Chap2 : Les fautes relatives à
l'éthique
ou a l'humanisme médicale
L'exercice de la médecine a toujours été
marqué par d'importantes exigences morales28, le vieux «
serment d'Hippocrate » illustre le traditionnel « humanisme »
médical. Dans le droit professionnel, la morale est devenue
déontologie et sa philosophie éthique. L'expression des codes de
déontologie modernise au fil des ans, mais les obligations classiques de
conseil, de consentement éclairé du malade et de
compétence professionnelle démontrent que les fautes contre
l'humanisme doivent plus ne jamais être sanctionnées en
matière médicale29. Ainsi dans le cadre de l'examen,
de cette partie nous verrons d'abord l'inobservation des obligations
d'information et la nécessité de requérir le consentement
du patient(sect1) qui peuvent être consécutifs de
faute médicale ; sans pour autant laisser de coté le non respect
du secret médical et l'obligation d'avoir un mémoire
médical(Sect2).
Sect1 : L'absence d'information et de consentement envers le
patient
Avant de passer au consentement, les personnes malades ont
besoin de toutes sortes d'informations en ce qui les concerne.
L'éclairage préalable au consentement est une obligation qui
pèse sur le médecin et son non respect peut engager sa
responsabilité, c'est pourquoi nous verrons dans un premier temps la
27 Responsabilité de l'etablissement ou du
médecin pour des dommages causes par le malade mental a des tiers :Aix18
janvier 1962JCP.1962.2.12892 Civ2°,7 mai1981 JCP 1981IV 259
28 CF.L Derobert « Droit Medical et deontologie
medicale » Flammarion 1974 mise à jour 1980
29 CF.B. Edelman, « L'homme aux cellules d'or
»(au sujet de l'effroyable affaire John Moore au USA),D.,1989.chr.p.225
|
|
19
|
La notion de faute médicale en droit de la
responsabilité
|
|
|
faute dans l'absence d'information(Pag1) pour
examiner ensuite la faute consécutive à l'absence de
requérir le consentement du patient avant tout acte
médical(Pag2).
Pag1 :L'inobservation de l'obligation d'informer le
patient
L'accent mis depuis plusieurs années sur l'information
au patient montre que bien souvent, ce qui apparait banal pour le
médecin ne l'est pas pour le patient ni pour ses proches. La prise de
conscience bénéfice-risque est importante pour que le patient
puisse participer activement à la prise de décision. Le devoir
d'information et de conseil est au coeur de la pratique médicale, c'est
pourquoi le doyen Savatier30 disait que cette obligation est «
la confiance dont le profane investit le professionnel». La montée
du consumérisme a par ailleurs accru les
exigences d'informations du malade devenu d'autant plus vives
que la technicitéet la spécificité des
spécialisations les rendent assez ésotériques pour le
public.
En matière médicale, ces exigences qui baignent
tout notre droit sont particulièrement sensibles alors que la science
médicale apparait bien hermétique aux malades qui lui abandonnent
leur bien le plus précieux leurs corps. La jurisprudence est très
abondante à ce point, nous pouvons tenter de disséquer les fautes
du praticien à l'obligation d'information et de conseil à travers
le questionnement du malade par le médecin, l'information du malade sur
les risques de la maladie, du traitement. Les questions posées au malade
par le médecin vont de soi et ne posent guère de problème.
Il faut cependant souligner l'importance de ces interrogations et des
précisions pathologiques dont le médecin doit s'enquérir
afin de prendre la mesure de toutes les prédispositions personnelles du
patient: aussi l'omission de s'informer de la pathologie particulière du
patient constitue une faute pouvant engager la responsabilité du
médecin en cas d'accident.31Le malade doit être
clairement informé des risques qu'il court du fait de l'affection dont
il souffre et de l'évolution probable de la maladie ; mal informé
il peut négliger de se soigner et le médecin peut alors voir sa
responsabilité engagée.32Le droit à la
vérité des malades en cas de pronostic grave ou fatal constitue
l'un des problèmes les plus délicats de la déontologie
médicale. La jurisprudence avait beaucoup étendu l'obligation
d'information, le non respect de cette obligation, non justifié par une
exception pouvant entrainer la responsabilité civile, disciplinaire ou
pénale. La loi du 4 Mars 2002 relative
30 R.Savatier, « les contrats de conseil
professionnel en droit privé »,D.,1972 chr.p.137s
31 Responsabilite pour omission de s'informer de la
pathologie du malade :Civ.1,13 fev 1985,JCP.,1985 ll 20388,concl.Gulphe.
32 Information du malade sur les risques de la maladie
:cf.Civ.D.,1987.D
|
|
20
|
La notion de faute médicale en droit de la
responsabilité
|
|
|
aux droits des malades et à la qualité du
système de santé confirmait les orientations jurisprudentielles
en son art L1111-2 du code de la santé publique français. Cette
obligation d'information du médecin est un droit pour tout malade, y
compris le malade hospitalisé, et constitue un devoir professionnel.
Cette obligation d'information a pour finalité essentielle
d'éclairer le consentement préalable du malade à l'acte
médical et constitue pour un arrêt de la Cour de Cassation du 19
Octobre 2001, " un principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité
humaine »33. L'information délivrée par le
médecin ou par les médecins si plusieurs sont concernés
par une même maladie doivent lui permettre de consentir à l'acte
médical en connaissance de cause, en ayant pesé les avantages et
les risques de l'intervention. Elle n'est délivrée qu'une fois
pour toute mais tout au long de la maladie (art.64 code de déontologie),
les médecins doivent réitérer l'information s'il y'a un
élément nouveau. L'information doit avoir les qualités
nécessaires pour être comprise du malade et doit être,
conformément à l'art 35 du code déontologie et la
jurisprudence considère que l'information doit avoir certaines
caractéristiques : " loyale », c'est-à dire vraie, non
tronquée, " claire », " simple » et en tout cas
appropriée au niveau de compréhension du malade pour permettre
à ce dernier d'exprimer un consentement. Elle doit aussi porter sur les
risques et aspects positifs de la maladie et du traitement proposé et
être délivrée avec humanisme en particulier dans les
atteintes graves telle la révélation d'une
séropositivité34. La jurisprudence s'est
montrée extensive en matière d'information sur les risques,
considérant à partir de 1998 que le médecin ne devait plus
informer seulement sur " les risques normalement prévisibles »,mais
aussi sur les risques graves afférents aux investigations
prévisibles,même s'ils ne se réalisent exceptionnellement ,
sauf cas d'urgence, d'impossibilité ou de refus du malade d'être
informé sur les risques exceptionnels35. L'absence
d'information sur les risques possibles de l'échec de l'opération
ou du traitement. En matière de chirurgie esthétique où le
résultat espéré peut être assez phantasmatique et
les cicatrices mal acceptées. L'information sur les risques
d'échec prend un aspect assez particulier en matière de
stérilisation ou d'avortement36. Ayant présenté
une information complète et loyale, il appartient alors au praticien de
conseiller le patient sur la décision à prendre sans annihiler le
consentement du malade. Cette obligation persiste aussi après la
survenance de l'accident thérapeutique
33 Civ.1 27 Mai et 7 Oct 1998 prec
34 B Hoerni et M Bénézech,op.cit.p 24 et
s
35 En faveur de cette limitation,notamment G
Memeteau.traité de la resonsabilité médicale
36 Cf,TGI Bobigny,9fevrier 1983,JCP ?1984.LL20149 NOTE
a Dorsner-dOLIVET
|
|
21
|
La notion de faute médicale en droit de la
responsabilité
|
|
|
selon la loi du 4 Mars 2002, le médecin à 15
jours après la survenance du dommage pour informer le patient. Le
personnel paramédical participe à cette information naturellement
dans leurs domaines de compétence et dans le respect de leurs propres
règles professionnelles. Cette information médicale a des
incidences sur l'attitude du malade. En effet, celui-ci doit consentir aux
soins sur la base d'une information précise et claire. Selon la charte
du malade, le consentement doit être libre et éclairé, il
peut être oral ou écrit.
Dans le cas oü le malade est dans l'impossibilité
de donner son consentement, la charte du malade prévoit que ses proches
peuvent le donner. Il faut signaler qu'en cas de refus de soins ou de
désir de quitter l'hôpital, le malade doit être
informé des risques éventuels qu'il encourt et il doit signer une
décharge.
Le secret médical n'existe pas à l'égard
du patient. Son droit à l'information est maintenant une composante
essentielle du système de santé ; l'abondance des principes le
démontre. Les lois de bioéthique rappellent le principe de
respect de l'intégrité physique et la nécessité de
consentement à l'acte médical. Le patient est maître de son
traitement et c'est lui qui décide en définitive de la conduite
à tenir sur la base de l'information qui lui est fournie. L'article 5
dispose à cet effet qu'« aucun soin ne peut être
dispensé au malade sans son consentement libre et éclairé,
celui de ses parents ou des représentants légaux sauf en cas de
force majeure ».
Il parait important de considérer le patient comme le
partenaire des soins. Le médecin quitte son statut de toute puissance
pour être un technicien éclairé au service de la
société, de son patient. C'est le lieu d'articulation des
connaissances scientifiques du thérapeute et de la méconnaissance
du malade. Le malade est le premier concerné par sa maladie, respectant
sa personnalité le médecin l'informe dans son
intérêt afin de lui permettre de participer en toute autonomie au
choix de son traitement
Le médecin est ainsi appelé à
délivrer une information non seulement exhaustive mais tenant
également compte de la personnalité du patient.
Les patients doivent être informés sur les risques
liés à l'acte médical quand bien même que leur
réalisation serait exceptionnelle.
Traditionnellement le juge retient l'information qui porte sur
les risques graves normalement prévisibles, ce qui semble exclure une
information exhaustive du patient. Mais par un arrêt du 7 octobre
1998, la cour de cassation décide que si
|
|
22
|
La notion de faute médicale en droit de la
responsabilité
|
|
|
l'information porte sur les risques graves, le médecin
n'en est pas moins dispensé du seul fait que les risques ne se
réalisent qu'exceptionnellement 37. Le juge civil a
précisé ce raisonnement dans un arrêt du 18 juillet 2000,
considérant que l'information sur la gravité du risque est
requise, même si l'intervention est médicalement
nécessaire38.
Le juge administratif s'attache au contenu de l'information
à délivrer en tenant compte de la gravité du risque
encouru par le patient et rejette initialement l'information due sur le risque
exceptionnel. Le CE dans une décision du 5 janvier 2000, reprend la
formulation du juge judiciaire : « lorsque l'acte médical
envisagé, même accompli conformément aux règles de
l'art, comporte des risques connus de décès ou
d'invalidité, le patient doit en être informé dans les
conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé
; que , si cette information n'est pas requise en cas d'urgence ,
d'impossibilité, de refus du patient d'être informé, la
seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement
ne dispensent pas les praticiens de leurs obligations ( CE 5 janvier 2000
consorts telle ) qui revient sur une jurisprudence constante. Par ce revirement
de jurisprudence, le CE suit le raisonnement de la cour de cassation. Encore la
jurisprudence estime qu'un médecin ne peut justifier l'absence
d'information par l'état d'anxiété du patient, car
l'information doit être adaptée à l'état du patient,
ou du seul fait que l'intervention serait médicalement nécessaire
(cass 1ère civ 18 juillet 2000). La cour de cassation rejette l'argument
de la limitation thérapeutique de l'information dès lors qu'il
est utilisé a posteriori comme moyen de défense39. En
tout état de cause, l'omission d'informer des risques connus de
décès ou d'invalidité est présumée, sauf
à ce que le professionnel de santé qu'est le praticien
hospitalier rapporte la preuve de sa délivrance. Mais le fait de ne pas
fournir les renseignements nécessaires devrait constituer une faute
délictuelle et non pas une faute contractuelle puisse que cette
obligation précède la réalisation du contrat; c'est donc
en principe sur le fondement de l'art 1382 du Code Civil que la demande de
celui qui s'estime victime du défaut d'information doit être
fondée. Cette obligation permettra au patient de consentir en tout
état de cause.
37 cass 1 ère ch . civ 7 octobre 1998 cass
1ère civ 18 juillet 2000
38
39 cass 1ère civ 15 juillet 1999
|
|
23
|
La notion de faute médicale en droit de la
responsabilité
|
|
|
Pag2 :L'inobservation de l'obligation de
requérir le consentement du patient
Cette information est une obligation légale puisque le
praticien doit respecter la volonté de son patient ainsi, l'article 54
du décret n° 677-46 du 10 février instituant le code de
déontologie médicale (modifié par le décret n°
778-176 du 2 mars 1978) dispose " le médecin expert doit, avant toute
expertise, informer de sa mission la personne qu'il doit examiner ». Cette
obligation est prévue aussi par l'article 5 de l'arrêté
n° 005776 du 17 juillet 2001 portant charte du malade dans les
établissements publics de santé hospitaliers au
Sénégal qui dispose " aucun soin ne peut être
dispensé au malade sans son consentement libre et éclairé,
celui de ses parents ou de ses représentants légaux sauf en cas
de force majeure ». Selon ces textes, l'information doit être
accessible, juste pour amener le malade à accepter les choix
thérapeutiques. Il faut indiquer que l'information est donnée par
les praticiens dans le respect des règles déontologiques qui leur
sont applicables.
Ce principe fondamental de l'activité médicale
dépasse la simple règle de droit privé du consentement des
parties dans la formation des contrats. Elle a en effet un aspect
éthique fondé sur la dignité de la personne humaine et le
respect nécessaire du corps humain40. Cependant ce principe
fondamental est souvent atténué, battu en brèche, voire
bafoué dans des conditions qui ne sont pas toujours justifiées.
Le consentement du malade n'est pas contractuellement limité à la
formation du contrat ; il est nécessaire en effet, au cours de son
exécution pour chaque acte thérapeutique de mettre en cause son
intégrité corporelle .Une jurisprudence constante impose au
médecin non seulement d'informer le malade sur la nature de
l'opération projetée, mais encore d'obtenir le consentement libre
et éclairé41.On exige que le consentement du malade
soit libre et éclairé. La liberté du consentement signifie
que ce dernier doit être exempt de vices de la volonté et
donné par une personne consciente et capable de s'obliger juridiquement.
Par consentement éclairé on entend un consentement du malade
donné en toute connaissance de cause c'est-à dire
précédé d'une information complète sur la maladie,
les traitements proposés et les risques. Le malade doit pouvoir comparer
lui-même les risques et les avantages avant de donner son consentement ou
de refuser les soins, la licéité d'un acte médical
40 Le consentement du malade régle ethique :cf
F Chabas " le corps humain et les actes juridiques du droit francais »
travaux de l'association H capitant sur Le corps humain et le droit
41 Principe du consentement libre et
éclairé du malade :Civ.,29 mai 1951,D.,1952.2.53,note
Savatier,S.,1953
|
|
24
|
La notion de faute médicale en droit de la
responsabilité
|
|
|
étant subordonnée, non seulement au
caractère thérapeutique ou depuis la loi française du 27
juillet 1999 sur la nécessité médicale mais aussi au
consentement préalable du malade ou de ses
représentants42donné en toute connaissance de cause.
L'obligation pour le médecin d'obtenir un consentement préalable
libre et éclairé est imposée par plusieurs textes : art
16-3 du code civil, art 36 du code de déontologie. Elle est
rappelée notamment par l'art 5 de la Convention sur les droits de
l'homme et la biomédecine, par plusieurs avis du comité national
d'éthique pour la recherche scientifique au Sénégal ainsi
que la charte du malade hospitalisé cette obligation pèse aussi
sur les médecins hospitaliers43. Lorsque le patient n'est pas
en état de donner son consentement, ce sont ses proches qui sont
normalement habilités à consentir pour lui à
l'intervention. Cette adaptation du principe est justifiée, si le
patient ne peut donner lui-même, compte tenu de son état physique
et non l'ignorance dans laquelle on laisse sur cet état. Il convient
aussi d'évoquer le douloureux problème de « l'acharnement
thérapeutique » sur les mourants et comateux, contre l'avis
antérieurement exprimé du malade et celui de son entourage
impuissant devant ce « impérialisme médical ». En droit
ce problème est d'autant plus difficile que le préjudice qui
entre en jeu ici est une survie fut elle lamentable et non la mort ce qui
n'entre pas dans les épures juridiques sur le dommage corporel. L'aspect
éthique du consentement n'en doit pas moins être clairement
souligné, voire le préjudice de souffrance inutile. Le
problème de l'urgence peut se poser en matière de consentement
par exemple quand le chirurgien, au vu de ses constatations est amené
à modifier la technique initialement prévue, ou à aller au
delà de ce qui était attendu44.Une position stricte
imposerait au chirurgien de refermer, de demander au malade son consentement et
de recommencer. De manière plus nuancée, le chirurgien n'a pas
commis de faute si, au cours de l'opération, il modifie ou amplifie
l'opération prévue, dès lors qu'il y'a urgence et
nécessité. Au delà de ces deux obligations
précitées, le médecin a aussi l'obligation de respecter le
secret professionnel sous peine d'engager sa responsabilité.
42 B Hoerni et M Bénézech,l'information
en médecine Masson 1994 ;R et J .Savatier
43 Le consentement du malade dans les hopitaux publics
: cf.J. Montador « le defaut de consentement et la responsabilité
des services publics hospitaliers » rev.trim. brt san et
social.1971.180.Arret Dame Lbidi.CE.29 jan 1988.JCP
44 Urgence et necessite au cours de l'operation
:-Position stricte :Douai 10 juillet 1946 JCP1946.ll.3374 ;civ 27 oct 1953
JCP
|
|
25
|
La notion de faute médicale en droit de la
responsabilité
|
|
|
Cependant, il faut noter qu'en matière d'euthanasie, le
consentement du patient n'exclut pas la consommation de l'infraction d'homicide
volontaire par le médecin.
|