4.2.2. Introduire les LN dans le SEF : y a t-il une
réelle volonté politique?
En cette année, le Sénégal à
l'instar de beaucoup de pays africains, a passé cinquante ans «
sans domination coloniale ».Donc, il est libre de choisir ses orientations
socioéducatives en vue de redorer le blason de son système
éducatif et de ses identités linguistiques. A ce titre, nous ne
manquerons de nous demander si les décideurs ne s'inscrivent pas dans
une logique de perpétuation du SEF hérité à
l'organisation coloniale dont le but était en substance d'assouvir nos
capacités linguistiques en les écartant de leur mode
d'organisation éducative. Avec « une vérité de la
Palice », il convient de noter qu'au vu et au su de tout le monde
l'élite politique a maille à partir avec le système de `'
l'ex pouvoir colonial».
Par ailleurs, des « classes télévisuelles
» (1979-1984) aux « classes expérimentales » (2002-
2010), le Sénégal n'est encore parvenu à introduire
même pas une seule LN dans le système éducatif (formel) de
base. Quelle part de responsabilité ont les décideurs politiques
sur cette problématique ? A cette interrogation, nos investigations nous
permettent d'en avoir une analyse plus pertinente.
Logiquement, nous savons que si les décideurs avaient
le ferme dessein de formaliser une, des ou les LN dans le système
ça aurait été déjà traduit en acte dans la
mesure où il est incompréhensible et impossible d'avoir
mené un véridique combat pendant plusieurs décennies sans
en avoir des résultats considérables. Ainsi, l'histoire nous a
renseigné sur tant de projets et programmes de ce genre qui font retour
à la case de départ du à des conduites timorées ou
pusillanimes notées au niveau des structures sociopolitiques et
institutionnelles.
Par ailleurs, il sied de reconnaitre qu'introduire une, des ou
les LN n'est nullement irréalisable .Combien d'autres projets sont
réalisés à des fins quasiment non sociétaires ?
Un des enquêtés a pu confesser : «
il y a un manque d'engagement politique parce que sil'Etat voulait
introduire les langues, il l'aurait fait. Par exemple, il a
réalisé et inauguré la statue de la Renaissance »
(Anonyme, commune de Fatick, avril 2010).
Par ailleurs, cette carence d'engagement est analysée,
en d'autres termes comme le fruit d'un « secret d'état » qui
fait que nos langues ne peuvent être insérées dans les
programmes des écoles élémentaires formelles.
Tout compte fait, c'est l'avis d'un ancien éducateur en
retraite qui laisse entendre : « je ne sais pas pourquoi les
langues nationales ne sont pas introduites dans l'enseignement (...), peut
être c'est une raison d'Etat » (M. LY, commune de
Fatick, avril 2010.)
En d'autres termes, la « raison d'Etat »
évoquée par notre répondant, s'analyse comme une
silencieuse velléité d'engagement à l'endroit de nos
décideurs politiques dans la mesure oüces derniers ne se
donnent pas le sacerdoce de viabiliser les projets d'éducation
linguistique qu'ils murmurent depuis des décennies.
A supposer que cette interprétation soit juste, il nous
est alors permis de citer A.SYLLA57 lorsqu'il rappelle les propos d'
Iba Der THIAM ,ministre de l'éducation nationale(1983-1988) disant :
« Jean COLLIN, ancien secrétaire général de la
Présidence de la République ,considérait l'école
nouvelle comme une utopie et a bloqué le texte sur la loi d'orientation
.Il n'aimait pas la promotion des langues nationales ,raison pour laquelle il a
systématiquement saboté mon programme »(Le
Témoin ,30 juillet 1990 :2).Autrement ,les déterminants
politiques du blocage de la promotion ou de l'enseignement des LN sont à
rechercher, entre autres ,au niveau macro et micro de la configuration et de la
posture sociopolitique des différents membres de l'Etat du
Sénégal. A rappeler que c'est le sentiment nationaliste qui
devait primer sur tout, la majorité des politiques
sénégalais transpose et exige leurs déterminations
socioculturelles ou ethniques dans les intérêts nécessaires
pour le progrès.
Dans un autre sillage, la pusillanimité de l'Etat par
rapport aux facteurs de blocage de la politique d'introduction des langues
véhiculaires à l'école s'explique par le fait que le non
suivi des politiques linguistiques est une réalité bien
existante. Généralement au Sénégal, les politiques
élaborées et théoriquement bien formulées
connaissent dès leur début un enthousiasme sans faille de la part
des politiques comme de celle de la société en
générale. Mais, au bout de quelques temps se note un
ralentissement allant jusqu'à l'abandon du projet.
Rappelons certains propos de certains de nos
enquêtés : « l'Etat n'a pas du tout
suiviparce que les conclusions même de l'évaluation
(des classes expérimentales) n'ont pas été
exploitées (...) bon, il n'y a pas un engagement ferme de la part de
l'Etat, c'est vraiil y a l'option politique mais il n'y a pas d'accompagnement
». (Enquêtes, commune de Fatick Avril 2010).
57 A.SYLLA, op.cit.pp 390.
Ces propos s'inscrivant dans la même longueur d'onde
mettent en exergue la grande part de responsabilité de l'Etat
sénégalais face à ce problème socioéducatif.
Leur responsabilité se situe entre autres dans l'inexistence d'une
politique de maintien et de suivi-évaluation qui permettra de
préparer les éventuels écueils dont les
conséquences pourront éclore des sentiments d'utopie, de
scepticisme, de pessimisme ou d'irréalité à l'endroit de
la société.
En effet, cette remarque tant clamée est, par ailleurs,
sous-tendue par la passivité de l 'Etat eu égard à la
formation d'enseignants en langues nationales, à leur mobilité
professionnelle et à l'élaboration de supports didactiques.
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