II.2.2.2. ILLUSTRATION DU MITIGE : FAIBLE
IMPLICATION DES BANQUES DANS LE FINANCEMENT DE L'ÉCONOMIE ET MANQUE DE
DIVERSIFICATION DES SERVICES
Bien que l'objectif visé n'était pas
fondamentalement l'accroissement du crédit à l'économie,
il n'en demeure pas moins qu'on attendait à l'issue de ces
réformes, une implication remarquable des banques dans le financement
des différents projets. En tant qu'intermédiaire financier, le
rôle premier d'une banque est de collecter l'épargne auprès
des agents à capacité de financement et d'octroyer du
crédit à ceux à besoin de financement (Pyle 1971, Plihon
1995 et Scialom, 2007). Lorsque ce rôle n'est plus assuré, on
assiste à une perte de confiance de la part de la clientèle. Ce
qui hypothèque toute vision positive du secteur.
Les banques de la sous-région CEMAC sont devenues
liquides, solvables et stables à l'issue des réformes
engagées mais cette stabilité ne sied pas avec le niveau de
financement de l'économie. Ainsi, sur le plan quantitatif, le volume du
crédit a relativement augmenté (Graphique 2.4).
Graphique 2.4 : Evolution du crédit en
zone CEMAC 1994-2005 (en millions de francs
CFA)
Source : construction par l'auteur
à partir des données de la BEAC, 2005.
Mais sur le plan qualitatif, on assiste à une
prédominance des crédits à court terme qui
représentent 74% des crédits octroyés dans la zone comme
l'illustre le graphique 2.5 ci-dessous.
Graphique 2.5 : Répartition du
Crédit en zone CEMAC au 31 Déc. 2005
Source : construction par l'auteur d'après les
données de la BEAC, 2005.
Cette prépondérance des crédits de court
terme renforce la surliquidté des banques de la zone et ne garantit pas
des investissements lourds pour favoriser la croissance économique.
Outre cette situation, le manque de diversification des
produits bancaires renforce le mitige des réformes. Dans la zone CEMAC,
les banques présentent peu de services tournant autour des
dépôts à vue et dépôts à terme et pour
les crédits on a les découverts et les crédits à
très court terme. Très peu d'établissements pratiquent le
crédit bail et les crédits hypothèquaires. La carte
bancaire est encore en expérimentation dans quelques
établissements de crédit. On assiste aussi à un faible
taux de bancarisation qui freine la pénétration de l'industrie
bancaire dans les économies.
Au regard de ceci, il demeure que les réformes
financières ont contribué au retour de la stabilité
malgré son caractère mitigé du fait de leur
implémentation d'une part, et le manque de financement des
économies et diversification des produits d'autre part.
Conclusion
Adoptées en 1990, les réformes
financières de la CEMAC ont porté notamment sur les
restructurations bancaires, la nouvelle politique monétaire et un accent
sur le dispositif institutionnel. Tout ceci a conduit au retour de la
stabilité des banques de la sous-région. On note cependant un
caractère quelque peu mitigé desdites réformes.
Pour ce qui est des vagues de restructuration bancaire, on
retient que la première s'est soldée par un échec dû
au degré de délabrement des banques et des liquidations mal
menées. La seconde a permis de rétablir la stabilité des
banques. La nouvelle politique monétaire de la BEAC s'est
orientée vers une plus grande autonomie réduisant ainsi les
multiples recours des banques auprès d'elle. Il a été
créé la COBAC qui joue le rôle de gendarme des banques, les
oriente et les oblige à respecter les différents ratios.
Le retour à la stabilité s'est fait de
façon graduelle. Il fallait d'abord augmenter les fonds propres des
banques, ensuite maîtriser leur solvabilité et enfin viser une
rentabilité certaine. Tout ceci s'est réalisé dans une
situation mitigée des réformes. Cette situation est liée
notamment à la mise en oeuvre des réformes qui ne respecte pas
toujours les canevas, l'horizon temporel et la procédure à
suivre. A côté de ce premier constat, le retour à la
stabilité des banques n'a pas influencé positivement le
financement de l'économie.
De façon générale, malgré le
caractère mitigé des réformes, nous pouvons soutenir au
terme de ce chapitre l'hypothèse 1 selon laquelle :
l'influence des réformes financières sur la
stabilité des banques est positive en zone CEMAC.
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
Après les indépendances, les pays de la Zone
Franc en générale et la zone CEMAC en particulier, se sont
lancés dans de vastes programmes de développement
économique. Au Cameroun par exemple, on a assisté à des
plans quinquennaux. La reprise de l'économie après le
départ du colon a été une réussite.
Mais, suite au choc pétrolier et surtout à la
baisse des prix des matières premières qu'ont connus ces pays,
une grave crise économique s'en est suivie accompagnée d'autres
facteurs. Tous les pays de la zone CEMAC ont alors connu une crise sans
précédent. Cette crise est fortement ressentie par les
banques ; car elles étaient les principales pourvoyeuses des Etats
en ressources financières. Les créances impayées se sont
accumulées, ce qui a fragilisé les établissements de
crédit. Il s'en est suivi une perte de confiance totale de la part des
clients. Pour restaurer l'équilibre macro financier, il fallait
réformer le système financier. Les réformes
financières intervenues en 1990 étaient axées sur trois
volets : les secteurs bancaires, monétaires et institutionnels.
Elles se sont soldées par un retour à la stabilité des
banques, à une nouvelle politique monétaire et à un
dispositif de surveillance du système financier sous régional.
Malgré ces bons résultats, lesdites
réformes ont présenté un caractère mitigé
lié au mauvais respect des procédures et du temps d'une part, et
à la faible implication des banques dans le financement des
économies d'autre part.
En général, il est évident de conclure
que les réformes financières des années 90 ont eu un
impact positif sur le retour de la stabilité des banques de la
sous-région. Si la stabilité a été restaurée
dans l'ensemble, il convient à présent d'étudier l'impact
des réformes financières sur un point spécifique de cette
stabilité : la rentabilité du système bancaire. Ce
qui nous conduit à la deuxième partie de cette étude
à savoir, l'effet des réformes financières sur la
rentabilité bancaire notamment à travers ses déterminants.
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