CHAPITRE II: LE CADRE D'ECLOSION DES ADMINISTRATIONS DE
MISSION IMPLIQUEES DANS LA REHABILITATION DES SINISTRES BURUNDAIS
La mission de réhabiliter dans leurs droits
patrimoniaux et extrapatrimoniaux les victimes des crises socio-politiques qui
ont secoué le Burundi est devenue récurrente. Cette mission avait
été confiée à d'autres commissions
antérieures à la C.N.T.B. et dont la plupart étaient des
administrations de mission. Celles-ci ont évolué dans un cadre
à trois dimensions à savoir celui de la problématique des
terres et autres biens des sinistrés, celui de la multiplicité
des normes applicables et celui de la discontinuité des structures.
Section 1. Le cadre sociologique: le problème
foncier et des autres biens des sinistrés
La raréfaction grandissante de la
propriété foncière au Burundi a été maintes
fois à l'origine des deux principales missions connexes que l'Etat a
confiées à la C.N.T.B. et aux administrations de mission qui
l'ont précédée. Il s'agit d'inventorier et
récupérer les terres irrégulièrement acquises et
d'apurer le contentieux foncier et celui lié aux autres biens; la guerre
ayant contribué à compliquer la tâche.
§1. La raréfaction de la
propriété foncière
La superficie de l'Etat burundais est de 27.834
km2. Sa population actuelle est de 8.038.618
habitants273. De ce fait, il est classé parmi les pays
africains les plus peuplés.
De plus, 94% de sa population vivent de la terre en milieu
rural74. La population burundaise se caractérise
également par un comportement nataliste, une économie
basée sur l'agriculture de subsistance et l'héritage comme mode
normal d'acquisition de la terre.
Il en résulte que la terre se raréfie de plus en
plus et devient concomitamment un bien d'une importance, en tant que source
principale de
73 Voir D.P. n°100/12 du16 janvier 2009 portant
publication des résultats préliminaires du troisième
recensement général de la population et de l'habitation du
Burundi de 2008, B.O.B. n°1ter/2009, pp. 220-224
74 Rapport de l'Observatoire de l'Action Gouvernementale
(O.A.G.) cité par A. ARAKAZA, Guide méthodologique pour la
récupération des terres domaniales irrégulièrement
acquises, Bujumbura, C.N.T.B., février 2002, p.3
revenus. C'est ce qui explique que 80% du contentieux
judiciaire est d'ordre foncier75. Cette raréfaction se
traduit aussi par le fait que les terres domaniales ne cessent de faire l'objet
d'attributions irrégulières et d'empiétements.
§2. L'aggravation de la question foncière par
le phénomène des sinistrés
Depuis son indépendance, le Burundi vit de
manière récurrente une spirale de violences politico-ethniques.
Plusieurs milliers de personnes ont étéforcés
d'abandonner leurs biens, meubles ou immeubles. Ceux-ci sont soit
restés vacants, soit attribués par l'Etat
à de nouveaux acquéreurs, soit encore appropriés par des
tiers. A leur retour d'exil, les rapatriés trouvent leurs biens dans
d'autres mains. Il se pose la question de savoir qui du propriétaire
d'origine ou du possesseur actuel a un droit plus fort sur ces biens. Cette
question concerne surtout les réfugiés de 1972. Mais, il n'en
demeure pas moins que ceux de 1988 et de 1993 éprouvent d'énormes
difficultés dans l'exercice de leurs droits réels d'autant plus
qu'il n'est pas rare que leurs biens aient fait l'objet d'appropriations vite
remises en cause. Il arrive que le sinistré lui-même ait
clandestinement vendu sa propriété foncière et
qu'aujourd'hui il se retrouve sans terre.76
En outre, la création des sites de
déplacés sur des terres des particuliers engendre le
problème du statut de ces terres et la nature des droits exercés
sur elles par les déplacés. Il existe plusieurs victimes d'actes
de vol ou de destructions de maisons, de plantations, de fonds de commerce,
d'effets personnels, etc. Elles sont dans une situation de privation et de
dénuement au moment où les auteurs responsables de ces actes,
lors même qu'ils sont connus, sont pour la plupart insolvables. Or, la
restitution des biens, particulièrement de la terre constitue pour les
survivants une condition essentielle pour leur réinsertion et leur
réintégration sociales.
Cette situation alimente des conflits au niveau communautaire
et risque de replonger le pays dans les crises socio-politiques. Sous ce
rapport, une enquête menée par Caritas-Burundi en 2005 est
éloquente. Sur les 33 764 cas de conflits liés à la terre,
56,3% sont liés aux crises que le Burundi a connues77. Si
l'on n'y prend pas garde, la problématique foncière peut
être instrumentalisée politiquement lors des
échéances électorales prochaines pour déboucher sur
des troubles socio-politiques, comme cela s'est passé récemment
au Kenya et au
75 A. ARAKAZA, op.cit., p.3
76 C.N.T.B., Formulaire de présentation du projet, «
Appui au règlement pacifique des litiges fonciers »,
p.8
77 Ibidem
Zimbabwe. Il sied d'analyser les normes applicables en la
matière pour la prévention ou la résolution des
conflits.
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