Section I: La primauté des règles
commerciales
En cas de contradiction entre une règle commerciale et
un AEM quel organe est compétent pour trancher le litige ?
Supposons qu'un différend commercial surgisse parce
qu'un pays a pris une mesure affectant le commerce (imposition d'une taxe ou
restriction des importations, par exemple) au titre d'un accord
environnemental, en dehors du système de l'OMC, et qu'un autre pays s'y
oppose. Le différend devrait-il être examiné à l'OMC
ou dans le cadre de l'autre accord?
Selon le Comité du commerce et de l'environnement, s'il
y a différend au sujet d'une mesure commerciale prise au titre d'un
accord environnemental et si les deux parties au différend ont
signé cet accord, celles-ci devraient recourir aux dispositions de cet
accord pour régler le différend. Par contre, si l'une d'elles n'a
pas signé l'accord environnemental, la seule instance pouvant
connaître du différend est alors
l'OMC(24).
Nous allons étudier dans un premier paragraphe les
attributions de l'ORD pour ensuite examiner dans un second paragraphe sa
philosophie sur la protection de l'environnement à
24 Organisation mondiale du commerce : comprendre l'OMC
Troisième édition Précédemment publiée sous
le titre «Un commerce ouvert sur l'avenir» Septembre 2003,
révisé en février 2007
travers quelques différends mettant au prise protection de
l'environnement et commerce qu'il a eus à trancher.
Paragraphe I: L'organe de règlement des
différends (ORB)
Nous allons tout d'abord étudier l'organisation de l'ORD
(A), pour ensuite examiner son fonctionnement (B)
A Organisation
1 Présentation du mécanisme de
règlement des différends
Le règlement des différends constitue la clef de
voûte du système commercial multilatéral et la contribution
sans précédent de l'OMC à la stabilité de
l'économie mondiale. Sans un moyen de régler les
différends, le système fondé sur les règles ne
serait d'aucune utilité car les règles ne pourraient pas
être appliquées. La procédure de l'OMC consacre le
règne du droit et permet de rendre le système commercial plus
sûr et plus prévisible. Le système est fondé sur des
règles clairement définies, assorties d'un calendrier pour
l'examen d'une affaire. Les décisions initiales sont rendues par un
groupe spécial et approuvées (ou rejetées) par l'ensemble
des membres de l'ORD. Il est possible de faire appel sur les points de
droit.
Cependant, il ne s'agit pas de rendre un jugement mais, en
priorité, de régler les différends, si possible par voie
de consultations. En juillet 2005, environ 130 seulement des 332 affaires
avaient atteint le stade de la procédure de groupe spécial
complète. La plupart des autres ont été notifiées
comme ayant été réglées à l'amiable ou
restent au stade de la phase de consultation prolongée, depuis 1995 pour
certaines.
Une procédure de règlement des différends
existait dans le cadre de l'ancien GATT, mais il n'y avait aucun calendrier
établi, il était plus facile de bloquer les décisions et
beaucoup d'affaires traînaient en longueur sans arriver à une
solution. Le Mémorandum d'accord issu du Cycle d'Uruguay a mis en place
un processus plus structuré, dont les étapes sont plus clairement
définies. Il établit une discipline plus rigoureuse quant au
délai imparti pour le règlement d'une affaire ainsi que des
échéances flexibles pour les différentes étapes de
la procédure. Il souligne qu'un règlement rapide est
indispensable au bon fonctionnement de l'OMC.
2 Composition et règles de conduites des
membres
L'ORD est composé de représentants de tous les
membres. Il s'agit de représentants de gouvernements le plus souvent des
diplomates en poste à Genève, relevant du ministère du
commerce ou du ministère des affaires étrangères. Il
contrôle l'application et l'efficacité des procédures de
règlement des différends au titre de tous les accords de l'OMC,
ainsi que l'exécution des décisions rendues par l'OMC dans ce
cadre. Par conséquent, l'article 2.1 du Mémorandum d'accord donne
à l'ORD « le pouvoir d'établir des groupes spéciaux,
d'adopter les rapports des groupes spéciaux et de l'Organe d'appel,
d'assurer la surveillance et la mise en oeuvre des décisions et
recommandations, d'autoriser la suspension des concessions et d'autres
obligations résultant des accords visés. L'ORD a également
adopté des règles de conduite relatives au Mémorandum
d'accord destinées à garantir l'intégrité,
l'impartialité et la confidentialité du système de
règlement des différends. Ces règles de conduite
s'appliquent à toutes les «personnes visées» qui
comprennent les membres de groupes spéciaux, les membres de l'Organe
d'appel, les experts qui prêtent leur concours aux groupes
spéciaux, les arbitres, les membres de l'Organe de supervision des
textiles, et le personnel du Secrétariat de l'OMC et du
secrétariat de l'Organe d'appel. Ainsi, «les personnes
visées» se doivent d'être
indépendantes et impartiales, d'éviter les
conflits d'intérêts directs ou indirects et de respecter la
confidentialité des procédures de règlement des
différends. En particulier, toute personne visée doit
déclarer l'existence ou l'apparition de tout intérêt,
relation ou sujet dont on pourrait raisonnablement s'attendre qu'il soit connu
d'elle et qui est susceptible d'influer sur son indépendance ou son
impartialité ou de soulever des doutes sérieux sur celles-ci.
Elle est notamment tenue de communiquer des renseignements sur les
intérêts financiers, professionnels et autres
intérêts actifs ainsi que sur les prises de position personnelles
et l'emploi ou les intérêts familiaux. Les recours sont
portées devant une instance permanente créée en 1994:
l'Organe d'appel. Les décisions obligatoires et contraignantes pour tous
les membres. Toute décision finale de l'Organe d'appel ne peut
être annulée que par une décision unanime de l'ORD. En
effet, au titre de l'article 2.4, la règle générale veut
que l'ORD prenne ses décisions par consensus c'est-à-dire,
lorsqu' aucun membre présent à la réunion ne s'oppose
formellement à la décision proposée.
B Fonctionnement
Le système de règlement des différends
est de nature sui generis car il s'agit d'une procédure à
mi-chemin entre la négociation diplomatique et le règlement
juridictionnel dont les principales étapes sont:
1 L'établissement du groupe
spécial
- Première étape: les consultations
(jusqu'à 60 jours). Avant de prendre d'autres mesures, les
parties au différend doivent discuter entre elles pour savoir si elles
peuvent arriver à s'entendre. Si ces discussions n'aboutissent pas,
elles peuvent aussi demander au Directeur général de l'OMC
d'intervenir comme médiateur ou de toute autre manière.
- Deuxième étape: le groupe
spécial (le délai prévu pour
l'établissement d'un groupe spécial est de 45 jours et le groupe
a six mois pour achever ses travaux). Si les consultations n'aboutissent pas,
le pays plaignant peut demander l'établissement d'un groupe
spécial. Le pays incriminé peut l'empêcher une
première fois, mais lors d'une deuxième réunion de
l'Organe de règlement des différends (ORD), il n'est plus
possible d'y faire opposition (sauf s'il y a consensus contre
l'établissement du groupe spécial). Le groupe spécial a
officiellement pour tâche d'aider l'ORD à énoncer des
décisions ou recommandations, mais comme son rapport ne peut être
rejeté que par consensus à l'ORD, il est difficile d'infirmer ses
conclusions. Les constatations du groupe doivent être fondées sur
les accords invoqués. Le rapport final du groupe spécial doit en
principe être communiqué aux parties au différend dans un
délai de six mois. En cas d'urgence, notamment lorsqu'il s'agit de
produits périssables, ce délai est ramené à trois
mois. Le Mémorandum d'accord énonce en détail les
procédures de travail des groupes spéciaux. Les principales
étapes sont les suivantes:
2 Procédures de travail des groupes
spéciaux
- Avant la première réunion:
chaque partie au différend expose par écrit au groupe
spécial ses arguments.
- Première réunion -- les arguments du
plaignant et ceux de la défense: le ou les pays plaignants, le
pays défendeur, et ceux qui ont déclaré avoir un
intérêt dans le différend, présentent leurs
arguments à la première réunion du groupe
spécial.
- Réfutations: les pays concernés
présentent des réfutations écrites et des arguments oraux
à la deuxième réunion du groupe spécial.
- Experts: si une partie soulève des
questions de caractère scientifique ou technique, le groupe
spécial peut consulter des experts ou désigner un groupe
d'experts chargé d'établir un rapport consultatif.
- Avant-projet de rapport: le groupe
spécial remet aux deux parties les sections descriptives
(éléments factuels et arguments) de son projet de rapport et leur
donne un délai de deux semaines pour présenter leurs
observations. Ce rapport ne contient pas les constatations et conclusions.
- Rapport intérimaire: Le groupe
spécial soumet ensuite un rapport intérimaire comprenant ses
constatations et conclusions aux deux parties, qui disposent d'un délai
d'une semaine pour demander un réexamen.
- Réexamen: La phase de
réexamen ne doit pas dépasser deux semaines. Pendant cette
période, le groupe spécial peut tenir d'autres réunions
avec les deux parties.
- Rapport final: Un rapport final est
transmis aux deux parties et, trois semaines plus tard, il est distribué
à tous les membres de l'OMC. Si le groupe spécial conclut que la
mesure commerciale incriminée est effectivement contraire à un
Accord de l'OMC ou à une obligation dans le cadre de l'OMC, il
recommande que la mesure soit rendue conforme aux règles de l'OMC. Il
peut suggérer comment procéder à cette fin.
- Le rapport devient une décision: Le
rapport devient, dans les 60 jours suivants, une décision ou
recommandation de l'Organe de règlement des différends, à
moins qu'il n'y ait consensus pour le rejeter. Les deux parties peuvent faire
appel du rapport (et il est arrivé qu'elles le fassent l'une et
l'autre).
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