3. Exception de compte-rendu d'actualité
Enfin, Google invoque une dernière exception:
l'exception de compte-rendu d'actualité figurant à l'article 22,
§1er de la loi du 30 juin 1994 qui énonce que lorsqu'une oeuvre est
publiée, l'auteur de celle-ci ne peut en interdire la reproduction de
courts fragments à l'occasion d'un compte-rendu de l'actualité.
Toutefois, cette reproduction doit être justifiée par un but
d'information.
La réponse du tribunal se fait en deux temps; tout
d'abord il rappelle que Google a décrit son service Google
Actualités comme un moteur de recherches dans ses
précédentes conclusions et qu'il se contente donc de recenser les
titres et les articles sans en faire de commentaires ni de critiques. Ensuite,
le Président du tribunal estime que cette exception qui figure à
l'article 22§1er de la loi sur le droit d'auteur a pour but de permettre
aux média de réagir rapidement à
l'actualité20. Google admet lui-même recenser les
informations auprès de 500 sources différentes, et dont la
démarche consiste à répertorier et à mettre
à jour ces informations toutes les 15 minutes. Le tribunal constate
donc, très justement, que les informations que Google diffuse ne cadre
pas avec cette exception et qu'il se doit "d'obtenir, au préalable,
l'accord des éditeurs de sites sur lesquels sont collectées
lesdites informations"21.
Dans la mesure où aucun travail de fond n'est
effectué par Google lors de ce recensement, celui-ci ne peut se
prévaloir de l'exception de compte-rendu de l'actualité et doit
donc, pour utiliser les articles de presse, demander l'autorisation
préalable des éditeurs de sites sur lesquels ces informations
sont puisées.
18 O. C. LEFEVRE, note sous Civ. Bruxelles (cess), 13
février 2007, précité, p.251.
19 Le nouveau Petit Robert, Dictionnaire Le Robert,
Paris, 1993, p.1980.
20 Civ. Bruxelles (cess.), 13 février 2007,
précité, p.237 qui cite: .A.BERENBOOM, op. cit.,
p.131;
T.VERBIEST, "Entre bonnes et mauvaises
références, à propos des outils de recherche sur
internet", A.&M., 1999, p.42; S.HOEBEKE et B. MOUFFE, "Le droit de la
presse",Bruxelles, Bruylant, 2000, p.191.
21 Civ. Bruxelles (cess), 13 février 2007,
précité, p.238.
Le tribunal souligne ici un aspect très important: les
droits d'auteurs ne sont pas fondés sur une clause "d'opt-out" mais bien
sur une clause "d'opt-in". Cela signifie que le titulaire doit donner une
autorisation préalable à l'exploitation de son oeuvre (opt-in),
et non pas, comme le suggérait Google, notifier son opposition
après que son oeuvre a été utilisé
(opt-out)22 D'après le tribunal, "le droit d'auteur n'est
pas un droit d'opposition, mais un droit d'autorisation
préalable"23. Il rejette l'argument de Google qui
soutient que les éditeurs peuvent paramétrer leurs sites afin
qu'ils ne soient plus indexés par les "robots de Google" et qu'en ne le
faisant pas, ils donnent explicitement, ou du moins implicitement
l'autorisation à Google de référencer leurs pages web. Le
tribunal contredit cette affirmation et décide que Google ne pouvait
soutenir ce raisonnement, a fortiori si il ne se limitait pas à
référencer les pages web mais en reproduisait une partie du
contenu.
Cette décision est donc importante car tous les sites
de référencement seront concernés par cette clause
"d'opt-in", et devront veiller, à chaque fois, à obtenir
l'autorisation préalable du titulaire de l'oeuvre pour l'exploiter.
Google Actualités n'est pas le seul site d'actualités à
fonctionner de cette manière. Les autres sites similaires tels que
Yahoo! Actualités ou MSN Actualités devront donc à
l'avenir respecter cette demande d'autorisation préalable.
c) Les droits moraux
En ce qui concerne les droits moraux des auteurs des articles
de journaux, Google y porterait atteinte, au droit de paternité en
particulier, dans la mesure où il divulguerait des oeuvres
protégées sans autorisation ainsi et omettrait de mentionner le
noms des auteurs des textes qu'il exploite.
Examinant la question du droit de divulgation, le tribunal de
Bruxelles estime que l'hypothèse est différente de celle de
l'arrêt "Central Station"24. Cette affaire opposait une
société, Central Station, à des écrivains
journalistes. La société Central Station avait pris des accords
avec différents éditeurs belges afin de diffuser via internet des
articles de journaux. Les journalistes ne voyaient pas leur nom figurer sous
ces articles et n'étaient pas rémunérés pour cette
diffusion supplémentaire. La Cour d'appel de Bruxelles a estimé
qu'il existait une violation du droit de paternité des journalistes dont
les noms n'apparaissaient pas sous les articles diffusés par la
société Central Station.
Dans le cas présent, puisque les articles sont
déjà publiés sur le web par les éditeurs, le
tribunal estime qu'il n'y a pas d'atteinte au droit de divulgation.
D'autre part, concernant l'atteinte à
l'intégrité de l'oeuvre, Google opère une "amputation"
des textes et regroupe les différents extraits d'articles selon des
thématiques, sans se soucier de la philosophie ou de la ligne
éditoriale de la source. Il porte ainsi préjudice à
l'intégrité de
22 A. STROWEL, "Google et les nouveaux services en
ligne: quels effets sur l'économie des contenus,
quels défis pour la propriété
intellectuelle?", op. cit. p.37.
23 Civ. Bruxelles (cess), 13 février 2007,
précité, p.240.
24 Civ. Bruxelles, 16 octobre 1996,
précité, p.426.
l'oeuvre. De plus, en omettant de mentionner le nom de
l'auteur, Google porte aussi atteinte au droit de paternité de
l'oeuvre25
Sur base de l'ensemble de ces éléments, le
tribunal condamne Google à retirer de son site Google Actualités
tous les articles et les autorisations des éditeurs belges
représenté par Copiepresse26.
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