B. Le contrôle exercé sur la C.N.T.B.
La C.N.T.B. est une entité décentralisée
qui jouit d'une autonomie administrative et financière. Cette autonomie
est tempérée par le principe de rattachement administratif
à une structure de l'Etat. C'est en vertu de ce principe que s'exerce
sur elle la tutelle du 1er Vice-Président de la
République. Elle est également diluée par le
contrôle du juge qui est le dernier rempart de l'administré.
162 Art. 15 et 16 de la loi n°1/18
précitée
163 Art. 16 et 17 de la loi n°1/17 du 04
septembre 2009 précitée
164 Art. 17 des Procédures de
règlement des litiges fonciers et autres biens à la
CNT.B.
165 Art.9 de la loi n°1/17 du 04 septembre 2009
et art. 19 al. 1 des Procédures de règlement des litiges
fonciers et autres biens à la CNT.B
166 Art. 23 des Procédures de
règlement des litiges fonciers et autres biens à la
C.N.T.B
1. Le contrôle administratif : la tutelle de la
1ère Vice-
Présidence
a. Le siège de la matière
La loi n°1/18 créant la C.N.T.B. comporte une
innovation lorsqu'elle institue le 1er Vice-Président de la
République parmi les autorités de tutelle au Burundi. En effet,
l'article 3 de cette loi stipule que la C.N.T.B. « est placée sous
la tutelle de la Première Vice-Présidence de la
République». Les modalités de la tutelle sont
déterminées par le décret n°100/205
précité tel que modifié à ce jour.
b. Les modalités et les moyens de la
tutelle
exercée sur la C.N.T.B.
Ils sont prévus par les textes créateurs de la
C.N.T.B. ainsi que les principes généraux du droit.
1° Le contrôle sur les personnes
Ce contrôle n'est pas clairement défini par les
textes créateurs de la C.N.T.B. Seul l'article 23 de la loi n°1/17
du 04 septembre 2009 y fait allusion en stipulant qu' « un membre de
la Commission Nationale ou de la Délégation provinciale peut
être révoqué pour manquement grave sans préjudice
des poursuites pénales qui peuvent être engagées contre lui
conformément à la loi ». Cette disposition ne
prévoit cependant ni les modalités de suspension ou de
révocation des personnes affectées au service de la C.N.T.B., ni
les autorités compétentes à cet effet.
Nous pensons qu'en vertu du principe du parallélisme
des formes, ce sont les autorités qui ont le pouvoir de nomination de
ces personnes qui sont également compétentes pour les suspendre,
les révoquer et pourvoir à leur remplacement. Ainsi, ces pouvoirs
de contrôle appartiennent respectivement au Président de la
République vis-à-vis des membres de la Commission167 ;
au 1er Vice-Président de la République vis-à-vis des
membres des délégations provinciales et des cadres du service
d'appui168; au Président de la Commission vis-à-vis du
reste du personnel d'appui et enfin aux gouverneurs de province
vis-à-vis des collaborateurs des délégations
provinciales169.
167 Art. 7 de la loi n°1/17 ; art. 9 du D.P. n°100/196
et art. 1 du D.P. n°100/33 précités
168 Art. 12 al. 1 de la loi n°1/17; art. 13 du D.P.
n°100/196 précités
169 Art. 11 al. 2 de la loi n°1/17 et art. 14 du D.P.
n°100/196 précités
2°. Le contrôle sur les actes
Les pouvoirs de contrôle que le 1er
Vice-Président de la République exerce sur la C.N.T.B.
relèvent du procédé de la tutelle spéciale.
Celle-ci est qualifiée ainsi car les actes qui lui sont soumis, sont
désignés individuellement ou par catégories dans la loi.
La tutelle spéciale se définit par opposition à la tutelle
générale à laquelle sont virtuellement soumises toutes les
décisions des services publics décentralisés sans qu'une
disposition spéciale soit nécessaire. Ces pouvoirs de
contrôle s'exercent d'abord à travers l'approbation. Celle-ci est
l'acte par lequel le 1er Vice-Président reconnaît
qu'une décision émanant de la C.N.T.B. est conforme à la
légalité et à l'intérêt
général. C'est une simple condition suspensive n'ayant d'effets
que sur l'exécution de la décision et non sur la validité.
Ainsi, le règlement d'ordre intérieur et le budget de la C.N.T.B.
sont respectivement soumis à l'approbation du 1er
Vice-Président de la République et du
Gouvernement170.
De même, le 1er Vice-Président de la
République procède au contrôle de conformité des
décisions de la Commission avec son règlement d'ordre
intérieur, les lois et règlements en vigueur au Burundi; approuve
et assure le suivi de ses programmes d'activités171.
L'autorité de tutelle exerce également un contrôle a
posteriori sur les actes de la C.N.T.B. en ce sens que cette dernière
doit élaborer un rapport trimestriel et des rapports
circonstanciés, s'il échet, pour les lui
transmettre172.
En outre, il s'exerce sur les actes de la C.N.T.B. un pouvoir
de réformation sur recours. C'est l'acte par lequel, l'autorité
de tutelle confirme ou annule les décisions prises par la C.N.T.B. ou
encore leur substitue une décision nouvelle à la suite d'un
recours introduit par les administrés intéressés. Ce
recours ne peut être exercé que par les administrés, ce qui
différencie le droit de réformation du droit d'annulation dont
l'exercice dépend toujours de l'initiative de l'autorité de
tutelle. Le délai de former ce recours en réformation est d'un
mois à compter de la notification diligentée par la
C.N.T.B.173 Ce recours est expressément prévu par
l'article 19 du D.P. n°100/196 qui dispose que le 1er
Vice-Président de la République procède « (...)
au traitement des recours administratifs introduits contre les décisions
de la Commission (...) ». L'intéressé ne peut pas, en
principe, tant que cette autorité n'a pas statué, attaquer devant
la juridiction administrative la décision susceptible d'être
réformée, celle-ci n'ayant pas encore eu de caractère
définitif.
170 Art. 24 de la loi n°1/17; art. 18 et 19 du D.P.
n°100/196 précités
171 Art. 19 du D.P. n°100/196 précité
172 Art. 25 de la loi n°1/17 et art. 20 du D.P.
n°100/196 précités
173 Art. 22 des Procédures de règlement des
litiges fonciers et autres biens à la CNT.B.
3°. La tutelle financière
En matière financière, le 1er
Vice-Président de la République pilote la mobilisation des
ressources auprès du Gouvernement et des autres bailleurs de fonds en
faveur de la Commission174. C'est lui qui fixe également le
montant des frais de mission que perçoivent les membres de la
délégation provinciale et leurs collaborateurs durant
l'accomplissement des activités de la Commission175. On doit
noter enfin qu'en plus du contrôle de l'autorité tutélaire,
les textes créateurs de la C.N.T.B. précisent que
l'activité financière et comptable de ladite structure est
soumise aux audits internes et externes commandés par le Gouvernement ou
les bailleurs de fonds.
2. Le contrôle juridictionnel
Les décisions de la C.N.T.B. sont susceptibles
d'être soumises à un contrôle juridictionnel. Il importe de
préciser la portée et l'étendue de ce contrôle.
La loi n°1/18 du 04 mai 2006, telle que modifiée
à ce jour, autorisait les intéressés à attaquer les
décisions de la C.N.T.B. devant « les juridictions
compétentes ». Cette disposition, malgré son
caractère très général et imprécis, consacre
le principe du recours juridictionnel. En apparence, on serait porté
à croire que la C.N.T.B. étant une structure administrative, les
juridictions compétentes pour connaître les recours introduits
contre ses décisions sont les juridictions administratives,
c'est-à-dire les cours administratives. Mais, la réalité
est tout autre.
Depuis le décret n°100/205 portant application de
la loi n°1/18 du 4 mai 2006 jusque sous l'empire des nouveaux textes
régissant la C.N.T.B., les recours juridictionnels contre les
décisions de la C.N.T.B. sont introduits devant les Tribunaux de Grande
Instance176. La précision apportée par ce
règlement dérivé emporte déviation du circuit
normal de la procédure contentieuse suggérée par la loi.
Ce règlement dérivé a le mérite d'éviter
l'inélégance juridique qui allait s'ensuivre, celle de faire
transiter le contentieux judiciaire et en particulier le contentieux foncier
dans les cours administratives et de le mêler ipso facto au contentieux
administratif. Il a permis également aux cours administratives
d'échapper au débordement du contentieux foncier dont on
connaît l'ampleur excessive au Burundi.
174 Art. 19 du D.P. n°100/196 précité
175 Art. 12 du D.P. n°100/206 précité
176 Art 7 du D.P. n°100/205 précité
Ce règlement ne constituerait cependant pas une
panacée, s'il était interprété
littéralement. En évitant l'inélégance juridique au
sein des juridictions administratives, on la créerait dans les
juridictions judiciaires car celles-ci connaîtraient une portion des
affaires relevant du contentieux administratif, à la suite des recours
formés contre les actes de la C.N.T.B. Cette situation n'affecterait pas
moins négativement la distinction entre les juridictions judiciaires et
les juridictions administratives dans le système juridictionnel
burundais.
De lege lata, le risque de cette imperfection juridique peut
être écarté. Les Tribunaux de Grande Instance devraient
recevoir les seuls recours formés contre les actes juridictionnels de la
C.N.T.B. et déclineraient leur compétence à propos des
recours contre les actes administratifs de la même entité
administrative.
De lege ferenda, il faudrait plutôt dissocier les actes
administratifs et les actes juridictionnels de la C.N.T.B., et prévoir
un recours contre les premiers devant les cours administratives, tandis que les
recours contre les seconds seraient formés devant les juridictions
judiciaires.
L'appel contre les décisions de la C.N.T.B., comme
c'était d'ailleurs le cas de la C.N.R.S., constitue une avancée
significative, malgré ses lacunes, par rapport aux administrations de
mission ayant eu le même mandat en 1977 et 1991. En effet, les
décisions de ces dernières avaient valeur de jugements
coulés en force de chose jugée et n'étaient pas
susceptibles de recours sauf par voie de tierce opposition.
Notons qu'en plus des contrôles administratif et
juridictionnel exercés sur la C.N.T.B., il en existe d'autres qui
s'exercent sur elle tant en vertu du droit commun que d'autres textes
juridiques particuliers. Parmi ces derniers, on peut relever le contrôle
à la fois administratif et financier de l'Inspection
Générale de l'Etat177 et le contrôle directement
juridictionnel et indirectement parlementaire de la Cour des
comptes178.
177 Voir D.P. n°100/227 du 27septembre 2006 portant
création, attribution, organisation et fonctionnement de l'Inspection
Générale de l'Etat, B.O.B. n°9/2006, pp.1272-1282
178 Voir Loi n°1/002 du 31 mars 2004 portant
création, missions, organisation et fonctionnement de la Cour des
comptes, B.O.B. n°3bis/2004, pp.251 -264
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