§2. La Commission Nationale chargée du Retour,
de l'Accueil et de l'Insertion des Déplacés et des
Rapatriés burundais (C.N.R.A.R.) du 22 janvier 1991
A. Historique
Elle fut créée par le D.-L. n° 1/01 du 22
janvier 1991 sous le régime de la IIIème
République. La création de cette Commission s'inscrit dans le
cadre de la politique de l'Unité Nationale initiée à la
suite des événements malheureux survenus dans les communes Ntega
et Marangara en 1988. Le retour des réfugiés burundais
était considéré comme un facteur important de renforcement
de l'Unité nationale. C'est le début des Commissions tripartites
de rapatriement qui travaillaient en relais avec cette Commission et les autres
du même genre instituées ultérieurement. Les exactions
commises pendant la crise furent amnistiées afin de faciliter la
tâche de la Commission110.
La mission de la C.N.R.A.R. était de mettre en oeuvre
la politique du Gouvernement en matière de rapatriement des
réfugiés burundais. Son cahier de charge était notamment
de:
- suivre les dossiers de demande de rapatriement;
109 Voir les archives de la Commission restreinte
conservées dans le bureau du Gouverneur de la province Bururi.
110 J.B. BIZIMUNGU, La question des réfugiés
burundais à travers la problématique du rapatriement de 1987
à 1997, Bujumbura, U.B., Faculté des Lettres et Sciences
Humaines, 1999, p.30
- aider les rapatriés à se
réinstaller sur les propriétés encore disponibles;
- faciliter aux rapatriés la réinsertion dans la
vie socioprofessionnelle;
- connaître du contentieux né
à l'occasion des opérations de réinstallation;
- analyser toute question relative à
l'assistance des rapatriés;
- mener une étude prospective sur la
question des réfugiés burundais111.
L'originalité de la C.N.R.A.R. qu'elle partage avec la
précédente Commission est qu'elle prenait des décisions
ayant valeur de jugements coulés en force de chose jugée, ne
pouvant être attaquées que par tierce opposition.
B. Bilan des travaux de la Commission
Nous avons buté ici aussi sur l'inaccessibilité
des rapports et archives de la Commission. En effet, la C.N.R.A.R. n'a jamais
disposé de secrétariat permanent. Les rares informations y
relatives sont contenues dans des documents gardés à titre
privé par les membres de la Commission112. Les
témoignages recueillis auprès des membres de la Commission
dressent un bilan mitigé. Ils affirment qu'un certain nombre de litiges
ont été réglés, beaucoup de rapatriés ont
réintégré leurs terres ou réinstallés sur de
nouvelles terres, mais aussi réhabilités sur le plan
socioprofessionnel.
L'obstacle juridique notoire dans le travail de la C.N.R.A.R.
résidait dans le fait que la loi ne permettait à ses membres
qu'à aider les rapatriés à se réinstaller sur
« les propriétés encore disponibles
»113. Lorsque le rapatrié trouvait sa
propriété exploitée par des occupants secondaires, il en
découlait un conflit difficile à résoudre à cause
de cette disposition. En outre, la Commission a été
débordée dans sa tâche suite à la politisation des
dossiers liés à la réinstallation des sinistrés.
C'est ainsi qu'on a vu éclater de nombreux litiges fonciers dans la
plaine de l'Imbo accompagnés de tensions sociales d'une grande ampleur
ravivées par le contexte de début du multipartisme à cette
époque.
« Sous l'instigation des nouveaux administrateurs
fraîchement promus, les occupants des anciennes terres des
réfugiés furent jetés à la rue, ce
quiprovoqua une grave crise » 114. Au comble de
celle-ci, des habitants de Minago
chassés par familles entières vinrent manifester
contre cet état de fait devant la Présidence de la
République115. Pour résoudre cette crise, le
Président Melchior
111 Art. 2 du D.-L. n° 1/01 précité
112 J.B. BIZIMUNGU, op. cit., p.30
113 Art. 2 du D.-L. n° 1/01 précité
114 G. GATUNANGE, Etude sur les pratiques foncières au
Burundi. Essai d'harmonisation, Bujumbura, RCN Justice &
Démocratie, 2004, p.13
115 Idem, p.14
NDADAYE, dans son discours célèbre
prononcé à Makamba, défendit la thèse des droits
acquis lorsque le nouvel occupant n'avait pas plusieurs
propriétés foncières: les réfugiés devaient
s'installer ailleurs, sur des terres domaniales que l'Administration
aménagerait à leur intention.116
Avec l'éclatement de la guerre d'octobre 1993, la
commission dont la liste des membres venait d'être profondément
changée117, a totalement cessé ses
activités.
|