2.1.5. La transhumance de l'élevage
Tous les auteurs du thème élevage s'accordent
sur le rôle central de la transhumance dans les systèmes de
production de la région. Selon eux, cette pratique est la mieux
adaptée pour valoriser correctement une ressource pastorale variable
dans le temps et dans l'espace. C'est aussi la meilleure pratique pour
l'évitement des contraintes sanitaires saisonnières
(recrudescence des tiques...) et surtout pour la recherche de l'eau. Le grand
pastoralisme pose cependant un certain nombre de difficultés aux
familles d'éleveurs pour la scolarisation des enfants, l'accès
aux services de santé... Ces deux composantes de l'élevage
transhumant, technico-économique (sécurisation de la
mobilité, de l'accès aux ressources) et sociale (organisation des
éleveurs, garantie de leurs droits de citoyens...) devront être
prises en compte conjointement dans les stratégies de
développement du secteur élevage pour entretenir le désir
des jeunes éleveurs à poursuivre cette activité et
à l'adapter à l'évolution du contexte.
Dans l'esprit de nombreuses personnes, la transhumance reste
synonyme de nomadisme et finalement d'un mode d'élevage extensif
à très faible productivité inadapté pour les
objectifs de développement des pays concernés. Cette conception
erronée de la transhumance doit être combattue. La transhumance
est un mode d'élevage qui peut autoriser une intensification
poussée (l'élevage ovin transhumant de la plaine de Crau dans le
sud de la France qui pratique 2 agnelages par an en est un bon exemple).
Actuellement, les éleveurs rencontrent de plus en plus
de difficultés dans leurs déplacements en raison d'une
poussée de l'agriculture qui ne tient pas toujours compte des zones
traditionnelles de pâturage et des pistes où passe le
bétail. Le développement dans certaines zones de décrue a
privé l'élevage de précieux parcours de saison
sèche. Ces contraintes de déplacement se traduisent par un
cantonnement des troupeaux sur les parcours libres d'accès pouvant
à la longue provoquer des effets de surpâturage (diminution du
couvert herbacé, entraînant une réduction de l'effet des
feux favorisant l'envahissement par les ligneux)15.
Une autre composante essentielle des systèmes
d'élevage de la région soulignée par l'ensemble des
auteurs est le droit de vaine pâture des résidus de culture. Cette
pratique se traduit au niveau du paysage agraire par des champs ouverts,
c'est-à-dire non clôturés. Seignobos, cité par Klein
fait remarquer que traditionnellement on n'enclos pas, même ses propres
parcelles, pour ne pas montrer que l'on se défit de ses voisins. Ainsi,
au droit d'usage individuel des parcelles pour l'agriculture en saison des
cultures se substitue un droit d'usage collectif des résidus de
récolte durant la saison sèche. Ce droit de vaine pâture
concerne tant les ressortissants des terroirs concernés
(agro-éleveurs) que les transhumants de passage. Ce libre accès
n'exclu cependant pas l'établissement de contrats entre éleveurs
transhumants et les communautés villageoises, afin de préciser
les ayants droits et les règles d'usage.
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2.1.6. Rénover le modèle d'intégration d'élevage
à l'agriculture
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L'intégration agriculture élevage apparaît
comme une forme d'intensification visant à sécuriser et à
augmenter la rentabilité des activités agricoles par le biais des
échanges d'énergie entre l'agriculture et l'élevage
(traction animale), de la valorisation des résidus de culture dans
l'alimentation animale (embouche et lait) et du maintien de la fertilité
des sols grâce à la fumure animale. Awono et Assana montrent bien
les limites de ce concept dans le cas des grandes exploitations
équipées de boeufs de trait du Nord-Cameroun : faible
valorisation du disponible fourrager, très faible valorisation de la
fumure animale. D'un autre côté, les auteurs montrent une
contribution significative de l'élevage de trait sur le revenu du
ménage grâce à la location
15 LANDAIS E., L'élevage bovin dans les
zones tropicales du sud du Tchad. In Actes du Colloque international sur les
recherches de l'élevage bovin en zone tropicale humide, Ed. Alfort,
France 1997, p. 589-599.
des animaux et à la réforme en fin de
carrière. La production laitière reste marginale et
mériterait d'être appuyée en relation avec des
thèmes d'intensification de la production fourragère.
La réflexion en cours sur les systèmes de
culture sous couverture invite les acteurs concernés par le
développement de l'élevage à reconsidérer les
formes de cette intégration à l'échelle du terroir et non
plus de l'exploitation individuelle. L'introduction de ces systèmes dans
les terroirs nécessitera à la fois de protéger les
couvertures végétales des parcelles qui seront donc soustraites
des espaces de vaine pâture et de trouver des compensations
fourragères ailleurs. L'enjeu est de taille puisqu'il touche à la
fois au régime agraire et aux droits d'usages traditionnels. La gestion
du pâturage à l'échelle des terroirs devra être
adaptée en fonction des solutions retenues par les paysans. Plusieurs
pistes faisant appel à une gestion concertée des ressources sont
envisagées, comme le développement de cultures fourragères
sur des espaces dévolus à l'élevage, le pâturage
contrôlé sur les « mulchs », l'amélioration des
jachères, etc. Les grands éleveurs suggèrent que
l'introduction dans les systèmes de culture d'espèces
fourragères sélectionnées pour leur intérêt
agronomique. Labonne signale que la culture fourragère et la production
de foin commencent à intéresser quelques éleveurs et
suggèrent une approche en fonction des types d'élevage
ciblés. Dans cet esprit, les travaux d'Assonguewed-Awa et Onana sur la
production et l'utilisation du Mucuna pruriens et de Calopogonium
muconoïdes apportent des références techniques utiles
pour le développement.16
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