L'administration de mission en droit burundais: cas de la Commission Nationale des Terres et autres Biens (C. N. T. B. )( Télécharger le fichier original )par Emmanuel NIYOMWUNGERE Université du Burundi - Licence 2010 |
Section 2. Le fondement de l'Administration de missionLa technique d'Administration de mission est en vogue grace à sa valeur qui s'analyse en la modernisation de l'Administration publique, l'adaptation des structures institutionnelles aux missions nouvelles et contingentes ainsi que l'application des principes démocratiques dans l'Administration publique. Cependant, le recours à l'Administration de mission ne garantit pas le plein succès de l'action administrative dans tous les cas. §1. La valeur de l'Administration de missionA. La modernisation de l'Administration publiqueLa modernisation désigne l'action politique de mise à jour et à niveau de l'Administration publique pour que celle-ci soit à même de mieux accomplir les missions de service public. Après avoir examiné les lacunes de l'Administration traditionnelle, nous montrerons le rôle joué par l'Administration de mission dans la modernisation de l'Administration publique. 1. Les lacunes de l'Administration traditionnelle Le diagnostic fait sur l'Administration publique burundaise en particulier, et celles des autres pays africains en général, montre qu'elles souffrent d'incohérences et d'insuffisances importantes qui engendrent un certain nombre de paralysies notoires. a. Les causes On peut voir d'abord que les vides juridiques, la généralité excessive des textes créateurs des institutions administratives, l'absence de systématisation et d'harmonisation de l'arsenal législatif et réglementaire sont quelques marques qui dénotent les faiblesses institutionnelles. Ensuite, on relève le manque d'un véritable rapport de contrôle entre des structures intervenant dans un même domaine, de sorte qu'il n'est pas rare que certaines d'entre elles fassent double emploi avec comme conséquence la perte de moyens et de temps. Les structures de coordination ne jouent pas correctement leur rôle parce que le contenu, la portée et l'étendue de ce rôle ne ressortent pas clairement des textes constitutifs45. L'Administration burundaise fait face à des problèmes de formation et de motivation des fonctionnaires, de gestion des structures et de management des services. Qui plus est, la « boulimie » des responsabilités qui anime certains agents administratifs se traduit par la violation des principes fondamentaux de décentralisation et de déconcentration. Cette attitude a été récemment observée dans la procédure gouvernementale récente quand certains ministres étaient réticents à déléguer les pouvoirs et les moyens aux vices-ministres. Plusieurs autres causes peuvent être épinglées, notamment la complexification des missions de service public, le formalisme excessif, la politisation des emplois publics, la détérioration de l'éthique, la crise de légitimité et de bonne gouvernance, le laxisme dans le fonctionnement des services publics, etc. Sur le plan procédural, il s'ensuit des retards, des «goulots d'étranglement46» et des blocages qui peuvent se révéler trop coûteux. b. Les effets Ces dysfonctionnements ont des effets nuisibles sur la qualité et sur la quantité de l'action administrative. Les administrés sont ipso facto mal servis ou pas servis du tout et l'insatisfaction et les mécontentements qui en résultent s'accompagnent de la détérioration de leurs relations avec l'Administration. Ces phénomènes pathologiques de l'appareil administratif s'étant manifestés si tôt après l'Indépendance, tous les régimes politiques de la République du Burundi ont initié et mis en oeuvre des politiques de réforme administrative pour les enrayer et rendre l'Administration plus performante. Certains considèrent la modernisation administrative comme un mythe ou un vampire dont on parle mais qu'on ne voit jamais. On ne doit pas perdre de vue qu'elle ne s'opère pas d'un coup de baguette magique. C'est une tâche permanente, une politique constante dont le contenu doit être variable pour être adapté aux exigences de l'époque. 45 Ainsi le rôle de coordination dévolue aux Vice-Présidents de la République n'est pas clairement défini dans la Constitution du 18 mars 2005. 46 Voir M. L. DIALLO, « Diagnostic et pistes de réflexion » in L'administration publique des pays francophones à l'aube des années 2000, Paris, I.I.A.P., 1996, pp. 121-127 2. Le rôle de l'Administration de mission dans la modernisation de l'Administration publique L'Administration «missionnaire», étant elle-même une nouvelle composante de l'Administration publique, est le moteur de la modernisation aussi bien à l'intérieur d'elle-meme qu'à l'extérieur, c'est-à-dire chez l'Administration traditionnelle de gestion, sa soeur aînée. D'une part, la marque fondamentale de l'Administration de mission est qu'elle incarne en elle-meme l'efficacité de l'action administrative. Celle-ci doit constituer le seul but qui justifie son originalité organique et fonctionnelle. C'est elle qui est apte à maîtriser la rapidité des changements et qui constitue la stratégie privilégiée de modernisation. C'est en ce sens que B. AROUNA, souligne que face aux problèmes inédits de l'ère présente, « l'Administration ne doit plus chercher à s'adapter à un schéma organisationnel déterminé, qui de toute manière ne résisterait pas aux pressions de l'environnement en faveur du changement mais à planifier le changement lui-même »47. Il pense alors que certains objectifs de modernisation seraient mieux pris en compte par l'Administration de mission que par les structures administratives de type classique. L'Administration de mission se démarque par la grande rapidité dans l'action, un esprit d'initiative très poussé et un haut degré de réalisme et de dynamisme. Ce symbole de modernité porté par la structure administrative «missionnaire» l'est également pour ses fonctionnaires. Ceux-ci, contrairement aux fonctionnaires sclérosés derrière leurs bureaux, croient à la valeur de leurs missions et mettent en oeuvre tous les voies et moyens pour atteindre les objectifs fixés. D'autre part, l'Administration de mission joue un rôle important dans la modernisation de l'Administration classique en coordonnant et en animant les diverses structures de cette dernière, en suscitant une émulation bénéfique à elle et en lui servant de bel exemple. En effet, on se rend compte que les administrations de mission ont vocation à coordonner les vastes projets ou programmes nationaux impliquant les divers départements ministériels48. En 47 1er Séminaire de l'Observatoire des Fonctions Publiques Africaines sur les produits de modernisation de l'Administration, Cotonou, 11-14 novembre 2003 ( http:// www. ofpa.net/actsem/disccourmin.htm) 48 C'est notamment les divers projets exécutés
dans le cadre de la Commission Nationale de synthétisant et en pilotant l'action interministérielle, elles vont se comporter en habiles animatrices et insuffleront un nouvel élan dans l'Administration publique. En outre, la présence des organismes de mission dans l'univers administratif entraîne une compétition et une émulation entre ces « nouveaux venus » et les structures classiques49. Enfin, de par les traits de la modernisation que présente l'Administration de mission, elle amène l'Administration classique de gestion à se remettre en cause et à lui emboîter le pas. Elle lui permet de se ressaisir et de prendre conscience qu'au-delà de l'expédition des affaires courantes et du cloisonnement des services, il est nécessaire de cultiver l'esprit d'entreprise et mettre en avant le culte de l'excellence. L'Administration traditionnelle emprunte notamment à l'Administration de mission les nouvelles méthodes de management notamment la gestion des projets et leur évaluation par des audits stratégiques, organisationnels et financiers. Néanmoins, il serait faux de croire que toutes les administrations de mission aboutissent toujours à la réussite et que les relations qu'elles entretiennent avec l'Administration classique se passent nécessairement en symbiose telles que nous venons de les décrire50. On doit cependant admettre que, de manière globale, les administrations de mission fonctionnent à la satisfaction générale. On notera à cet effet le succès retentissant de la C.E.N.I. dans l'organisation des élections de 2005 au Burundi. Comme on vient de le remarquer, la modernisation de l'Administration publique est un voyage et non une destination. Dans ce voyage, notre pays s'embarque de plus en plus dans l'Administration «missionnaire» pour faire face aux missions nouvelles et contingentes. |
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