1.2.2. Les modeles d'adoption d'une innovationG
Pour passer de la théorie à un modèle
d'adoption d'une innovation l'on convient de considérer les aspects ou
facteurs qui influencent l'adoption de celle-ci par les membres d'un
système social donné. C'est pourquoi Rand Corporation (Claire
Isabelle, 2002) a pu déterminer les facteurs (1975) qui expliquent le
succès d'une innovation dans une école :
· l'école est orientée vers la
résolution des problèmes (approche analyse du système
d'information) ;
· elle rejette une innovation qu'elle ne peut pas adapter
(refus de conformisme ou de ralliement à la mode) ;
· elle développe son propre matériel à
partir des usages ou des outils proposés par l'innovation ;
· elle favorise la formation continue pour les nouvelles
compétences à développer ;
· elle fait appel à l'assistance technique locale
(et externe) ;
· elle reçoit le soutien de l'administration (et
même de la hiérarchie ou de la tutelle) ;
· elle s'ouvre au monde extérieur pour rechercher
des expériences, de l'expertise ou pour partager des opinions (sur
l'innovation) ;
C'est à partir de ces facteurs généraux que
Claire Isabelle identifie des modèles d'adoption de l'innovation dont
un, basé sur l'innovation elle-même et sur son
6 Claire Isabelle, Regard critique et
pédagogique sur les technologies de l 'information et de la
communication, P.70-74
fonctionnement : modèle fonctionnel ; et l'autre se
référant en même temps à l'innovation et à
ses adoptants : modèle basé sur les préoccupations.
1.2.2.1. Le modèle fonctionnel de Doyle et Pondre
(1977-1978)7
Doyle et Pondre estiment qu'un changement du monde
éducatif pousse le personnel enseignant à lui opposer un
questionnement sur leur principale occupation : favoriser un système
d'enseignement apprentissage de qualité. Tout dépend alors selon
les enseignants, du fonctionnement de l'innovation qui est tributaire de trois
éléments :
· L'innovation doit être perçue comme
étant claire et spécifique sur le plan instrumental :
c'est le principe de l'instrumentalisation. Ainsi
l'innovation doit être facilement manipulable en proposant des outils
et/ou des méthodes qui, manipulés peuvent être
adaptés.
· L'innovation doit être perçue comme
congruente, soit en lien avec les croyances, les valeurs et le style de
l'enseignant : c'est le principe de la
supplémentarité. L'innovation apporte, en
sauvegardant le système initial dans ses objectifs, une plus-value en
terme de crédibilité, de qualité, de
célérité et de rendement, d'ergonomie, de
compétences, et d'image de marque concernant respectivement
l'information, les tâches ou les opérations, le travail, le
personnel et la visibilité de l'école.
· L'innovation doit être perçue comme
rentable selon le rapport temps/coût/bénéfices :
c'est le principe de l'efficience (rapport
qualité/prix) qui rend compte de la démarche qualité
poursuivie lors de l'implantation d'une innovation dans un système. Ce
qui signifie alors que l'innovation s'adapte à toutes les couches
sociales, à toutes les bourses.
L'innovation ne peut alors être adoptée que si
elle respecte les trois principes. C'est-àdire que les membres du
système actuel se reflètent le système dans le futur
à partir du fonctionnement de l'innovation elle-même. La
représentation de ce modèle de Doyle et Pondre, repris que nous
convenons d'appeler cette fois Modéle des trois principes
d'adoption d'une innovation, équivaut à celui
consigné à la figure suivante.
|
Figure 2 : Modele des trois principes d'adoption d'une
innovation
|
|
7 Claire Isabelle, Regard critique et
pédagogique sur les technologies de l 'information et de la
communication, P.70
1.2.2.2. Le modèle basé sur les
préoccupations de Hall et Hord (1987)8
Le Concerns-Based Adoption Model (CBAM) comme l'ont
appelé les auteurs Hall et Hord, pour favoriser le changement en milieu
scolaire se base sur le principe selon lequel les individus
intéressés à l'implantation d'une innovation
(facilitateurs du changement) doivent considérer les
préoccupations des enseignants ; c'est-à-dire négocier
l'adoption de l'innovation (Philippe Perrenoud, 1999). Ces dernières
elles-mêmes tiennent compte du temps d'implantation, de l'innovation
elle-même, des interventions et de l'école qui voudrait changer
son système.
1.2.2.2.1. Présentation du modele CBAM
Le modèle comporte trois procédures qui
permettent la description du processus de changement tel que vécu par
les membres de l'école. Il s'agit des stades ou degrés de
préoccupation des membres par rapport à l'innovation - de leur
niveau d'utilisation de ladite innovation et des formes opérationnelles
que celle-ci peut prendre. Le tableau suivant résume ces trois
procédures de diagnostic système/adoptants/innovation.
Les stades de preoccupations
|
Les niveau) d'utilisation
|
Configuration de l'innovation
|
- La simple connaissance
|
La non-utilisation :
|
- Comment est-ce que je me
|
- Le stade
|
- La non utilisation
|
sens par rapport à
|
informationnel
|
- L'orientation
|
l'innovation ?
|
- L'intérêt personnel
|
- La préparation
|
- Quel est mon niveau
|
- La gestion
|
L'utilisation :
|
d'utilisation de
|
- Les conséquences
|
- Utilisation primaire de l'outil
|
l'innovation ?
|
- La collaboration
|
- La routine
|
- Quels éléments de
|
- Le recentrage
|
- Le perfectionnement
|
l'innovation est-ce que
|
|
- L'intégration
|
j'utilise ?
|
|
- Le renouvellement
|
|
|
Tableau 4 : Récapitulatif des procedures du
modéle CBAM
8 Claire Isabelle, Regard critique et
pédagogique sur les technologies de l 'information et de la
communication, P.71
1.2.2.2.2. Presentation des procedures du modele.
Tableau 5 : PROCEDURE N°1 DE DIAGNOSTIC DES STADES
DE PREOCCUPATIONS DES ENSEIGNANTS
Stades de preoccupations
|
Perceptions de l'innovation par les enseignants et
autres membres
|
0
|
Simple connaissance (Awareness)
|
L'enseignant ne se sent pas concerné par l'innovation et
participe peu au processus d'implantation : sensibilisation - idée vague
de l'innovation.
|
1
|
Stade informationnel (Informational)
|
Pas d'inquiétude par rapport à l'innovation mais
plutôt recherche de
connaissances sur l'innovation (caractéristiques, effets
et principes).
|
2
|
Intérêt personnel (Personal)
|
Assurance des critères que requiert l'innovation et
comment les remplir ; des effets du changement. Analyse de son rôle et de
son engagement. Il considère les conflits potentiels qui pourraient
surgir par rapport à la structure existante.
|
3
|
Gestion (Management)
|
Ou Inter/t pour le maniement de
l'innovation : Quelle meilleure utilisation des informations et
des ressources de l'innovation. Questionnement sur son efficacité :
comment l'organiser ? la gérer ? la planifier ?
|
4
|
Conséquences (Consequences)
|
Ou Attention axée sur les
repercussions : Questionnement sur les répercussions
de l'innovation sur les élèves. Comment centrer l'innovation
sur le plus utile pour eux
|
5
|
Collaboration (Collaboration)
|
Questionnement sur la coordination et la coopération avec
les collègues, situation créée par l'utilisation de
l'innovation.
|
6
|
Recentrage (Refocussing)
|
Ou Inter/t pour l'exploration de nouvelles
possibilités d'utilisation : Maîtrise de l'outil
mais comment aller plus loin. Intégration d'autres aspects ou
combinaison des outils de l'innovation.
|
|
Tableau 6 : PROCEDURE N°2 DE DIAGNOSTIC DES NIVEAUX
D'UTILISATION DE L'INNOVATION
Niveaux d'utilisation
|
Comportement de l'enseignant dans l'utilisation de
l'innovation
|
Non utilisation
|
Non-utilisation
|
L'enseignant a peu de connaissances ou n'en a pas du tout sur
l'innovation. Il n'est pas engagé vis-à-vis de son
l'utilisation.
|
|
Ou Exploration d'utilisations possibles
: Acquisition des connaissances sur
l'innovation et exploration des habiletés qu'exige
l'utilisation de l'innovation.
|
|
L'enseignant se prépare ou est préparé
à la première utilisation de l'innovation.
|
Utilisation
|
Utilisation primaire de l'outil
|
Concentration de ses efforts sur le court terme. Essai de
maîtrise des tâches nécessaires à l'utilisation de
l'innovation. Il en résulte souvent un usage superficiel et
décousu.
|
|
L'utilisation est stabilisée sans essai d'invention.
L'enseignant ne se préoccupe pas vraiment de voir comment il pourrait
augmenter son utilisation de l'innovation et en améliore les
résultats. Il utilise l'outil de façon
régulière.
|
|
Ou recherche pour varier l'utilisation et
créer d'autres repercussions : l'enseignant varie ses
utilisations grâce à ses connaissances.
|
|
L'enseignant utilise l'innovation pour aboutir à un
travail coopératif avec ses collègues en vue d'augmenter ses
répercussions.
|
|
Ou Utilisation dans le but d'inventer ses propres
strategies : l'enseignant apporte des modifications à
l'innovation afin d'augmenter les répercussions. Il explore
également de nouvelles stratégies d'utilisation de
l'innovation.
|
|
Tableau 7 : PROCEDURE N°3 DE DIAGNOSTIC DE
CONFIGURATION DE L'INNOVATION
Configuration de l'innovation
|
Utilisations possibles de l'innovation
|
Outils complexes
|
Utilisation non variée et vulgaire de quelques outils de
l'innovation avec lesquels l'enseignant se sent à l'aise
|
Outils moins complexes
|
Utilisation de routine et variée des outils aussi divers
de l'innovation
|
Outils simplifiés
|
Pouvons-nous ajouter l'utilisation experte des outils de
l'innovation
|
|
Cette dernière procédure présente une
échelle d'utilisation générale des outils d'une innovation
qui va de la vulgarité à la routine et aboutit à
l'expertise. A chaque niveau de la configuration de l'innovation correspond un
degré d'utilisation des ses outils : l'on deviendra aisément
expert dans la manipulation d'une innovation lorsque celle-ci est fort
simplifiée. Les trois questions de la configuration font ainsi place
à l'aperçu même de l'innovation qui peut être
complexe, moins complexe ou alors simple.
Le modèle résultant des trois procédures de
Hall et Hord est consigné dans la représentation suivante.
Figure 3 : Modele d'adoption de l'innovation base sur
les preoccupations des enseignants
Les explications liées à ce modèle,
comme le stipulent les flèches, sont à double sens car toutes les
trois procédures permettent chacune à son niveau, la
compréhension et la maîtrise de l'innovation pour son adoption.
L'on remarque fort aisément que chaque préoccupation de
l'enseignant ou membre du système école détermine un
niveau d'utilisation ou de manipulation de l'innovation qui, à son tour
détermine le degré de complexité de l'innovation et
vice-versa. Ainsi si l'utilisation de l'innovation reste primaire, alors les
enseignants ne sont pas assez motivés par rapport au changement ; ce qui
signifie que l'innovation se présente très complexe. Les
utilisations peuvent être de routine, voire perfectionnées si les
enseignants ont été motivés par une innovation moins
complexe ou dont ils avaient assez d'informations, de formation et de soutien.
Si les enseignants deviennent des experts par rapport à l'innovation,
ceci signifie qu'ils ont une parfaite maîtrise de ses
outils/éléments et/ou méthodes qui en plus
témoignent de la simplicité de ladite innovation, ou tout au
moins de l'effort d'information et de formation.
En conclusion, tous les modèles d'adoption rendent
compte de la théorie d'une manière, chacune bien
différente. En schématisant la théorie d'adoption d'une
innovation, nous sommes parvenus à un premier modèle que nous
retenons ici pour élaborer une synthèse avec le modèle de
Hall et Hord. C'est un modèle à cinq entrées sur six
colonnes dont la dernière et la première sont
équivalentes.
La première entrée porte sur les caractères
de l'innovation ou alors sa configuration.
La deuxième colonne porte sur les catégories
d'adoptants dont les préoccupations sont représentées par
la quatrième colonne et les phases d'adoption de l'innovation en
troisième colonne.
La cinquième colonne représente les niveaux
d'utilisation de l'innovation par les adoptants ; ceux-ci déterminent en
même temps les préoccupations de la quatrième colonne et la
configuration de l'innovation de la sixième colonne (équivalente
à la première colonne). Ainsi le modèle finit là
où il commence pour boucler le cycle d'adoption de l'innovation.
Le modèle résultant de cette synthèse,
que nous convenons d'appeler Modele des cinq procedures d'adoption
d'une innovation apparaît clairement en page suivante. Il
explique au mieux sur cinq angles différents d'analyse
interconnectés, pourquoi une innovation peut échouer à une
certaine phase d'adoption et ce qu'il aurait fallut pour son implantation
réussie. Mais d'une manière générale, une
innovation dont l'intégration dans un système social
échoue, témoigne de sa complexité, soit en
elle-même, soit alors aux yeux des adoptants ou tout simplement de son
degré de visibilité. Ce qui détermine en même temps
les facteurs favorisant ou limitant l'implantation d'une innovation dans un
système social donné.
Figure 4 : Modele des cinq procedures d'adoption d'une
innovation
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