Paragraphe II: la nécessité de la mise en
oeuvre au plan national
Parce qu'ils agissent comme des normes de structure du droit de
l'environnement, les principes orientent l'action du législateur.
Comme le sextant, ils le guident au cours de sa
traversée, ils lui balisent la voie à suivre, ils tracent le
cadre dans lequel il doit agir.
C'est à lui qu'il revient de donner vie aux principes
consacrés dans les législations générales, en les
mettant concrètement en oeuvre par le biais des législations
spéciales les principes. En quelque sorte, ils seront pour lui un guide
d'orientation, "de bonnes pratiques
environnementales"(20)
16 Loi n 95-101 du 2 février 1995. Relative au
renforcement de la protection de l'environnement France
17 P. LASCOUMES `' Le droit de l'environnement en
révolution» Libération, 21 mars 1995, p
18 Cette critique est également adressée aux
principes généraux du droit. Cf. G. MORANGE, `' Une
catégorie juridique ambiguë : les principes généraux
du droit», R.D.P., 1977, p. 761
19 Voy. De telles critiques ont déjà
été formulées à propos d'autres branches du droit.
En ce qui concerne les principes du droit du travail, Voy Fr. RIGAUX,
introduction à la sciences du droit, Voy. Ph GERARD, Droit,
égalité et idéologie, op. cit., p. 383 à 434..
20 J. de MALAFOSSE, `'Les principes généraux du
droit de l'environnement», in Mélanges L. BOYER, Faculté de
droit de Toulouse, 1996, p. 6.
Enoncés par le législateur, les principes
présentent toutefois une fragilité certaine. Même en
étant consacrés dans une loi-cadre, ils ne sont jamais à
l'abri des lois et des majorités de circonstance.
Rien n'empêche, en effet, au législateur de
modifier les dispositions antérieures. Les principes législatifs
pourraient ainsi être constamment contredit par la kyrielle de
législations sectorielles qui caractérise le droit de
l'environnement.
Les normes environnementales, en particulier celles
appliquées aux biens commercialisés, sont à la base de la
plupart des mesures nationales et d'une importance capitale en ce qui concerne
les relations entre le commerce et l'environnement. Il existe un grand nombre
de catégories de normes environnementales applicables tout au long du
cycle d'un produit: de l'extraction des matières premières
à la fabrication, au conditionnement, au transport, au commerce de gros,
à la vente au détail, à l'utilisation et à
l'élimination.
A Normes de qualité et
d'émission
1 Les normes de qualité
environnementales
Elles visent à décrire l'état
souhaité de l'environnement. Elles peuvent être
spécifiées en termes d'état acceptable de la
qualité de l'air ou de l'eau, ou de concentrations maximales de
polluants spécifiques dans l'atmosphère, l'eau ou le sol. Une
approche moderne vis-à-vis des normes de qualité, qui tient
compte de l'accumulation de substances nocives dans le milieu naturel, est
celle du concept de « charges critiques », c'est-à-dire de
niveaux de dépôts de plusieurs polluants au-dessous desquels il ne
se produit pas d'effets nocifs appréciables sur des
éléments sensibles déterminés de l'environnement.
Les normes de qualité peuvent aussi prendre la forme de normes de
population, nécessitant la protection des espèces menacées
ou en danger.
En France le législateur en s'appuyant sur le principe
de prévention a instauré un dispositif imposant à
l'État, avec le concours des collectivités territoriales
d'assurer la surveillance de la qualité de l'air et de ses effets sur la
santé et l'environnement (L 221-1
c.env.)(21), la coordination technique étant
assurée par l'ADEME. Les critères de référence
fixés après avis de l'agence française de
sécurité sanitaire environnementale.
Le système repose sur des objectifs de qualité
de l'air, des seuils d'alerte et des valeurs limites (dont les
définitions sont précisées à l'article L 221-1-II
c. env) (22), par référence aux
critères de l'Union européenne et de l'OMS.
Les objectifs de qualité constituent un niveau de
concentration de substances polluantes dans l'atmosphère, fixés
sur la base de connaissances scientifiques, dans le but d'éviter, de
prévenir ou de réduire des effets nocifs de ces substances sur la
santé humaine et sur l'environnement. Les seuils d'alerte sont un niveau
de concentration des substances polluantes dans l'atmosphère
au-delà duquel une exposition de courte durée présente un
risque pour la santé humaine ou la dégradation de
l'environnement.
Les valeurs limites sont un niveau maximal de concentration de
substances polluantes dans l'atmosphère, fixé sur la base de
connaissances scientifiques, dans le but d'éviter, de prévenir ou
de réduire les effets nocifs de ces substances pour la santé
humaine ou pour l'environnement.
21 Code de l'environnement, Dalloz
22 idem
2 Les normes d'émission
Elles fixent la quantité de certaines substances que
des installations sont autorisées à émettre. Il s'agit
souvent de normes dynamiques, nécessitant d'utiliser les meilleures
technologies disponibles. Les normes d'émission peuvent avoir un effet
considérable sur les processus de production, étant donné
qu'il est généralement moins coûteux d'éviter de
produire des polluants que de les recueillir en fin de processus de production,
en créant ainsi un flux de déchets, devant être
géré à son tour.
Elles ont pour objet de spécifier la quantité de
polluants, ou leur concentration dans les effluents, pouvant être
rejetée par une source donnée. Souvent le milieu est
déterminé : eaux de surface ou eaux marines, air.
L'émission de substances polluantes peut être
mesurée par unité de temps, autrement dit pendant une
période déterminée, ou au cours d'une opération
donnée. En règle générale les normes
d'émission s'appliquent à des installations fixes comme les
usines ou les foyer domestiques, les sources mobiles de pollution tombant dans
la catégorie visée par les normes de produit. Les normes
d'émissions établissent des obligations de résultats,
laissant au pollueur le libre choix des moyens pour se conformer à la
norme. C'est ainsi qu'une usine de pâte à papier pourra opter pour
l'installation d'un dispositif d'épuration des eaux ou pour un
changement de processus de production. Les normes d'émissions sont
susceptibles de comporter des variations selon les zones, selon le nombre de
pollueurs et selon la capacité d'absorption du milieu. Elles peuvent
varier dans le temps et être momentanément renforcées en
cas d'alerte. Ainsi les mesures limitants les émissions de fumées
qui contiennent du dioxyde de souffre peuvent être rendues plus
astreignante en cas de brouillard persistant.
B Normes de produit et les procédés et
méthodes de production
1 Les normes de produit
Les normes de produit tendent à fixer soit les
propriétés physiques ou chimiques d'un produit, comme un produit
pharmaceutique ou une lessive, soit les règles concernant le
conditionnement, l'emballage ou la présentation d'un produit, notamment
les produits toxiques soit, enfin, les limites aux émissions polluantes
que ce produit est susceptible de dégager au cours de son utilisation,
cas trop bien connu des gaz d'échappement de véhicules à
moteur. En fait ces normes correspondent souvent à la normalisation des
produits, fréquemment utilisée en matière industrielle
dans des buts économiques ou correspondant au souci de préserver
la santé humaine. Les réglementions en matière de produits
peuvent prendre des formes diverses : la norme spécifie la composition
ou les émissions d'un produit (respectivement substances chimiques et
véhicules à moteur ou engins de chantier), elle peut
également se présenter sous la forme d'une liste de substances
dont l'emploi est interdit dans certains produits (pesticides contenant du
mercure pour protéger les semences).
Des normes peuvent aussi être préconisées
par des codes de bonne conduite établis par des organismes
professionnels ou autres en dehors même des règles obligatoires
imposées par les autorités. Ainsi au plan international l'ISO,
organisation non gouvernementale regroupant plus d'une centaine d'organismes
nationaux, publics ou privés, a élaboré des normes qui
touchent à l'environnement. En particulier la série de normes
14000 concerne la gestion de l'environnement et prévoit l'audit
environnemental, le suivi des produits pendant toute leur existence et l'octroi
d'un label environnemental(23)
23 A.KISS et J.P. BEURIER, Droit international de
l'environnement, Etudes internationales, Pedone, Paris, 2004, op, cit., p 154 ,
155
2 Les normes fondées sur les
procédés et méthodes de production (PMP)
Un procédé ou une méthode de production
est la manière dont est fabriqué un produit. Beaucoup de produits
passent par un certain nombre d'étapes, et donc par un certain nombre de
PMP, avant d'être commercialisables. Par exemple la production de papier
passe par la pousse et l'abattage des arbres, la transformation du bois, bien
souvent le blanchissement de la pâte et bois et ainsi de suite. Ces
divers procédés ont des incidences diverses sur l'environnement:
atteinte à la biodiversité, pollution des cours d'eau,
dégradation de la qualité de l'air, etc.
Sur le plan de la protection de l'environnement, les normes
PMP répondent à une préoccupation
élémentaire en terme d'efficacité: les industries doivent
produire selon certains procédés moins polluants, les producteurs
de bois doivent respecter les règles de coupes pour éviter la
surexploitation, les entreprises minières doivent respecter des normes
pour le traitement de leurs déchets et restaurer les sites
exploités, etc. Toutes ces normes peuvent apparaître dans les
législations nationales avec des objectifs précis relatifs
à la santé humaine, la sécurité et, de
manière générale aux conditions de vie et à la
protection de l'environnement humain et naturel. Elles sont
généralement constituées d'interdictions ou de
restrictions aux échanges, de sanctions commerciales, de tarifs
douaniers, d'ajustement fiscaux aux frontières, de droits compensateurs
et d' éco labels obligatoires.
Chapitre II: Les conditions de mise en oeuvre des
normes environnementales et commerciales
L'efficacité d'une norme est déterminée
en fonction de sa mise en oeuvre effective. Les normes environnementale et
commerciale présentent une certaine différence concernant
l'application et les sanctions en cas d'inobservation des règles.
Ainsi les règles du commerce international à
raison de leur application strict se caractérisent par une certaine
primauté par rapport à celles de la protection de l'environnement
(section I) et la difficile mise application des conventions environnementales
dénote une faiblesse (section II)
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