CHAPITRE IV : INFLUENCE DES RÉFORMES
FINANCIÈRES SUR LES MARGES D'INTÉRÊT
BANCAIRES EN ZONE CEMAC
Introduction
Le comportement des réformes financières peut
aussi s'observer à travers l'évolution des marges
d'intérêt bancaires qui lient la banque à son environnement
externe. Il s'agit là de la deuxième mesure de la
rentabilité bancaire. Si la rentabilité des actifs bancaires a
une grande influence sur le patrimoine de la banque et affecte la
profitabilité, les marges d'intérêt apparaissent comme un
indicateur de la bonne santé de l'intermédiation
financière (Tanimoune, 2003). La marge d'intérêt demeure
ainsi un déterminant complémentaire de la rentabilité
bancaire.
En zone CEMAC, les réformes financières
intervenues dans les années 90 ont remis en cause l'évolution des
marges d'intérêt en volume. Ces marges se différenciaient
d'un pays à un autre et marquaient de ce fait les disparités
dans la nature et la structure de la géographie du capital des banques.
L'objectif de ce chapitre est de vérifier la
troisième hypothèse de cette étude : les
réformes financières améliorent les marges
d'intérêt bancaires en zone CEMAC. Il s'agit donc
d'identifier les différents apports des réformes
financières sur l'évolution des marges d'intérêt
bancaires. Ces réformes seront captées à travers les
déterminants des marges. Ainsi, après avoir étalé
les contours théoriques de la notion de taux d'intérêt
(section 1), nous analyserons le comportement des réformes
financières sur les marges d'intérêt (section 2).
SECTION 1. LES CONTOURS THÉORIQUES DE LA NOTION
DE TAUX D'INTÉRÊT
Cette section analyse les fondements théoriques des
notions de taux d'intérêt et de marge d'intérêt.
IV.1.1. LA NOTION DE TAUX D'INTÉRÊT EN
ÉCONOMIE
Le taux d'intérêt est l'une des variables qui
préoccupent le plus les économistes en raison de son lien avec la
rentabilité des investissements. Avant de présenter les mesures
des taux d'intérêt bancaires, nous élaborons d'abord
l'approche conceptuelle desdits taux.
IV.1.1.1. APPROCHE CONCEPTUELLE DES TAUX
D'INTÉRÊT : LES DÉBATS ENTRE CLASSIQUES -
KEYNÉSIENS - MONÉTARISTES
La conception du taux d'intérêt a
créé plusieurs débats théoriques dans la
littérature économique. Bien que ceux-ci soient anciens, ils
demeurent toujours d'actualité et influencent les rapports entre les
agents économiques. Nous allons succinctement passer en revue les
idées essentielles soulevées par ces courants de pensée.
Pour les classiques, le taux d'intérêt est
considéré comme le prix auquel s'équilibrent la demande et
l'offre des fonds prêtables, assimilés à l'offre et
à la demande d'obligations. Lorsqu'une entreprise offre des obligations,
elle demande un prêt, de sorte que la courbe d'offre d'obligations peut
être réinterprétée comme une courbe de demande de
fonds prêtables. Cette demande est bien décroissante en fonction
du taux d'intérêt, car les entreprises empruntent d'autant moins
que les taux d'intérêts sont élevés.
Symétriquement, la courbe de demande d'obligations peut être
réinterprétée comme une courbe d'offre de fonds
prêtables, car acheter une obligation consiste à prêter de
l'argent disponible. Cette courbe d'offre est bien fonction croissante du taux
d'intérêt, car les prêteurs sont disposés à
prêter d'autant plus que les taux d'intérêt sont
élevés (Mishkin, 2007). Le graphique 4.1 ci-dessous illustre
l'équilibre sur le marché des fonds prêtables.
Graphique 4.1. Equilibre sur le marché des
fonds prêtables
Taux d'intérêt, i (%)
Offre de fonds prêtables, L
(Demande
d'obligations, B)
i*
Demande de fonds prêtables, L
(Offre d'obligations, B)
F*
Fonds
prêtables, L
(Quantités
d'obligations, B)
Source : construction par l'auteur à partir de
Mishkin (2007).
Tandis que la théorie des fonds prêtables
détermine le taux d'intérêt d'équilibre à
partir de l'analyse de l'offre et de la demande d'obligations, un modèle
théorique alternatif développé à l'origine par John
Maynard Keynes, et connu sous le nom de théorie de la
préférence pour la liquidité, détermine le taux
d'intérêt d'équilibre à partir d'une analyse en
terme d'offre et de demande de monnaie. Le point de départ de l'analyse
de Keynes est l'hypothèse qu'il y a deux catégories principales
d'actifs utilisables comme réserves de richesse : la monnaie et les
créances (obligations). De ce fait, la richesse totale d'une
économie est égale à la quantité totale
d'obligations plus la quantité de monnaie, soit la quantité
d'obligations offertes (BS), plus l'offre de monnaie
(MS). Il en est de même de la quantité d'obligations
(BD) et de monnaie demandée (MD). A
l'équilibre on a : BS + MS =
BD + MD (1). En regroupant d'un côté les
quantités d'obligations et de l'autre les quantités de monnaies
on a : BS - BD = MD -
MS (2). Cette deuxième équation précise que si
le marché de la monnaie est en équilibre (MD =
MS), la partie droite de l'équation sera égale
à zéro, ce qui implique que BS = BD,
c'est-à-dire que le marché des obligations est aussi en
équilibre. Or, puis que le taux d'intérêt équilibre
le marché des obligations, il équilibre du fait le marché
de la monnaie. Il devient par conséquent le point d'équilibre
entre l'offre et la demande de monnaie (Bernier et Simon, 2001).
Chez les monétaristes, il convient de partir de la
distinction entre taux d'intérêt nominal et réel.
Distinction mise en évidence par Fisher. Si on pose i =
r+ða c'est-à-dire le taux d'intérêt nominal
(i) est égal au taux d'intérêt réel (r)
augmenté des anticipations inflationnistes (ða). Cette
relation signifie que le taux d'intérêt incorpore le taux
d'inflation : c'est la thèse principale de la théorie
monétaire du taux d'intérêt. Une augmentation de l'offre de
monnaie se traduit par une augmentation de l'inflation anticipée qui
élève les taux nominaux. Le taux d'intérêt
apparaît alors comme un instrument de la politique monétaire.
Cette notion de taux d'intérêt a
été enrichie par Mishkin (2007) pour qui la principale mesure du
taux d'intérêt est le taux actuariel. Il s'agit du taux
d'intérêt qui égalise la valeur actualisée des flux
de paiement futurs imposés par un instrument financier et sa valeur
actuelle. Cette conception du taux d'intérêt demeure la plus
utilisée dans les analyses liées au taux
d'intérêt.
A l'issue de cette analyse conceptuelle, il importe à
présent d'élucider les mesures des taux d'intérêt
bancaires.
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