Section II: La persistance de la tradition.
Dans nos sociétés certaines traditions frappent
d'interdit des actes, des objets ou même des êtres auxquels elles
confèrent un caractère sacré ou impur.
Ces interdits communément appelés totems sont
issus d'alliance ou de solidarité ayant existé entre les
ancêtres d'une famille, d'un clan et un objet ou animal particulier.
L'observation de ces interdits, est censée préserver des effets
néfastes qui frapperaient tout contrevenant.
Les pratiques individuelles et sociales qu'impose
l'observation des tabous sont donc des comportements culturellement
caractéristiques. Psychologiquement elles sécurisent et sont
vécues par ceux qui s'adonnent comme des valeurs culturelles.
Pourtant si les tabous dans certains de leurs aspects peuvent
ralentir notre processus de développement avec leur caractère
souvent réfractaire au changement, ils ne constituent pas pour autant,
un problème insurmontable pour la construction d'une modernité
inclusive à la fois de valeurs traditionnelles positives et de
connaissances scientifiques et technologiques modernes.
En tout cas faut-il le reconnaître les tabous sont des
phénomènes socioreligieux qui existent toujours dans une
société, quel que soit son degré de développement.
Il y a toujours dans l'inconscient collectif, affirme-t-on, des interdits et
des comportements irrationnels qui provoquent des blocages collectifs ou
individuels.
C'est pourquoi, même dans notre société
moderne, le tabou de la malédiction est une donnée fondamentale
de notre culture. Elle consacre par exemple le sacro-saint principe selon
lequel « qui délaisse ses parents, sera
délaissé à son tour par ses enfants ».
Les tabous résistent donc à la modernité,
mais ils subissent en même temps l'effet de celle-ci. En effet, dans les
centres urbains et dans les milieux des instruits et des expatriés, les
gens croient de moins en moins aux tabous qui ne sont, que partiellement
définis et « négativisés »
par l'occident et ses disciples africains; et donc le tabou est une lecture
méprisante et culpabilisante de notre société par les
instruits. Certains tabous peuvent tomber, mais, ils sont toujours
remplacés par de nouveaux. Il n'y a pas cependant que les tabous qui
soient source de blocage culturel, le Dogon moderne rencontre aussi dans des
domaines du mariage et de la promotion de la femme de vieux réflexes
culturels qui ont encore la vie dure.
La persistance de la tradition est imputable à l'Etat
et plus précisément à deux situations majeures
successivement l'inadaptation des textes (Paragraphe I) et nous
estimons qu'il faut passer de la théorie à l'acte en faisant de
l'adage ``nul n'est sensé ignorer la loi'' une réalité
(Paragraphe II).
Paragraphe I: L'inadaptation des textes.
S'il y a dérogation aux lois et règlements du
fait de la pratique des religions traditionnelles et de l'existence de
l'autorité des chefs religieux traditionnels il n'en est rien qu'une
certaine méconnaissance des textes.
La théorie selon laquelle toute loi est supposée
connue après publication et l'adage qui s'en suit: « Nemo
censetur ignorare legem » qui signifie « nul n'est
sensé ignorer la loi » n'est pas effective car pratiquement
dans ces sociétés traditionnelles le pouvoir étatique est
sous représenté ce qui soutient la thèse de l'inaction
voire même de l'absence de certains services de l'Etat.
Par ailleurs cette théorie est paradoxale dans la
mesure où une très large partie des citoyens maliens sont,
analphabètes, et simultanément on (l'Etat) prend des
dispositions, on vote des lois au nom des citoyens, mais on ne les explique
pratiquement guère le sens ou le contenu de ces lois, pourtant ils sont
un des premiers concernés, c'est regrettable comme situation.
La coutume est un droit populaire et ce droit est né du
peuple lui-même et c'est son usage qui devient le droit tandis que la loi
est formulée par les seuls gouvernants et imposée par eux issu du
peuple lui-même.
Le droit coutumier est exactement ce qui convient à sa
nature et répond à ses besoins, il se modifie quand ses besoins
se modifient car l'usage change alors la loi au contraire n'évolue pas
en même temps que la société elle, est souvent en retard et
quand une reforme intervient elle arrive parfois trop tard et se heurte
à l'opinion.
C'est pourquoi il n'est pas étonnant de voir des textes
ou lois votées, mettre des années à s'appliquer car, ne
suivant pas l'évolution sociale. Donc il sera judicieux de
reconnaître que cette règle est loin sans contenir des exceptions
à que la précision de ses termes.
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