaire, qui représente près de 44
pour cent du PIB, est plus diversifié que le secteur industriel, mais
reste fondamentalement centré sur le marché national. Les
entreprises de services centrées sur l'exportation sont rares et peu
importantes. Le secteur du tourisme est relativement peu
développé, bien que le Gouvernement désire promouvoir le
tourisme culturel et de conférences. Les investissements
étrangers dans le secteur sont le plus souvent de taille relativement
modeste, et le seul grand groupe hôtelier présent au Burkina Faso
est le groupe Accor, mais seulement en tant que gestionnaire et pas en tant
qu'investisseur.
Les investisseurs étrangers sont plus impliqués
dans le secteur financier, avec la présence de BNP-Paribas et de la
Société Générale dans la banque et des groupes AGF
(Allianz) et Colina (Côte d'Ivoire) dans les assurances. Des
sociétés étrangères telles que Maersk Sealand et
SDV Logistique (groupe Bolloré) sont également présentes
au Burkina Faso, bien qu'elles ne disposent pas d'infrastructures propres
importantes. Les télécommunications, quant à elles, ont
été un des principaux pôles d'attraction des IED ces
dernières années, et le secteur est actuellement dominé
par les investisseurs étrangers.
Un nombre relativement important d'investissements
étrangers de petite taille contribuent également à
dynamiser le secteur tertiaire, y compris dans la restauration,
l'hôtellerie, la distribution et le commerce de détail. Les
investisseurs d'origine française représentent une part
importante de ce type d'investissements. Suite à la crise récente
en Côte d'Ivoire, un nombre significatif d'investisseurs d'origine
libanaise établis dans le pays se sont aussi rendus au Burkina Faso pour
y investir dans le commerce et les boulangeries.
Pris dans son ensemble, le secteur formel au Burkina Faso
reste de taille limitée, peu diversifié et pourvoyeur d'un nombre
restreint d'emplois. Ceci est illustré par la liste des « grands
» contribuables de la Direction des grandes entreprises au sein de la
Direction générale des impôts. Les « grandes
entreprises » sont au nombre de 573 et représentent plus de 90 pour
cent des impôts directs. Cette liste comprend un nombre limité de
grandes entreprises privées, des entreprises publiques, et de nombreuses
petites entreprises familiales ou individuelles.
L'étendue et la nature de cette liste, de même
que l'importance que ces entreprises représentent en matière
d'impôts directs illustrent l'importance du secteur informel au Burkina
Faso. Celui-ci est présent dans toutes les activités
économiques, et plus particulièrement dans le commerce et
l'artisanat, où les entreprises « semi-formelles » sont
nombreuses. L'intégration progressive de ce secteur « semi-formel
» dans le domaine formel est importante pour le Burkina Faso, aussi bien
pour la gestion macro-économique et fiscale du pays que pour promouvoir
des conditions de concurrence saine et loyale au sein du secteur formel en
développement.
2) Secteur
externe
La capacité d'exportation du Burkina Faso est
extrêmement limitée et est concentrée principalement sur le
coton (brut ou en fibres) et les ressources minérales. Son aptitude
future à bénéficier de la mondialisation des
échanges et des chaînes de production, et à tirer parti de
son accès préférentiel aux principaux marchés des
pays industrialisés dépend donc du développement des
capacités de production et de l'augmentation de la
compétitivité de ses entreprises. En outre, le Burkina Faso est
très dépendant des importations pour une large gamme de produits,
ce qui a engendré un déficit persistant de la balance
commerciale.
La balance des services demeure également
déficitaire en raison des coûts de transport élevés
pour le commerce international. Ce déficit est partiellement
compensé par les transferts privés et publics, mais cela reste
insuffisant pour financer l'ensemble du déficit de la balance
commerciale. Les transferts privés proviennent principalement de la
Diaspora burkinabé en Côte d'Ivoire et, dans une moindre mesure,
ailleurs dans le monde. Il est estimé qu'environ 2,2 millions de
burkinabé résidaient en Côte d'Ivoire avant la crise de
2002. Près de 400 000 seraient rentrés au pays dans les
années qui ont suivi. Les transferts privés représentaient
CFA 29 milliards ($69,6 millions) en 1993 et ont augmenté au taux annuel
moyen de 5 pour cent jusqu'à la crise ivoirienne pour atteindre CFA 35,6
milliards ($85,4 millions) en 2000. La crise de 2002 a ensuite réduit
ces flux à CFA 22 milliards ($52,8 millions) en 2003.
Les exportations sont peu diversifiées et
dominées par le coton et l'or. Le coton représente à lui
seul près de trois quarts des exportations, principalement sous forme
brute et de fibre (figure 3). Les principaux pays de destination sont la Chine
et Singapour. La part des métaux précieux a diminué au
cours des dernières années pour représenter environ 7 pour
cent du total en 2005, pratiquement moitié moins qu'en 1999. La
découverte de gisements d'or ces dernières années devrait
cependant relancer fortement les exportations à partir de 2007.
Plusieurs mines sont passées en phase d'exploitation en 2007 et 2008.
Les exportations d'articles manufacturés sont minimes et ont perdu de
l'importance récemment, passant de 12 pour cent du total en 2002
à 4,5 pour cent en 2005.
Figure 3: Structure des
exportations, 1999-2005
Source : Institut national de la statistique et de la
démographie (INSD), annuaire statistique 2007
Les importations burkinabé sont beaucoup plus
diversifiées que les exportations, avec néanmoins une
prédominance des biens d'équipement et des biens
manufacturés (figure4). Les produits alimentaires représentent
également une part relativement importante des importations, ce qui
illustre la dépendance du Burkina Faso pour certains produits de base et
de consommation courante tels que le riz.
Figure 4 : Structure des
importations, 1999-2005
Source: INSD, annuaire statistique 2007
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