B. L'adaptation des structures institutionnelles aux
missions nouvelles et contingentes de l'Etat
L'Administration de mission est la mieux indiquée pour
faire face à la complexification des tâches de l'Etat et à
la rapidité des changements du monde contemporain. La raison
d'être de l'Administration de mission burundaise s'inscrit dans la
logique de maîtrise des contingences actuelles, en particulier de sortie
de guerre et de pénurie des ressources budgétaires.
réintégration des ex-combattants de la C.N.D.R.R.;
le Programme national de lutte contre le SIDA du C.N.L.S.
49 C. DEBBASCH, op. cit., p.444
50 Voir infra, p. 25
1. L'Administration de mission et le contexte
post-conflit
Pour atteindre les objectifs de l'après- guerre qui
consistent notamment dans la reconstruction, la réhabilitation des
institutions et des personnes sinistrées, la réconciliation et la
consolidation de la paix, le pouvoir politique a compris qu'il doit recourir
à la stratégie d'Administration de mission. Il a pris l'option de
laisser l'Administration classique s'occuper des missions de service public
traditionnelles, tandis que les missions nouvelles liées aux
contingences de la période post-conflit sont confiées à
l'Administration «missionnaire».
Au demeurant, l'Accord d'Arusha pour la paix et la
réconciliation au Burundi signé le 28 août 2000 est
l'assise politique et juridique de la technique d'Administration de mission. En
effet, c'est de cet acte de compromis politique que prend source le
phénomène actuel de « polysynodie administrative
», c'està-dire de prolifération presque pathologique
d'oTanes collégiaux, consultatifs ou délibérants,
associés à l'action administrative 1 et dont la
plupart sont des administrations de mission. Seules celles-ci peuvent concilier
l'impératif de la représentation et la participation des
principaux intéressés et celui de la rapidité et de
l'efficacité d'une certaine action administrative.
Ainsi, cet Accord prévoit expressément la
création des administrations de mission telles que la
C.V.R.52, la C.N.R.S.53, la C.E.N.I.54et une
sous-commission de la C.N.R.S. ayant pour mandat spécifique de traiter
les questions relatives aux terres et autres biens 55aujourd'hui
devenue la C.N.T.B.
On peut ajouter à cette énumération, une
autre non plus exhaustive, portant sur des administrations de mission dont les
mandats présentent un lien étroit avec l'Accord d'Arusha. C'est
entre autre la C.N.D.R.R., la C.T.D.C., le Comite de pilotage tripartite en
charge des consultations nationales sur la justice de Transition au Burundi.
Signalons enfin qu'en jetant un regard en arrière, on
trouve également que la C.N.R. du 30 juin 1977 et celle du 7 novembre
1996 ainsi que la C.N.R.A.R. du 22 janvier 1991 ont été
créées consécutivement aux crises de 1972, de 1988 et
1993.
51 R. DRAGO, op.cit., p.52
52 Art. 8, protocole 1
53 Art. 3, protocole 4
54 Art. 20, protocole 1
55 Art. 3, protocole 4
On peut remarquer que l'Administration de mission burundaise
est en forte corrélation avec la résolution des
difficultés inédites du contexte de sortie de guerre.
2. L'Administration de mission et le contexte de
pénurie de ressources budgétaires
Le Burundi est confronté actuellement à la
raréfaction des ressources budgétaires eu égard au vaste
chantier de reconstruction socio-économique et de lutte contre la
pauvreté d'une part, et de bonne gouvernance d'autre part.
a. La reconstruction socioéconomique et la lutte
contre la pauvreté
Concernant le volet relatif à la reconstruction
socio-économique et de lutte contre la pauvreté, l'Etat s'est
décidé pour l'interventionnisme afin de relancer son
économie et recoudre le tissu social. Cependant, cette politique
interventionniste dont l'objectif est de permettre au pays de retrouver et
consolider la paix; de créer un Etat de droit et de mettre en place les
bases d'un développement humain durable, est compromise par
l'insuffisance de moyens financiers. Pour régler ce problème,
l'Etat procède de deux façons distinctes selon que ses projets
relèvent du domaine économique ou du domaine social.
Ainsi, les projets relevant du domaine économique sont
financés en recourant aux crédits des organismes financiers
internationaux et leur exécution est confiée le plus souvent
à des associations sans but lucratif opérant dans ce domaine en
tant qu'organismes d'utilité publique56.
Quant aux projets relevant du secteur social, ils sont,
à quelques exceptions près, financés par des dons et sont
coordonnés en ce qui concerne la mise en oeuvre, surtout par des
administrations de mission57. Par ailleurs, il est prévu dans
l'Accord d'Arusha que suite au surendettement, le pays doit recourir plus aux
dons qu'aux dettes58.
Dans la mobilisation des ressources budgétaires,
l'Administration de mission est doublement adéquate en ce sens qu'elle
permet la coordination
56 Exemple: Twitezimbere, Projet des Travaux Publics et de
Création d'Emploi (PTPCE), Agence Burudaise des Travaux
d'Intérêt Public (ABUTIP), etc.
57 Voir supra, p. 10
58 Articles 5, 2, 1, Chapitre 3, protocole 4
externe de l'appui financier des bailleurs de fonds et la
coordination interne de l'appui technique des différentes structures de
l'Administration classique.
Dès lors, on est en présence de deux types
d'administrations de mission effectuant un travail en relais en matière
financière. Le premier type d'administrations de mission qui se situent
en amont, collectent les « affluents financiers » de
l'étranger et les canalisent ensuite vers le second type
d'administrations de mission opérationnelles en aval.
Deux exemples illustrent ce schéma :
- Il s'agit d'abord du Comité National
de Coordination des Aides (C.N.C.A.)59 qui collecte les aides
étrangères redistribuées ensuite à plusieurs
structures administratives, y compris celles qui sont
«missionnaires».
- C'est également le cas du
Comité de Pilotage Conjoint du Fonds de Consolidation de la paix au
Burundi chargé de décider des projets nationaux à financer
pour autant qu'ils cadrent avec l'objet du Fonds.
Or, la mise en oeuvre de ces projets est souvent l'apanage du
second type d'administrations de mission. C'est dans ce cadre que le projet
« Appui au règlement pacifique des litiges fonciers »
pris en charge par la C.N.T.B., a obtenu le financement du
Fonds.60
b. La bonne gouvernance
Concernant le second volet relatif à la bonne
gouvernance, le pays est en quête des voies et moyens de renforcer la
transparence dans la gestion de la chose publique. Il s'agit en fait de lutter
contre la corruption et les malversations économiques qui ont
récemment pris une allure inquiétante au sein de l'Administration
publique burundaise. Il résulte de cette tendance l'atteinte au
crédit et à la légitimité de l'Etat et surtout de
l'Administration classique.
Pour restaurer la confiance et le concours des
administrés et de la communauté internationale, l'Administration
de mission se trouve être l'alternative privilégiée par le
Gouvernement du Burundi dans la mise en oeuvre de sa politique. Elle est, en
effet, neuve et est composée d'un personnel choisi en
59 Voir D.P. n°100/128 du 12 décembre 2005 portant
création, missions, composition et fonctionnement du Comité
National de Coordination des Aides (C.N.C.A.), (non inséré au
B.O.B.)
60 Ce projet est financé à concurrence de 700
000$ par le Fonds; 800 000$ du Gouvernement du Burundi et 100 000$ du Programme
des Nations-Unies pour le Développement (PNUD); soit un montant total de
1 600 000$.
principe selon les critères de probité et
d'intégrité morale61, et mieux
rémunéré. Elle est soumise, dans l'évaluation de
ses activités, aux audits internes et externes et rend compte
régulièrement à l'autorité étatique.
L'Administration de mission serait l'une des structures administratives
où le service public ne se monnaie pas.
Enfin, l'aménagement de ses structures, le
caractère collégial de sa composition et de sa décision
permet d'associer un représentant des bailleurs de fonds dans la mise en
oeuvre des projets qu'ils financent62. Ceci est inconcevable au sein
de l'Administration classique hiérarchisée et beaucoup plus
jalouse de l'indépendance et de la souveraineté nationales. Donc,
l'Administration de mission est la voie de prédilection à travers
laquelle l'Etat peut reconquérir l'appui direct des bailleurs de fonds
qui commençaient à geler leur coopération
bilatérale ou à faire transiter leurs aides par les organisations
non gouvernementales.
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