Section II: L'autorité des chefs religieux dans
un contexte intercommunautaire démocratique.
Les chefs religieux traditionnels jouissent d'une
renommée et d'une autorité, non négligeables au sein de
leur communauté et ont au moins deux casquettes : d'abord
représentants des populations et ensuite auxiliaires de
l'administration.
Principalement un domaine nous semble être le mieux
indiqué pour expliquer la nécessité de l'autorité
traditionnelle dans ce monde plus que jamais dominé pour la
modernité et marqué par une fuite incessante vers l'avant
à savoir le domaine de la décentralisation dans un
premier paragraphe et pour compléter cette section,
l'important nous semble être de savoir ou de mettre l'accent sur les avis
des populations dogons sur l'autorité de leurs chefs religieux dans un
second paragraphe.
Paragraphe I: Dans le domaine de la
décentralisation.
Les chefs traditionnels ont beaucoup d'appréhensions
par rapport à ce sujet ou domaine dit de la décentralisation.
Leurs craintes sont relatives à la perte de pouvoir, de
légitimité, de territoires qu'engendrent la communalisation, en
tout cas le morcellement des territoires en centres décentralisés
de plus en plus nombreux et qui se dotent d'une certaine autonomie
vis-à-vis des premiers
Depuis l'avènement du processus démocratique et
l'émergence de nouveaux acteurs sur l'arène locale, leur pouvoir
a considérablement diminué, ce qui justifie leurs
craintes :
- Certains de leurs administrés sont devenus des
militants des partis politiques, d'ONG, d'associations, et échappent
ainsi à leur contrôle ;
- L'administration locale est devenue partisane, elle les
écoute de moins en moins et s'accapare certaines de leurs
prérogatives ;
- La présence d'une délégation judiciaire
et d'association de droits de l'homme offre plusieurs possibilités de
recours quant à leurs décisions en matière de
règlements de conflits ;
- Les projets de développement traitent directement
avec les populations, les ONG et Associations, alors que l'attribution des
opérations de développement était devenue, il y a quelques
années une source de légitimation pour les chefs ;
- Les députés et les autres cadres nationaux
tendent de plus en plus à se substituer à eux dans la
représentation des populations et le règlement des conflits.
Tous les nouveaux acteurs de l'arène locale se sont en
fait, établis aux dépens d'une parcelle de leur pouvoir.
Leurs relations avec les autres acteurs sont ambiguës,
faites de suspicion du foncier ou du règlement litigieux et des
attributions respectives. Il y a conflit de compétences entre les
conseils municipaux et les chefs traditionnels, d'où la
nécessité de l'adoption des textes adaptés et très
précis fixant les attributions ou compétences de tout un
chacun.
Dans des zones comme, la presque entière partie du
« pays dogon » où il y a une faible présence
de l'Etat, les structures traditionnelles ont survécu aussi bien
à la période coloniale que post-coloniale, et les gens ont
gardé leurs formes traditionnelles d'organisation sociale.
Les structures traditionnelles restent très importantes
dans l'organisation de la vie des gens au niveau local en dépit des
structures de l'Etat moderne. Les autorités traditionnelles, par
exemple, règlent la vie du village, contrôlent l'accès
à la terre, et règlent les conflits.
L'existence des autorités traditionnelles signifie que
la décentralisation ne se fait pas dans le vide. L'expérience
récente a montré que pour réussir la
décentralisation il faut tenir compte des structures traditionnelles
existantes. Bien que l'opinion répandue a été qu'elles
sont un fardeau historique sur la route de la modernité, il est
maintenant largement reconnu que pour beaucoup de gens, les structures
traditionnelles sont souvent plus légitimes que l'Etat moderne.
Dans beaucoup de cas, les gens acceptent les structures
traditionnelles en raison des échecs du gouvernement central à
mettre en place des structures fonctionnelles au niveau local. Se fier aux
normes et aux règles traditionnelles est non seulement
compréhensible mais également tout à fait raisonnable
particulièrement lorsqu'il n'y a aucune meilleure alternative.
Si l'Etat ne peut pas améliorer de façon
significative la vie des gens au quotidien, il n'est pas surprenant que les
gens continuent à vivre selon leurs structures et leurs règles
traditionnelles sans trop faire attention au gouvernement central.
En ôtant tout pouvoir réel de décision aux
autorités traditionnelles, la décentralisation marque une rupture
avec l'ordre ancien. L'organisation harmonieuse du pouvoir de décision
entre les autorités communales désignées par la loi et les
autorités traditionnelles aurait du être une des
originalités de la décentralisation au Mali.
La non implication effective des autorités
traditionnelles dans l'exercice du pouvoir a abouti à un
``déficit de conscience citoyenne'' car dans la plupart des cas,
l'autorité communale traite directement avec le citoyen sans se
référer à son chef traditionnel qui a un ascendant sur
lui. Il convient de noter que les difficultés de mobilisation
actuellement constatées et la faiblesse de recouvrement des taxes sont
en partie liées à cette situation.
Dès lors, il importe de réhabiliter les chefs
traditionnels afin qu'elles puissent mieux jouer leur rôle dans la mise
en oeuvre du processus de décentralisation.
Mais les chefs religieux traditionnels gardent une
capacité de nuisance, notamment en tant que garants des valeurs
traditionnelles et sont incontournables dans la résolution des conflits.
Il ne fait aucun doute que ces dits chefs ont perdu leur influence d'antan au
profit des nouveaux leaders politiques.
Mais toujours est-il qu'ils ont gardé le monopole du
pouvoir coutumier aux mains des grandes familles régnantes actuelles et
de leurs descendants.
Egalement ces chefs tout en se maintenant plus ou moins sur le
terrain politique, opèrent un glissement vers le
développement.
En effet, ceux-ci sont de plus en plus sollicités dans
le cadre de la sensibilisation des populations.
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