III.2.2.2. RÉSULTATS PRÉ ET
POST-RÉFORMES ET LES COMMENTAIRES
Comme précisé ci-dessus, deux périodes
constituent l'horizon temporel : une avant la mise en oeuvre des
réformes (1990-1994) et l'autre après (1995-2005). Au regard du
nombre d'années assez réduit, il était opportun d'obtenir
les données trimestrielles, ce qui a considérablement
augmenté le nombre d'observations et permis une bonne estimation. Il est
judicieux de noter que le prolongement de l'étude en 2005 est un apport
considérable. Car, les derniers travaux sur le thème
effectués par Nembot et Ningaye (2007) se sont limités en 2000.
Nous vérifierons aussi si leurs résultats sont restés
immuables. A côté de cet aspect, l'ajout des variables
macroéconomiques demeure aussi un point non négligeable de
l'étude. En introduisant le PIB réel par tête, le taux
d'inflation et la masse monétaire, l'étude veut capter leur
influence sur la rentabilité des actifs au cours de la
période.
La première estimation plus détaillée
considère la période pré-réforme (1990-1994). La
deuxième se consacrera à la période
post-réforme.
Ainsi, le modèle (1) est d'abord estimé suivant
l'hypothèse de l'uniformité de comportement dans le temps et
parmi les pays. Cela revient à supposer que les coefficients du
modèle sont invariants dans le temps et sont identiques entre les pays.
On estime le modèle par la méthode des moindres carrés
ordinaires (MCO). En faisant l'hypothèse que l'erreur est identique et
suit la loi normale N (0, ó). Les résultats des
différentes estimations de la période pré-réforme
(Annexes 3.2) à l'aide du logiciel STATA dans sa version 9, sont assez
proches. Le test de Fisher indique que le modèle est globalement
significatif jusqu'au seuil de 1% (Prob > F = 0.0000). La qualité de
l'ajustement est bonne puisque le modèle explique 46,08% de la variance
totale (R2= 0,4608). La spécification du modèle
ci-dessus implique que des effets individuels décrivant la
rentabilité des systèmes bancaires des pays de la CEMAC peuvent
être retenus. Il convient alors d'estimer un modèle à
effets fixes de manière à étudier
l'hétérogénéité entre les pays. La
préoccupation à ce niveau est celle de savoir si les effets
propres aux pays sont significativement différents. En d'autres termes,
l'hypothèse d'hétérogénéité entre
pays pour ce qui est du taux de rentabilité des actifs est-elle
validée ? Pour vérifier cette hypothèse, on effectue le
test de Fisher construit de la manière suivante : sous
l'hypothèse d'homogénéité des pays (Ho :
â1=â2=...=â10), le modèle estimé correspond au
modèle à effets communs tandis que sous l'hypothèse de
présence d'hétérogénéité (H1 : ? i, ?
j âi?âj), le modèle estimé est le modèle
à effets individuels. Le logiciel STATA procède directement
à la mise en oeuvre du test de Fisher lors de l'estimation du
modèle à effets fixes. L'effet individuel âi est
considéré sous la forme â i=
â0+ u-i ; le test de
l'homogénéité des pays revient donc à poser comme
hypothèse nulle que tous les u-i sont nuls. La lecture du
test de Fisher donné ci-dessus conduit à accepter
l'hypothèse que tous les u-i sont nuls (F (5,104)=1,03 et
Prob> F= 0,4066). Il semble donc qu'il n'existe pas entre les 6 pays de la
CEMAC des effets individuels propres à chaque pays et qui expliquent son
taux de rentabilité bancaire.
Puisque l'effet spécifique déterministe
symbolisé par des valeurs constantes propres à chaque pays n'est
pas avéré, il pourrait paraître plus naturel de traiter cet
effet comme un effet aléatoire et non déterministe.
Pour introduire dans l'analyse l'effet spécifique comme
un effet aléatoire, on considère que l'erreur ou résidu
uit est composé de deux éléments :
ái et åit ; le premier représente
l'effet individuel, rendant compte de l'influence sur le taux de
rentabilité des variables non prises en compte, dès lors que
celles-ci sont stables dans le temps ; le second représente l'influence
des autres variables omises variant aussi dans le temps d'un pays à
l'autre. On teste la corrélation entre les ái et les
variables explicatives. Le résultat du test donne Prob > chi2= 0,0000
<0,05 d'où le rejet de l'hypothèse nulle. Ce qui implique une
corrélation entre les effets individuels et les variables explicatives.
Le test de hausman indique de choisir le modèle à effets
aléatoires comme modèle des différentes estimations car sa
p-value Prob>chi2 = 0.8822 > 0,05. Ainsi, le tableau 3.1 donne les
résultats de l'estimation du modèle à effets
aléatoires.
Tableau 3.1 : Estimation de la rentabilité
des actifs avant les réformes
roa
|
coef
|
Std.Err
|
Z
|
P>z
|
(95% Conf. Interval)
|
scapital
capast
procre
radep
risq
cr
actpib
logpib
inf
log_m2
cons
|
-0,2380691
-22,22829
-115,9846**
-60,46856**
21,06146**
-54,22981**
-35,66707**
6,686616**
-3,840062**
-5,36804***
148,4328
|
0,29918
20,6962
28,9781
30,7547
10,5203
24,5321
14,0715
3,29096
1,60027
2,77046
88,3992
|
-0,80
-1,07
-4,00
-1,97
-2,00
-2,21
-2,53
2,03
-2,40
-1,94
1,8
|
0,426
0,283
0,012
0,049
0,045
0,027
0,011
0,042
0,016
0,053
0,093
|
-0,8244512 0,3483131
-62,79207 18,33549
-172,7807 '-59,18846
-120,7467 -0,1903741
-41,68083 -0,4420927
-102,3118 -6,147849
-63,24672 -8,0887423
0,2364584 13,13677
-6,976537 -0,7035875
-10,79802 -0'061911
-24,82632 0,0619711
|
sigma_u
sigma_e
rho
|
0
27,39809
0
|
(fraction of variance due to u-i)
|
* : Significativité à 1% ; ** :
Significativité à 5% ; *** : Significativité
à 10%
|
Source : construction par l'auteur à partir de
l'estimation sur STATA 9.
Les analyses et les commentaires de ces résultats se
feront de façon groupée après avoir estimé le
modèle après les réformes qui adoptent la même
procédure et dont les résultats sont contenus dans le tableau 3.2
suivant.
Tableau 3.2 : Estimation de la rentabilité
des actifs après les réformes
roa
|
coef
|
Std.Err
|
z
|
P>z
|
(95% Conf. Interval)
|
scapital
capast
procre
radep
risq
cr
actpib
logpib
inf
log_m2
cons
|
1,847205*
-38,94031***
-52,30694*
-12,81005**
3,490551*
50,37204
-1312158***
-23,2738*
-2,749548**
-1,694293
626,2015
|
0,39437
20,3081
13,4031
5,15527
3,05811
44,6784
7,88941
7,03556
1,07585
1,87837
168,349
|
4,68
-1,92
-3,90
-2,48
-1,14
1,13
-1,66
-3,31
-2,56
-0,90
3,72
|
0,000
0,055
0,000
0,013
0,005
0,260
0,096
0,001
0,011
0,367
0,000
|
1,07425 2,62016
-78,74338 0,8627597
-78,57656 -26,03732
-22,91419 -2,705917
-9,484338 -2,503235
-37,19605 137,9401
-28,58453 2,341379
-37,06324 -9,48436
-4,858178 -0,6409184
-5,375833 1,987247
296,2431 956,1599
|
sigma_u
|
0
|
|
|
|
|
sigma_e
|
51,20272
|
|
|
|
|
rho
|
0
|
(fraction of variance due to u-i)
|
* : Significativité à 1% ; ** :
Significativité à 5% ; *** : Significativité
à 10%
|
Source : construction par l'auteur à partir de
l'estimation sur STATA 9.
Pour mieux analyser les résultats, il est
nécessaire de regrouper les estimations dans un tableau de
synthèse.
Tableau 3.3 : Synthèse des
résultats des deux sous-périodes
roa
|
1990-1994
|
1995-2005
|
Observations
|
scapital
capast
procre
radep
risq
cr
actpib
logpib
inf
log_m2
cons
|
-0,2380691
-22,22829
-115,9846**
-60,46856**
21,06146**
-54,22981**
-35,66707**
6,686616**
-3,840062***
-5,368024
148,4328
|
1,847205*
-38,94031***
52,30694*
-12,81005**
3,490551*
50,37204***
-13,12158
-23,2738*
-2,749548*
-1,694293
626,2015
|
accroissement >200%
diminution de 75,18%
accroissement de 54,90%
accroissement de 78,81%
diminution de 83,42%
accroissement de 78,81%
accroissement de 192,88%
diminution >100%
accroissement de 28,39%
accroissement de 68,43%
|
* : Significativité à 1% ; ** :
Significativité à 5% ; *** : Significativité
à 10%
|
Source : construction par l'auteur à partir des
tableaux 3.1 et 3.2.
Ce tableau appelle deux commentaires : un sur l'aspect
général et l'autre sur la variation des déterminants.
- Le constat global qui se dégage de nos
résultats soulève une influence positive des réformes
financières sur la rentabilité des actifs du système
bancaire des pays de la CEMAC.
En effet, le taux de rentabilité moyen de l'ensemble
des 6 pays est passé de 26,7% à 70,8% entre les deux
périodes. L'explication donnée à ce constat est
fondée sur le respect des normes prudentielles en vigueur. Celles-ci
soutiennent l'augmentation des fonds propres, la maîtrise du risque
bancaire, la solvabilité et la liquidité des banques. Pour
affiner l'analyse, nous procédons à une étude
théorique et empirique des déterminants pris de façon
individuelle.
- Le comportement spécifique des variables au cours des
deux périodes s'appuie sur la théorie économique.
Ainsi :
- la structure du capital (scaptal)
réduisait la rentabilité avant les réformes. Car l'Etat
avait des parts importantes dans le capital des banques, ce qui empêchait
une réelle estimation des fonds des banques et aboutissait à des
décisions moins profitables pour les banques. Les mutations de cette
structure liées au processus de privatisation des banques ont accru les
capitaux privés et influencé positivement la rentabilité.
Ce qui confirme le résultat de Nembot et Ningaye (2007) ;
- la gestion du capital (capast) quant
à elle réduit la rentabilité des actifs. Ce
résultat contraste avec celui Tanimoune (2001). L'explication possible
est liée à la diminution des crédits de long terme et au
mauvais climat des affaires qui a considérablement réduit l'actif
bancaire ;
- la proportion des crédits bancaires dans l'actif
(procre) a nettement augmenté mais est
restée négative ; preuve que les banques de la
sous-région ont réduit le crédit d'où le
phénomène de rationnement de crédit constaté dans
la zone. Ce qui se traduit par une diminution de la rentabilité des
actifs. L'observation corrobore avec la théorie car Mansouri et Afroukh
(2008) trouvent le même résultat : plus le volume des
crédits augmente plus la rentabilité des actifs
croît ;
- le ratio des dépenses d'exploitation
(radep). Son accroissement marque la multiplicité des
charges supportées par les banquiers de la sous-région celle-ci
réduit la rentabilité recherchée. cet accroissement se
justifie aussi à travers les montants élevés des
dépôts qui doivent être
rémunérés ;
- la diminution du risque bancaire (risq)
demeure l'un des points positifs de la réforme. Cette réduction
démontre un accroissement rapide et poussé des
dépôts face aux crédits. Néanmoins, le
caractère positif et significatif de cette variable indique que le
risque influence positivement la rentabilité des actifs. Ce
résultat reste le même que celui de Nembot et Ningaye (2007).
Ainsi, plus les banques prennent de risque plus elles sont rentables. En zone
CEMAC, cette diminution se justifie par le fait de la création de la
COBAC et surtout la crainte des faillites bancaires ;
- le signe de l'indice de concentration est négatif
avant les réformes et significatif au seuil de confiance de 10%. Cela
implique que le monopole de grandes banques constituait une entrave à la
rentabilité bancaire dans la zone CEMAC. Son accroissement et son
caractère positif montrent que la concurrence dans le secteur bancaire
s'est accrue et marque positivement la rentabilité des actifs (Mansouri
et Afroukh 2008) ;
- la taille du secteur bancaire
(actpib) : son accroissement et sa non
significativité contrastent avec la théorie économique. On
s'attendrait à ce que plus cette taille s'accroît, plus elle
contribue à la rentabilité des actifs (Tanimoune 2001). En zone
CEMAC, le secteur bancaire ne soutient véritablement pas la croissance
des pays de la zone. Ce qui semblerait expliquer leur niveau relativement bas
de taux de croissance ;
- la croissance économique
(logpib) soutenait positivement à la
rentabilité des actifs avant les réformes. Cependant, cette
situation s'est inversée dans la période post-réforme. Ce
qui s'explique par le fait qu'en zone CEMAC la grande majorité de la
population n'ayant pas accès aux services bancaires, leur exclusion
pourrait réduire la profitabilité;
- quant au taux d'inflation (INF), son
coefficient est significatif et présente un signe négatif dans
l'estimation de la profitabilité. La maîtrise de
l'évolution du niveau général des prix semble avoir eu un
impact négatif sur le rendement des banques et des établissements
financiers des pays de la zone (Mansouri et Afroukh, 2008) ;
- la masse monétaire (logm2) marque
une nette évolution dans la profitabilité des banques des pays de
la CEMAC. Mais son caractère négatif traduit sa maîtrise
tant recherchée par les autorités monétaires qui
instituèrent la programmation monétaire.
En résumé, chaque variable explique à
travers son résultat sa contribution ou non à la
profitabilité des banques avant et après les réformes.
Conclusion
Après avoir étudié de façon
générale l'influence des réformes financières sur
la stabilité du système bancaire des pays de la CEMAC, il
était opportun de se pencher sur un point particulier de cette
stabilité : la rentabilité des actifs. Ce qui fut l'objet de
ce chapitre. En première analyse, un aperçu théorique a
été présenté qui s'est appuyé sur les
fondements théoriques de la rentabilité des actifs et quelques
résultats existants dans la littérature. Le deuxième volet
de la réflexion s'est orienté vers la validation empirique de la
deuxième hypothèse : les réformes
financières améliorent la rentabilité des actifs des
banques des pays de la CEMAC. Il s'est agit dans un premier temps
de présenter les principales approches empiriques (les modèles)
et dans un second d'estimer et d'analyser les résultats.
Ainsi, il ressort des estimations pré et post
réforme (approche dynamique), que la rentabilité des actifs a
connu une nette amélioration. Celle-ci est la conséquence de
l'application des mesures macroéconomiques et surtout macro
financières adoptées dans la zone. Mais ce résultat
général peut être nuancé au regard du comportement
particulier de certaines variables. Outre la rentabilité des
actifs, la théorie de la firme bancaire retient comme autre mesure de la
rentabilité bancaire, les marges d'intérêt qui
déterminent les rendements obtenus de l'intermédiation
financière. Il importe à présent d'étudier
l'influence des réformes financières sur les marges
d'intérêt.
|
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