Chapitre 6 : Discussion sur le contenu de la
méthode
1 Introduction
Au début de notre étude, nous avons
élaboré un double objectif de recherche, à savoir :
Le premier permettant de confirmer ou d'infirmer notre hypothèse
de départ :
(1) Identifier les perceptions de la gestion du
décrochage scolaire au sein de l'organisation des acteurs scolaires,
communaux, judiciaires et issus du milieu associatif qui participent à
la CAS et dégager les logiques de solidarité chez les
différents acteurs.
Hypothèse de départ :
Les perceptions de la gestion du décrochage scolaire
et les logiques de solidarité des acteurs scolaire, communal, judiciaire
et issu du milieu associatif sont influencées par l'organisation
à laquelle ils appartiennent.
Le second, à titre exploratoire, permettant
d'enrichir notre recherche :
(2) A titre exploratoire, identifier comment la CAS traite la
diversité des organisations qui y participent et soulever l'influence de
la CAS sur les perceptions du décrochage scolaire et les logiques de
solidarité des différents acteurs afin d'enrichir notre
recherche.
Pour répondre à notre premier objectif, nous
allons faire ressortir d'une part, la diversité des différents
acteurs appartenant à des organisations bien spécifiques et
d'autre part, à partir d'un résumé sous forme de tableaux
rendant compte des résultats de notre étude, procéder
à une analyse d'interprétation.
Pour le second objectif, nous utiliserons le même
procédé que le premier en proposant un tableau qui
présentera les forces et les faiblesses de la Commission Accrochage
Scolaire. Nous parlerons également de la légitimité de
l'acteur communal qui gère cette Commission, ainsi que de la
manière dont les acteurs qui y participent sont traités.
Après avoir répondu à nos objectifs de
recherche, nous émettrons une critique sur notre méthode de
travail ainsi que sur le cadre théorique proposé par Guy Bajoit.
Enfin, nous clôturerons ce chapitre sur les perspectives de notre
étude.
2 Résultats et interprétation des
différentes perceptions de la gestion du décrochage scolaire des
acteurs au sein de leur organisation
Les représentations de la gestion du décrochage
scolaire véhiculées par les acteurs diffèrent selon
l'organisation à laquelle ils appartiennent.
Sur un plan administratif, l'acteur scolaire
va davantage contrôler l'absentéisme de l'élève tout
en envoyant des cartes d'absences aux parents et classer les certificats
médicaux ainsi que les mots d'excuses. Sur un plan préventif,
l'école propose un sas d'écoute en partenariat avec le CPMS et
les enseignants pour écouter le jeune et éviter le
décrochage scolaire (on s'intéresse au bien-être du jeune).
La surcharge administrative et le manque de personnel limite l'investissement
des éducateurs dans le soutien des élèves en
difficulté. Le CPMS veille à
l'épanouissement du jeune mais il ne peut répondre à
toutes les demandes des écoles vu le nombre important de dossiers, le
manque de personnel et le manque de temps. Le décrochage scolaire est
géré au niveau interne, encore faut-il que le jeune soit
présent.
L'AMO reçoit les jeunes et les parents
en fonction de leurs demandes et tente de développer l'esprit critique
du jeune en le responsabilisant face à son comportement et son renvoi
scolaire. Si le jeune n'est pas en accord avec la sanction, le service va
collaborer avec le service Droits des Jeunes pour vérifier si la
procédure a été respectée. La démarche
auprès de Droits des Jeunes n'est pas appréciée
auprès des écoles. Pour l'AMO, un directeur doit respecter les
procédures de renvoi. Cependant, l'ASBL comprend la difficulté de
l'école de gérer les élèves difficiles au sein de
l'établissement.
Si le jeune a perdu son statut d'élève
régulier, l'AMO l'accompagnera dans une démarche avec la DGEO
pour réinsérer le jeune au sein de son école. Aussi, l'AMO
collabore avec les CPMS afin de travailler, avec l'accord du jeune et de la
famille, le retour à l'école dans de bonnes conditions et de
sensibiliser les usagers à l'autorité parentale et aux questions
de responsabilité. L'AMO propose également aux jeunes qui ont des
difficultés avec l'autorité et les règles des
activités inter-sportives. Le décrochage scolaire est
traité avec l'accord du jeune (et sa famille) exprimant sa
volonté d'accrocher à l'école. La difficulté est
que généralement ces jeunes n'aiment pas l'école.
Pour le Service Jeunesse et Famille, le
décrochage scolaire est une priorité, l'objectif
étant d'enrayer la problématique du décrochage scolaire
et d'identifier les jeunes susceptibles de glisser dans la
délinquance. Le décrochage scolaire est ciblé comme un
indicateur de la
délinquance. Le SJF se positionne comme un service de
référence pour les écoles. Il contrôle les jeunes en
rue et envoie des courriers aux écoles et aux parents pour signaler
l'absentéisme. Le SJF prévient le jeune et la famille des
sanctions éventuelles et, en fonction de la situation, les orientent
vers des services d'aide sociale visant la réinsertion du jeune au sein
de l'école et/ou vers des structures de soutien psychologique. Si la
situation du jeune est problématique, un procès verbal peut
être envoyé au Parquet pour des sanctions éventuelles. La
gestion du décrochage scolaire s'effectue par un rappel de la loi, de
l'obligation scolaire et des sanctions que le jeune et la famille risquent
d'encourir. La surcharge de travail et le manque de personnel est un frein dans
les suivis des dossiers et dans les contrôles en rue.
L'AAS se positionne à partir des ses
objectifs stratégiques (diminuer le décrochage scolaire et le
sentiment d'insécurité) comme un service de
référence et un maillon qui centralise et coordonne le
décrochage scolaire sur le territoire louvièrois en gérant
la Commission Accrochage Scolaire. Cette Commission présente les acteurs
traitant le décrochage scolaire, les nouvelles lois ou les
Décrets qui traitent de la problématique et propose des outils et
des pistes d'actions en concertation avec les participants pour diminuer le
décrochage. D'une part, l'éducateur du service va à la
rencontre des jeunes décrocheurs pour tenter de les ramener à
l'école ; d'autre part, avec l'assistant social du service, il propose
une écoute, un soutien, un accompagnement et une orientation vers les
services pouvant venir en aide au jeune. La difficulté est qu'il est
difficile de trouver une école qui intègre les jeunes ayant un
comportement jugé problématique et qui ne respectent pas les
normes scolaires. Le décrochage scolaire est géré avec le
réseau que l'AAS a mis en place. L'AAS reçoit un nombre important
de relais par la Police et le Parquet car ce sont eux qui reçoivent les
plaintes et contrôlent des jeunes. Ensuite, l'AAS relaie vers les
services locaux compétents pour insérer le jeune et éviter
qu'il reste en rue.
Comme nous le constatons, les acteurs se distinguent selon les
missions de leur organisation et leur réalité de terrain.
L'école et le SJF s'inscrivent dans une logique de contrôle de
l'absentéisme scolaire. Le contrôle se gère au sein de
l'école et au niveau extra-muros par la Police et l'AAS, dans une
certaine mesure138. Il existe une complémentarité dans
la gestion administrative du décrochage scolaire entre les acteurs
scolaire et judiciaire. Cependant, il
138La prévention du décrochage
scolaire au sein des écoles est de la responsabilité de la
Communauté française (l'acteur scolaire). En revanche, le travail
de prévention en ce qui concerne les jeunes se trouvant en rue est de la
responsabilité du Fédéral (Ministère de
l'Intérieur, les acteurs judiciaire et communal). La collaboration entre
les différents opérateurs est incontournable dans la mesure
où ces jeunes sont sensés être - sous-contrôle-
à l'école.
faut souligner le sentiment d'impuissance de l'école
pour gérer ce type d'élève malgré les tentatives
d'aides sociales. A contrario, l'AMO et le CPMS ne s'inscrivent pas dans une
logique de contrôle mais de solidarité tenant compte des
difficultés scolaires du jeune. L'AAS a une position plus ambiguë
dans sa façon de gérer le problème : même si le
service collabore avec un réseau d'aide sociale, il est
l'intermédiaire de la police et du Parquet par rapport à certains
dossiers - les échanges d'informations entre ces services peuvent
influer sur leur gestion du dossier du jeune (n'est-ce pas une façon de
contrôler la situation du jeune et de le sanctionner s'il ne respecte pas
certaines démarches pour s'insérer dans les circuits socio-
éducatifs ?).
Enfin, on retrouve une convergence quant aux limites des
services et de la complexité de gérer la problématique du
décrochage scolaire. Il est difficile de travailler seul pour soutenir
les jeunes, cela demande de s'ouvrir aux autres organisations susceptibles
d'apporter des réponses adaptées.
Les acteurs et les Décrets favorisant la
collaboration :
L'acteur scolaire : Le directeur de
l'école ne relève pas les Circulaires favorisant la collaboration
autour du décrochage scolaire avec d'autres acteurs. L'éducateur
se réfère à l'AAS et à la CAS pour expliciter les
Décrets existants. Le CPMS reconnaît la Circulaire 1972 et s'en
inspire (relais vers la DGEO, les équipes mobiles) 139.
L'acteur issu du milieu associatif :
Le directeur de l'AMO souligne que malgré la multitude de
décrets, on n'empêchera pas les gens de collaborer ou de ne pas
collaborer entre eux. Selon lui, ce sont les gens qui décident en
fonction de leur envie car, pour collaborer, il faut être plusieurs (ex :
l'AMO ne peut pas travailler avec la Police ; cependant, si elle estime que
cela est pertinent, la collaboration peut exister. L'AMO doit travailler avec
les écoles ; néanmoins, si celles-ci ne veulent pas collaborer,
l'AMO ne peut qu'accepter cette décision140).
L'acteur judiciaire : La collaboration
est soutenue par la PLP 41 mais, selon l'agent de quartier, cela
n'empêche pas les écoles de rester réticentes aux
partenariats (ce sont les contacts qui génèrent les
collaborations et non pas les Circulaires) 141.
L'acteur communal : C'est lui qui diffuse
et explicite les recommandations et les textes légaux dans le cadre de
la CAS.
139Annexe 3, acteur scolaire, p.9.
140Annexe 3, acteur issu du milieu associatif, p.28.
141Annexe 3, acteur judiciaire, p.44.
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