3 Résultats et interprétation des
différentes logiques de solidarité des différents acteurs
Logique de solidarité conditionnelle
:
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L'acteur scolaire, l'école technique
subventionnée
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Une augmentation de la problématique du
décrochage scolaire sur le territoire louvièrois ; un besoin de
travailler avec les autres services sociaux pour ramener le jeune à
l'école. Face à ce constat, l'école participe à la
CAS pour former un groupe de professionnels afin de s'outiller, de s'informer
sur les services existants et les nouveaux décrets.
Constat sur le décrochage scolaire (DS) :
l'éducateur142 a conscience de l'importance du DS.
Il relève
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que la problématique est de plus en plus
inquiétante et insuffisamment prise en main par les autorités de
l'école. CPMS143 : l'AS relève une augmentation
inquiétante du DS tant dans le secondaire que le primaire. Il estime que
le CPMS n'est pas assez compétent pour assurer une réponse
adaptée dans une situation de plus en plus complexe.
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L'acteur issu du milieu associatif, l'AMO
Transit
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Forme un groupe de professionnels pour la gestion du
décrochage scolaire.
Constat sur le DS : la problématique est
de plus en plus difficile à gérer (problèmes de
comportement
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des élèves, renvois dans différentes
écoles). Il y a lieu de réfléchir sur le
phénomène144.
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L'acteur judiciaire, le Service Jeunesse et
Famille
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Sentiment d'appartenir à un groupe de travail qui oeuvre
dans la même direction. Face au DS, « on est tous dans le même
bateau. »
Constat sur le DS : le travail à
accomplir est colossal : les jeunes sont de plus en plus
déstructurés, le
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service se sent limité et impuissant car tout le monde est
en détresse145. Il est indispensable de travailler en
collaboration (il y a du « bon boulot » avec les différents
intervenants).
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L'acteur communal, l'Antenne Accrochage Scolaire du
PSSP
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La CAS (lieu de centralisation de toutes les informations et
des actions où chacun apporte sa pierre à l'édifice contre
le décrochage scolaire) regroupe des acteurs sociaux qui sont
régulièrement présents. Constat sur le DS:
la problématique est assez importante sur la zone de La
Louvière, la situation est
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complexe car elle relève de différents facteurs
avec, également, des conséquences diverses : isolement (phobie
scolaire, victime de racket, dépression, tentative de suicide) ;
mauvaise orientation scolaire, problèmes de consommation d'alcool et de
drogue ; glissement vers une certaine délinquance (racket, deal)
146.
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Commentaires :
Les acteurs locaux se rencontrent à raison de trois
à quatre fois par an dans le cadre de réunions de concertation
gérées par l'acteur communal. Ils font partie d'une même
région avec ses caractéristiques147 et d'un même
groupe de professionnels face à un problème commun : la
complexité de gérer le décrochage scolaire et d'apporter
des réponses adaptées. Par conséquent, les acteurs se
rencontrent avec des demandes communes : trouver des solutions et, pour
l'acteur issu du milieu associatif, réfléchir sur le
phénomène. Selon nous, cette solidarité conditionnelle est
le socle des autres logiques de solidarité entre les
opérateurs.
142Voir annexe 2, interview de l'éducateur, L.
11-13 & 27-30.
143Voir annexe 3, p.8 : L. 11-21.
144Voir annexe 2, interview de l'assistant social, L.
262-267.
145Voir interview de l'agent de quartier, L.
210-219.
146Voir interview de l'assistant social, L. 14-23.
147Pour rappel, nous invitons nos lecteurs à
consulter le second chapitre de notre travail relatif à la
présentation de la Ville de La Louvière et du décrochage
scolaire sur ce territoire (p.30-34).
Logique de solidarité contractuelle
:
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L'acteur scolaire, l'école technique
subventionnée
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Ecole : Intérêt de faire revenir le
jeune au sein de l'école (collaboration ave le CPMS, l'AAS
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pour des visites au domicile du jeune, avec la Police pour des
échanges d'informations), si le jeune est en danger, l'école
relaie vers le service de la Protection à la Jeunesse. Création
d'un sas d'écoute en interne pour prévenir le décrochage
scolaire (collaboration avec le CPMS et les enseignants).
Participation à la CAS : pour s'outiller
; adhésion au projet Pass scolaire ; obtenir des
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informations pour faciliter le travail et aborder au mieux le
décrochage scolaire.
CPMS : Etant donné les limites de
collaboration de la DGEO et le SAJ, l'AS favorise les
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acteurs locaux : l'AMO pour préparer le retour du jeune
à l'école dans les meilleures conditions ; l'AAS pour favoriser
l'écoute et le soutien des jeunes dans un endroit «neutre».
Lorsque la situation du jeune devient inquiétante, il existe une
collaboration avec la Police et le SAJ (échanges d'informations).
Participation à la CAS : découvrir
de nouveaux acteurs et établir d'éventuels partenariats
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(participation à la conception du Pass scolaire ;
collaboration avec certains membres (CPMS, AAS) de la CAS pour la
création d'un outil pédagogique destiné aux
écoles.).
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L'acteur issu du milieu associatif, l'AMO
Transit
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Collaboration avec le CPMS dans certains dossiers
(préparer le retour du jeune à l'école) ; collaboration
avec les éducateurs de rue de l'Action de Prévention et de
Citoyenneté (ressources humaines, financières et logistiques
importantes) pour des activités intersportives, collaboration avec la
DGEO afin de réintégrer le jeune dans son école.
Participation à la Commission de l'Aide à la Jeunesse :
création de campagnes de prévention (folders, affiches) et
demande de financer les activités des jeunes.
Participation à la CAS : avoir une vision
plus complète du DS ; identifier les acteurs locaux
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qui travaillent avec la jeunesse en mettant des noms sur des
visages (identifier leurs compétences, leur fonctionnement, leurs
réalités de terrain) pour favoriser le partenariat ;
défendre des idées qui peuvent s'étendre sur le territoire
; collaboration avec certains membres (CPMS, AAS) de la CAS pour la
création d'un outil pédagogique destiné aux
écoles.
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L'acteur judiciaire, le Service Jeunesse et
Famille
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Le partenariat ave les autres acteurs (les équipes
mobiles, la DGEO) vise à détecter les jeunes susceptibles de
basculer dans la délinquance ; orientation vers les services sociaux
pour insérer le jeune (l'AAS, les écoles et l'AMO) ;
répondre aux demandes du Procureur du Roi (Juge de la Jeunesse) ;
intervention dans les écoles pour les élèves
considérés comme ingérables.
Participation à la CAS : participation au
projet Pass scolaire : contrôle en rue des jeunes et
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collaboration avec les acteurs scolaire et communal dans les
échanges d'informations (fréquentation scolaire du jeune,
comportement et résultats scolaires).
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L'acteur communal, l'Antenne Accrochage Scolaire du
PSSP
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Collaboration (échanges d'informations et
complémentarité dans l'action sociale visant la
réinsertion du jeune dans une école) avec des partenaires
incontournables, le Parquet de Mons (ave les criminologues) et la Police car se
sont eux qui contrôlent les jeunes et reçoivent les plaintes :
collaboration avec le CPMS et les écoles (informations sur le suivi des
dossiers) ; dans le cadre de projet pédagogique, l'AAS échange
des informations avec l'AMO.
Gestion de la CAS : Réunit les acteurs
traitant le DS, diffuse des informations sur les
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nouveaux décrets et présente des acteurs sociaux en
vue d'établir des collaborations éventuelles (répond
à ses objectifs stratégiques).
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Pour répondre à leurs missions, les
différents acteurs collaborent, échangent des informations ou
participent à des projets bien spécifiques avec les organisations
qui répondent au mieux à leurs intérêts. En ce qui
concerne les collaborations avec les acteurs en général, nous
avons soulevé que les différents acteurs fonctionnent sur des
logiques contractuelles. Ce qui distingue les acteurs dans notre analyse, ce
sont leurs missions, leurs limites, leurs perceptions des autres acteurs qui
traitent le décrochage scolaire. Chacun va privilégier des
services qui répondent au mieux à ses intérêts, ses
objectifs et son idéologie du travail social.
Les intérêts des différents acteurs qui
participent à la CAS sont sensiblement communs : l'éducateur
scolaire y cherche des outils, des informations (décrets, nouvelles
lois), des contacts avec d'autres organisations pour aborder au mieux le
décrochage scolaire ; le CPMS y participe pour établir des
partenariats et s'insérer dans des projets qui rencontrent au mieux ses
objectifs (création d'un outil pédagogique destiné au
école) ; l'AMO adhère également à la
création de l'outil pédagogique dans le cadre d'une
sous-commission ; elle participe à la CAS pour identifier les
compétences et les fonctionnements des autres acteurs ainsi, pour
obtenir une vision globale de la problématique abordée,
défendre ses idées afin de les étendre sur le territoire
louvièrois ; le SJF y participe pour favoriser les collaborations avec
les acteurs scolaires et adhère au Pass scolaire pour obtenir davantage
d'informations sur les élèves ; en gérant la CAS, l'AAS
répond à ses objectifs en établissant des contacts entre
les différents acteurs et en élaborant des projets visant
à diminuer le décrochage scolaire. Enfin, précisons que
l'AMO n'adhère pas au projet du Pass scolaire faisant office de
contrôle social. L'acteur issu du milieu associatif s'inscrit davantage
dans l'optique des Droits des jeunes et travaille à la demande de son
public cible. En revanche, le Pass scolaire est utilisé par les acteurs
scolaire, communal148 et judiciaire qui axent leur travail sur le
binôme préventionrépression pour accrocher le jeune en
difficulté.
148Il existe une ambigüité quant au
rôle de l'acteur communal. En effet, l'AAS ne sanctionne pas
«directement» l'élève. Le service utilise des moyens de
pression (la loi répressive) pour responsabiliser le jeune. En
collaborant et en faisant des retours sur certains dossiers (le jeune
étant informé de la démarche) aux acteurs judiciaires (le
SJF et les criminologues du Parquet de Mons), l'élève, en
fonction de ses démarches personnelles et des efforts fournis pour
intégrer une école, sera ou ne sera pas réprimandé
ou sanctionné (est-il en danger ou dangereux pour la
société ? ) par les acteurs judiciaires.
Logique de solidarité fusionnelle :
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L'acteur scolaire, l'école technique
subventionnée
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Collaboration privilégiée avec l'AAS et le CPMS
axée sur l'efficacité (l'intervention rapide est capitale pour
accrocher l'élève) ; le professionnalisme (importance du retour
d'information, répondre à la demande) ; la motivation et
l'investissement des partenaires. Dans le cadre de la CAS, les membres se
centrent sur l'épanouissement du jeune ; sur la conviction que pour
combattre le DS, les participants doivent aller dans le même sens (sans
cette conviction, il ne sert à rien d'y participer).
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L'acteur issu du milieu associatif, l'AMO
Transit
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La collaboration est une valeur incontournable, de même que
l'envie de réaliser un projet et de s'impliquer.
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L'acteur judiciaire, le Service Jeunesse et
Famille
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Le besoin de travailler en partenariat ; c'est la cohésion
qui permettra de faire face au décrochage scolaire ; il faut travailler
dans l'intérêt du jeune. Le partenaire privilégié
est l'AAS parce qu'il garde son indépendance et son professionnalisme
par rapport au réseau de l'accrochage scolaire.
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L'acteur communal, l'Antenne Accrochage Scolaire du
PSSP
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L'envie de travailler en collaboration, de se connaître
et d'élaborer des méthodes qui visent l'efficacité par la
complémentarité avec les intervenants sociaux (cela évite
de se cacher derrière le secret professionnel).
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Commentaires :
Nous pouvons noter que la CAS génère des
logiques de solidarité fusionnelle : les acteurs soulèvent, en
effet, des valeurs communes comme la collaboration (influencer les missions de
chacun), la complémentarité (tant au niveau des suivis des jeunes
que de la mise en place des projets), l'efficacité, l'envie de faire
quelque chose avec des partenaires sociaux pour aider le jeune et les familles
en difficulté. L'un des objectifs149 communs est donc le
bien-être du jeune. Les acteurs ont conscience qu'il faut travailler avec
les différents services et se réunir autour d'une table pour
traiter la problématique. Dès lors, selon les acteurs, les
réunions de concertation sont capitales pour atteindre ces objectifs.
Ces logiques de solidarité fusionnelle se fondent sur des valeurs
communes (le bien-être du jeune, etc.) et sur des croyances telles que
«l'union fait la force». Par ailleurs, notons que l'acteur scolaire
est le partenaire privilégié des acteurs scolaire et judiciaire :
ces derniers mettent en évidence le professionnalisme et
l'efficacité de l'AAS. En revanche, l'AMO est l'acteur le plus
«marginalisé» dans les collaborations parce que, d'une part,
il ne s'inscrit pas dans relations qui visent le contrôle social du jeune
et, d'autre part, il est mal vu par les écoles d'interpeller les Droits
des Jeunes.
149Un autre objectif commun aux acteurs communal,
scolaire et judiciaire est de contrôler les jeunes à l'aide du
Pass scolaire. Cet outil, selon le CPMS consiste à concevoir des normes
communes avec les différents acteurs qui adhèrent au projet
(annexe 3, p. 19).
Logique de solidarité affective :
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L'acteur scolaire, l'école technique
subventionnée
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La CAS : lieu où l'on fait partie d'un groupe ; un lieu
décontracté où l'on rigole ; impression de se
connaître de longue date ; crée des liens (noue des partenariats)
et favorise le travail avec les membres en présence.
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L'acteur issu du milieu associatif, l'AMO
Transit
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Aime collaborer avec les personnes connues car cela permet de
travailler dans une certaine transparence (confiance). Exemple : relation
privilégiée, construite avec le temps, avec l'éducateur de
l'AAS.
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L'acteur judiciaire, le Service Jeunesse et
Famille
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La CAS permet de mieux se connaître et
d'améliorer le travail social entre les différents membres et
crée des liens affectifs et des affinités : déstygmatise
l'image de la Police (répression et prévention) et favorise les
collaborations avec certains acteurs scolaires.
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L'acteur communal, l'Antenne Accrochage Scolaire du
PSSP
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A force de se fréquenter, les acteurs se connaissent de
longue date ; création des liens privilégiés favorisant
les collaborations avec les intervenants sociaux (échanges de dossiers
et d'informations) ; grâce à ces liens, on ne se cache plus
derrière le secret professionnel et les actions sont plus ciblées
(optimalisant le suivi socio-éducatif).
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Commentaires :
Nous constatons que la CAS est un lieu qui favorise les
rencontres entre les acteurs du champ de l'accrochage scolaire. La CAS permet
de réunir ces personnes dans un contexte «convivial» et de
créer ainsi des affinités, des liens privilégiés se
construisant au fil du temps. Selon certains acteurs, ces liens optimalisent
les collaborations dans les suivis socio-éducatifs des jeunes en
difficultés.
Ce type de solidarité a intensifié les relations
entre l'AMO et les CPMS ; a amélioré l'image de la Police
auprès des intervenants sociaux ; a favorisé l'échange
d'informations sur certains dossiers entre les acteurs communal, scolaire et
judiciaire et, selon l'AAS, a permis de ne plus se cacher derrière le
secret professionnel150.
150Le secret professionnel n'a pas été
abordé dans notre étude. Cette question vaudrait d'être
approfondie au regard des logiques de solidarité.
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