§2. Le cadre institutionnel de la C.N.T.B.
Nous procédons d'une part, à l'analyse des
structures, des missions et du fonctionnement de la C.N.T.B., et d'autre part
au contrôle administratif et juridictionnel qui s'exerce sur elle en
vertu de la loi.
A. Les structures, les missions et le fonctionnement de
la
C.N.T.B.
1. Les structures
a. L'organe central chapeautant
La C.N.T.B. était, sous l'empire de l'ancienne loi,
composée de 23 membres nommés par le Président de la
République sur proposition de son 1er Vice-Président.
Actuellement, ce nombre est porté à 50 membres155.
Selon la loi, ils doivent être choisis pour leur moralité, leur
intégrité et leur compétence, mais
153 Article 6 du D.P. n°100/196 du 24 novembre 2009 portant
application de la loi n°1/17 du 04 septembre 2009 portant révision
de la loi n°1 /18 du 04 mai 2006 précitée
154 C'est la C.N.T.B. qui les exécute normalement. Mais
elle peut requérir, le concours de toute autorité publique.
Signalons que même le 1er Vice-Président de la
Réplique intervient quelque fois à cet effet, comme cela a
été le cas sur la colline Rubimba, commune Kibago,
province Makamba (voir D. NDUWIMANA, « Problématique
de la réintégration des réfugiés », in Le
Renouveau quotidien du Burundi n°7219 du jeudi le 06 mars 2008, p.2)
155Art. 6 de la loi n° 1/17 du 04 septembre 2009
précitée
en pratique, il semble que c'est plutôt d'autres
critères qui prédominent dans le recrutement, notamment
l'appartenance politique des membres.
Dans le but de coordonner des compétences
diversifiées et complémentaires, ces «missionnaires»
proviennent de différents secteurs de la vie nationale notamment des
Ministères ayant dans leurs attributions la Solidarité Nationale,
l'Aménagement du Territoire et l'Environnement, les Travaux Publics, la
Justice, l'Intérieur, les Finances et l'Agriculture156. Pour
bien réaliser ses missions, la Commission dispose d'un Bureau
composé du Président, du Vice-président et de la
Secrétaire permanente. Sous l'empire de l'ancienne loi, quatre membres
de la Commission étaient à la tête de chacune des
Sous-commissions qui sont respectivement chargée de l'inventaire des
terres; des « autres biens »; de l'assistance technique et
matérielle ainsi que des litiges fonciers. Chaque Sous-commission
était composée de 5 membres. Dix sept membres étaient
chacun à la tête des délégations provinciales.
Aujourd'hui, la Sous-Commission chargée de l'assistance technique et
matérielle est supprimée par les nouveaux textes relatifs
à la C.N.T.B.
b. Les délégations
provinciales
La C.N.T.B. est dotée des délégations
provinciales qui, pour l'instruction des affaires, agissent en sa place et au
lieu où se situe la terre ou le bien litigieux. Chaque
délégation provinciale comprenait au départ entre 2 et 5
cadres permanents chargés de la préparation des dossiers
litigieux et de la mise en oeuvre des décisions de la Commission ou de
la délégation provinciale; un représentant de
l'Administration provinciale; un membre issu de la société
civile; et un membre issu des confessions religieuses157.
Ces membres de la délégation provinciale sont
nommés par Arrêté du 1er Vice-Président de la
République sur proposition du Président de la Commission
après consultation des Gouverneurs de province158. Chaque
délégation provinciale est dirigée par un membre de la
C.N.T.B.
c. Les collaborateurs à la base
Lors des descentes sur terrain, la délégation
provinciale s'adjoint d'une équipe de collaborateurs à la base
composée d'un représentant de l'Administration communale; deux
membres du Conseil communal; deux membres du Conseil de colline. Ces
collaborateurs communaux et collinaires
156 Art. 7 de la loi n°1/17 du 04 septembre 2009
précitée
157 Art. 10 de la loi n°1/17 du 04 septembre 2009
précitée
158 Art. 12 al 1 de la loi n°1/17 du 04 septembre 2009
précitée
Attaché de Presse
résident au lieu où est situé la terre ou le
bien litigieux. Ils sont nommés par le Gouverneur de province en
concertation avec le Conseil communal159.
d. Le personnel d'appui
La C.N.T.B. dispose d'un personnel d'appui dont les
tâches et les modalités de fonctionnement sont
déterminées par un texte réglementaire. Ce service d'appui
à l'accomplissement des missions de la C.N.T.B. est organisé en
sections administrative, technique et juridique.
Concernant les structures de la C.N.T.B., on consultera utilement
l'organigramme ci-après :
Tableau n°3 : Organigramme de la
C.N.T.B.
PRESIDENCE
VICE-PRESIDENCE
SECRETARIAT PERMANENT
S/C1
S/
S/C3
S/C4
Service Administration et Finances
Service Juridique et Contentieux
Secrétariat de Direction
Délégation provinciale
Comptabilité
Conseillers Techniques
Informatique et statistique
|
Approvisionnement et statistiques
Personnel d'appui
Personnel d'appui
Collaborateurs communaux
S/C1=Sous-Commission chargée de l'Inventaire des terres
S/=Sous-Commission chargée des Autres Biens S/C3=Sous-Commission
chargée de l'Assistance Technique S/C4=Sous-Commission chargée
des Litiges Fonciers
2. Les missions de la C.N.T.B.
Il ressort de l'article 4 de la loi n°1/17 du 4 septembre
2009 que le mandat général de la C.N.T.B. est de connaître
le contentieux relatif aux terres et aux autres biens opposant les
sinistrés à des tiers ou à des services publics ou
privés.
Mais particulièrement, lors des trente six premiers mois,
elle était chargée
de :
- « mettre à jour, en
concertation avec les services compétents, l'inventaire des terres de
l'Etat, identifier et proposer la récupération de celles qui ont
été irrégulièrement attribuées;
- connaître toutes les affaires lui
soumises par les sinistrés en vue de recouvrer leur patrimoine;
- fournir une assistance technique pour aider
les sinistrés à rentrer dans leurs droits de
propriété;
- proposer au Ministre compétent,
l'attribution, de nouvelles terres aux sinistrés qui en n'ont pas. Le
Ministre compétent doit s'assurer que les propositions d'attribution lui
faites par la Commission sont diligemment exécutées, et dans tous
les cas sans dépasser 1 mois à partir de la date de leur
réception ;
- connaître des litiges relatifs aux
décisions prises par les Commissions antérieures et qui
n'auraient pas été réglés;
- étudier les possibilités et
les modalités de compensation pour les sinistrés qui n'ont pas
recouvré leurs terres ou autres biens ou pour d'autres victimes, dont
les biens ont été détruits, y compris les
requérants qui s'estimeraient insatisfaits par les décisions des
Commissions antérieures;
- régler les litiges pendants relatifs
aux terres et autres biens non réglés par les Commissions
antérieures »160.
On remarque que le texte régissant la C.N.T.B. est
assorti d'un effet rétroactif et ouvre la voie à la remise en
cause des décisions prises par les Commissions antérieures
n'ayant pas donné satisfaction à tous les requérants.
Cette manière de disposer peut conduire à des résultats
inverses à ceux recherchés. Elle peut, en effet, porter atteinte
à la stabilité des situations juridiques créées par
les décisions des Commissions antérieures, à l'ordre
public, à la paix sociale et à la réconciliation
nationale.
160 Art. 5 de la loi n°1/17 du 04 septembre 2009
précitée
3. Le fonctionnement de la C.N.T.B.
a. Le travail des Sous-commissions
En matière contentieuse, le travail de la C.N.T.B. est
fait à travers la Sous-commission chargée des litiges fonciers et
celle chargée des litiges relatifs aux autres biens.
En matière gracieuse, c'étaient les
Sous-commissions chargées respectivement de l'inventaire des terres
domaniales et de l'assistance technique et matérielle qui étaient
saisies. Avec la venue de la loi n°1/17 du 04 septembre 2009, la
Commission chargée de l'assistance technique et matérielle est
supprimée. Les Sous-commissions n'ont pas de pouvoir de décision.
Elles font des propositions de décisions à la Commission qui
décide en séance plénière.
b. Le travail des délégations
provinciales
Il importe de montrer le cahier de charge de la
délégation provinciale en matière contentieuse lors de la
première tranche du mandat de la C.N.T.B. Elle devait notamment :
- procéder à l'enregistrement des
plaintes formulées par les sinistrés;
- instruire les affaires et faire des
propositions de solutions (à la Commission au départ, aux parties
aujourd'hui);
- dresser les procès-verbaux des
délibérations à transmettre à la Commission;
- participer à la sensibilisation des
occupants des terres et autres biens litigieux d'une part, et les
sinistrés d'autre part à la cohabitation pacifique;
- faire le suivi des décisions prises par
la Commission161.
Sur terrain, les membres de la délégation
provinciale, qu'ils soient collaborateurs communaux ou collinaires, participent
tous aux délibérations des affaires reçues à la
commune ou à la colline.
Dans le traitement des dossiers, deux cas de figure peuvent se
présenter. Soit les parties peuvent s'entendre à l'amiable, soit
la conciliation échoue. Dans le premier cas, la délégation
provinciale, avant la révision de l'ancienne loi régissant la
C.N.T.B., prenait acte et dressait un procès-verbal de conciliation
qu'elle transmettait à la Commission nationale pour
entérinement (le dossier ayant transité par la Sous-commission
concernée). Dans l'autre cas, la délégation provinciale
dressait le procès-verbal de non-conciliation et faisait des
propositions de solutions qu'elle envoyait à la Commission nationale
pour analyse et décision162. Aujourd'hui, la
délégation provinciale, à défaut d'une entente
à l'amiable, fait des recommandations de solutions163, mais,
au fond, ces dernières ne diffèrent en rien des propositions de
solutions sur le plan des effets juridiques.
c. Le travail de la plénière
La Commission Nationale peut ordonner un complément
d'enquete à effectuer par elle-même ou par la
délégation provinciale.
Les décisions de la Commission nationale sont prises
par consensus. A défaut, la décision est reportée à
la plénière suivante. Si à ce moment il y a toujours
défaut de consensus, la décision est prise par vote à la
majorité des 3/4 des membres présents164. Les
décisions doivent être motivées en fait, en droit, en
équité et conformément aux principes présidant
à la résolution pacifique des conflits, à la
réconciliation et à la paix sociale165. La Commission
notifie sa décision aux parties dans un délai de 15 jours.
Notons que les décisions de la C.N.T.B. sont
revêtues de la formule exécutoire suivante : « Le chef de
l'Etat, Président de la République du Burundi, mande et ordonne
à toute autorité tant civile que de la défense et
sécurité de preter main forte à l'exécution de la
décision de la commission nationale des terres et autres biens
lorsqu'elle sera légalement requise ».166
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