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Protection de l'environnement et commerce international

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par Cheick Oumar TOURE
Université de Limoges - Master droit international et comparé de l'environnement 2008
  

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Chapitre II: Les conditions d'une réelle convergence

L'atteinte d'une réelle convergence entre politique environnementale et commerciale nécessite la prise en compte du développement durable (section I) et une meilleure intégration des différentes politiques (section II)

Section I: Les exigences du développement durable

La Commission Brundtland a défini le développement durable comme un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la possibilité pour les générations futures de satisfaire les leurs. Plus précisément elle a déclaré que le développement durable ... est un processus d'évolution durant laquelle l'exploitation des ressources, l'orientation des investissements, l'avancement du développement technologiques et les transformations institutionnelles sont conformes à nos besoins aussi bien futurs que présents.

Nous étudierons successivement la dimension environnementale (paragraphe I) et la dimension éthique (paragraphe II)

Paragraphe I: En terme environnemental

La dimension environnementale du développement durable est mis en oeuvre à travers une gestion durable des ressources et des milieux (A) et la recherche de meilleures politiques environnementales (B).

A Gestion durable

1 Equité intergénérationnelle

Une dimension d'équité est reconnue en droit international depuis l'époque de Grotius(72) et celle-ci a fourni la base pour le développement de la doctrine d'équité intergénérationnelle. Il faut noter que cette doctrine n'est pas d'application exclusive au droit de l'environnement.(73)

Cette doctrine cherche à fusionner deux concepts soit, l'anticipation puis la création de normes afin d'assurer un traitement équitable entre les générations sur une foule de questions internationales, dont les questions environnementales.

72 W. WHEWALL(ed.), Grotius on the Rights of War and Peace, (Cambridge: John W. Parker, 1853) Book III, voir le chapitre XVI.

73 Les ressources naturelles de la terre appartiennent tous, pour être utilisées en commun, et être respectées, nous enseigne la tradition aborigène. Quant a la tradition islamique, elle considère que l'homme a hérité des ressources culturelles et naturelles de la terre. L'utilisation de ces ressources est un droit et un privilège partagés par tous de façon intergénérationnelle. Sur la tradition aborigène, voir J. FADDEN, The Great Law of Peace - The Longhouse Peoples, (New York: Onchiota Inc., 1977). Sur la tradition islamique voir IUCN, lslamic Principles For the Conservation of the Natural Environment, (1983).

Ce souci de préserver les droits des générations futures est d'ailleurs présent dans toutes sortes d'instruments notamment dans le préambule de la Charte des Nations Unies(74) dans la Charte des droits et devoirs économiques des Etats(75), la Déclaration de Stockholm,(76) la Convention de l'Unesco sur la protection du patrimoine culturel et naturel du monde(77).

De plus, l'Assemblée Générale des Nations Unies par l'adoption de sa Résolution sur la responsabilité historique des États pour la protection de la nature pour le bénéfice des générations présentes et futures,(78) exhorte les Etats à reconnaître l'importance fondamentale de la préservation de la nature pour le bénéfice des générations présentes et futures.

La proposition de départ de cette approche est que la planète et son patrimoine culturel et naturel constituent un bien commun partagé par chaque génération, à la fois en tant qu'utilisateur et conservateur de ce patrimoine. Ceci implique une obligation morale des États de se porter garants de la conservation des éléments vitaux de la planète : l'air, l'atmosphère, la couche d'ozone, les ressources culturelles, naturelles, les conditions de la biosphère et de toutes les ressources essentielles à la vie sur la planète, pour les générations présentes et futures.

L'application de la doctrine d'équité intergénérationnelle en droit international de l'environnement ne crée pas en elle-même d'obligations juridiques ou de droits,(79) mais elle peut conduire à l'élaboration d'un système de droits et d'obligations planétaires(80) susceptibles de se muer en normes juridiques exécutoires ou même impératives dans la mesure ou ces obligations seraient considérées comme fondamentales. Un tel système de droits et d'obligations pourrait permettre éventuellement d'assurer la protection de l'intégrité de l'environnement au moyen d'une obligation directe de protéger l'environnement.

Mais, pour l'instant, le seul consensus formé en droit international de l'environnement porte sur la reconnaissance d'une responsabilité des États envers les générations futures et présentes de conserver notre planète. Mais, il s'agit surtout d'une responsabilité morale, car à ce jour, il n'existe pas d'obligations exécutoires et pas de droit d'action reconnus aux États sur le plan international pour mettre en oeuvre cette responsabilité. Toutefois, il ne fait pas de doute que

74 Charte des Nations-Unies, C.N.U.C.I.O., vol.15, p.365: (1945) R.T.Can.No.7.; son préambule prévoit: " Nous, Peuples des Nations-Unies résolus à préserver les générations futures du fléau de la guerre qui deux fois en l'espace d'une vie humaine a infligé à I'humanité d'indicibles souffrances."

75 Voir l'article 30 de la Charte des droits et devoirs économiques des Etats, Doc.Off.A.G.,29e session, supp. no. 31, p.5, I3oc.N.U. A/9631(1976)

76 Déclaration de Stockholm sur I'environnement humain de la conférence des Nations-Unies sur I'environnement humain, Doc. N.U. A/C0NF.48/14/Rev.l pp.3 à 6 (1972), reproduite à (l972)ll ILM. 1416. ciaprès la Déclaration de Stockholm., principe 2.

77 Convention de l'Unesco sur la protection du patrimoine culturel et naturel du monde, reproduite à (1972)1I.L.M. 1358. , voir 1' article 4.

78 Resolution on the Historical Responsibility of States for the Preservation of nature for present and future generations, U.N.Doc. A/RES/35/8, reproduite à (1980) 34 Year book of United Nations 725.

79 Un droit est un intérêt protégé juridiquement et toujours associé à un devoir ou une obligation. La désignation de la protection d'un intérêt, comme celle d'un droit dépend de la structure économique et sociale de la société.

80 Voir E.B. WEISS, ln Faimess to Future Generations: lnternationai Law, Commun Patrimony and lntergenerational Equity, New York, Transnational Publishers: Dobbs Ferry, 1989, la page 122.

l'équité intergénérationnelle est devenu un principe émergent en droit international de l'environnement.

2 Utilisation équitable des ressources

Ce principe joue actuellement un rôle fondamental dans le domaine des ressources naturelles partagées et jusqu'à présent il a été utilisé principalement dans le cas des rivières internationales. Élaboré en premier dans l'Affaire du Lac Lanoux,(81) il reprend, dans sa forme primitive, le principe 21 en ce qu'il établit la souveraineté de chaque Etat sur les ressources situées sur son territoire, tout en imposant l'obligation de ne pas causer de dommages à l'État voisin.

Les Règles d'Helsinki sur l'utilisation des eaux et rivières internationales de 1966,(82) ont établi la règle que seule l'utilisation la plus équitable de la ressource partagée entre plusieurs États est permise, celle-ci étant déterminée en équilibrant des facteurs prédéfinis. La souveraineté individuelle des États est ainsi limitée car la ressource partagée, la rivière ou autre source d'eau, est placée sous le régime d'une sorte de propriété commune. Il s'agit là d'une forme d'internationalisation des ressources limitant leur utilisation libre.

La Commission pour le droit international de 1991, dans un projet de principes pour la conduite des États dans l'utilisation de ressources partagées, (83) est allé encore plus loin en élaborant le critère de "l'utilisation la moins dommageable" à l'autre État, ou le critère du (no appreciable harm), comme étant le plus important.

Ce critère prévoit la préservation de ressources et s'exerce pour le bénéfice commun de l'humanité, et son application comporte un impact au-delà des générations présentes: il est de nature inter-générationnelle. Sa prémisse de base consiste en l'utilisation qui permet de tirer le bénéfice maximal de la ressource, mais tout en causant le minimum de dommages à l'autre Etat lors de ou par cette utilisation.

Bref, le principe d'utilisation équitable s'applique principalement lorsque des activités pouvant affecter l'environnement dans le domaine des ressources naturelles partagées sont entreprises, mais il pourrait évoluer en un régime à plus large échelle(84), bien qu'il n'ait pas par lui-même la vocation d'enrayer la survenance de dommages au-delà des juridictions nationales ou de contrer des habitudes de consommation néfastes et destructives.

81 Affaire du Lac Lanoux, (Espagne c. France), (1957) 12 R.I.A.A. 281.

82 Règles d'Helsinki sur l'utilisation des eaux et rivières internationale de 1966, (Helsinki Rules on the Uses of the Waters of international Rivera as approved by the International Law Association at its Fifty-second Conference at Helsinki 1966, Report of the Committee on the Uses of international Rivers (London: International Law Association) 1967. 56p.

83 Principes de conduite dans le domaine de l'environnement en matière de conservation et d'utilisation harmonieuse des ressources naturelles partagées par deux ou plusieurs États. Nairobi, 19 Mai 1978, Doc-N.U. P.N.U.E/IG12/2 (1978), reproduit a (1978) 17 ILM. 1097. L'Assembée Générale des Nations Unies a demandé que ces directives et recommandations soient utilisées dans la formulation de conventions bilatérales ou multilatérales concernant les ressources naturelles d'une façon à favoriser et non pas affecter le développement et les intérêts des pays, en particulier les intérêts des pays en voie de développement.

84 C'était I'hypothèse soutenue par E. KIRK dans: The Changing face of Sovereignty in international Environmental Law, Master thesis, University of British Columbia, 1994.

Quelques auteurs l'ont classé parmi les principes de droit coutumier, ou même, parmi les normes impératives du droit international,(85) notamment vu sa large acceptation et son importance pour préserver le bon voisinage et les relations pacifiques entre les États ayant des droits sur des ressources communes. Toutefois, ce principe a besoin d'être appuyé par des principes complémentaires, comme l'équité intergénérationnelle, le principe de précaution, le principe d'intérêt commun de l'humanité.

B La recherche de meilleures politiques environnementales

1 Etude d'impact environnementale

Cette obligation de plus en plus largement reconnue en droit international a une importance fondamentale pour l'approche basée sur le principe de précaution car une étude d'impact permet l'équilibrage des intérêts environnementaux et développementaux et ultimement a pour effet de prévenir les dommages à l'environnement(86) Elle permet également de promouvoir la conscience et la participation de la communauté dans le processus de prise de décision environnementale. (87)

Une étude d'impact peut être définie comme une évaluation des impacts anticipés d'un projet des coûts et des bénéfices et des alternatives potentielles. Il est également nécessaire que l'attention soit portée aux effets à long terme et dans une perspective intergénérationnelle. Mais, l'étude d'impact doit être guidée par le principe de précaution pour déterminer les seuils acceptables et les conséquences environnementales.

D'abord conçue comme un instrument national l'étude d'impact joue un rôle de plus en plus important à l'échelle internationale pour guider la conduite des États et des transnationales, car de plus en plus, les activités humaines comportent un impact transfrontalier.

C'est ce qui a conduit les Nations-Unies (PNUE) à préparer une codification de principes pour régir la question. Ces principes fournissent une base solide pour affirmer que l'étude d'impact environnemental fait partie du développement durable.

Notamment, l'étude d'impact y est définie comme étant un examen, une analyse et une évaluation des activités planifiées en vue d'assurer un développement durable.

Ces principes ont également mené à la conclusion de la Convention sur l'évaluation de l'impact sur l'environnement dans un contexte transfrontière(88) qui lie les Etats membres de la Communauté Européenne. Celle-ci souligne l'importance de la participation publique dans le processus d'évaluation environnementale. Les institutions multilatérales de développement ont elles aussi emboîté le pas et commencé à adopter cette approche préventive(89).

85 Voir J. BRUNNEE," Common Interest-Echoes from an Empty Shell - Some Thoughts on Common lnterest and International Environmental Law ", (1989) 49 Zeitschrift Fur Auslandisches Offenthches Recht und Volkemcht 791, pp.805-806. Voir aussi J.CHRISTENSON, " Jus cogens: Guarding lnterests Fundamental to International Society", (1988) 28 Va. J.lnt7. L. 585.

86 C.K. CHESIVOIR, "Avoiding Environmental Injury: The Case for Widespread Use of Environmental Impact Assessment in International Development Projects" (1990) 30 Va. J.lntl Law.517

87 UNEP Goals and Principles of Environmental Impact Assessment , reproduit à ELGP 9, IPE I/D 19-06-87 207 L.C., 92, ch. 37.

88 Convention sur l'évaluation de l'impact sur l'environnement dans un contexte transfrontière reproduite à (199l) 3O /ILM 802.

89 Voir: I.F.I. SHIHATA, 'The World Bank and the Environment: A Legal Perspective", (1992)16

De plus, l'étude d'impact a été considérée comme la base du devoir d'informer les États susceptibles de souffrir de dommages environnementaux transfrontières. Il n'est donc pas étonnant que cette pratique ait maintenant acquis le statut de norme de droit international coutumier.(90) A cette fin, elle encourage la coopération internationale de se développer entre les États pour mettre en oeuvre des procédures réciproques efficaces pour la notification, l'échange d'information et la consultation sur les activités qui sont susceptibles d'avoir un impact transfrontière significatif.

2 Coopération environnementale

A ce jour, la mise en oeuvre de l'obligation de coopérer constitue la réussite la plus importante du droit international de l'environnement moderne. Elle est essentielle dans tous les domaines de la protection environnementale.

Toutefois, la coopération internationale est toujours basée sur la souveraineté des États. Le principe 24 de la Déclaration de Stockholm prévoit l'obligation de coopération aussi longtemps qu'elle n'empiète pas sur la souveraineté étatique.

Le principe 7 de la Déclaration de Rio prévoit pour sa part que les États doivent coopérer pour la conservation des ressources dans un esprit de partenariat.

L'utilisation du verbe " doit " dans le libellé du principe 7 de la Déclaration de Rio(91) place une obligation sur les signataires qui a pour effet de limiter les souverainetés étatiques et de donner contrôle à la Communauté des États sur ces politiques par une souveraineté partagée.

Ce principe 7 implique aussi que les États commencent à concevoir les ressources comme étant une propriété commune ou partagée en ce qu'il prévoit la responsabilité étatique envers l'environnement global et relativement a la poursuite du développement durable, et que l'environnement n'est pas divisible en composantes nationales et en aires extra-territoriales, mais qu'il constitue une entité dans laquelle tous ont un intérêt et sur laquelle tous ont un contrôle conjoint.

L'obligation de coopération internationale se traduit le plus souvent par des obligations plus spécifiques, telle que l'obligation de supervision environnementale.

Celle-ci peut être définie comme l'observation continue, le mesurage, la collecte et la recherche d'information principalement techniques. Elle comporte un impact direct sur la prévention des dommages environnementaux et, à long terme, sur les conditions d'un écosystème et sa réponse a l'interférence humaine.(92)

MaryIand Journal of international Law and Trade 1.

90 Voir P.W. BIRNIE et A.E. BOYLE, international Law and the Environment, Oxford, Clarendon Press, 1992, à la page 97,

91 Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement, principe 7: " Les Etats doivent coopérer dans un esprit de partenariat mondial en vue de conserver, de protéger et de rétablir la santé et l'intégrité de l'écosystème terrestre. Etant donné la diversité des rôles joués dans la dégradation de l'environnement mondial, les Etats ont des responsabilités communes mais différenciées. Les pays en développement admettent la responsabilité qui leur incombe dans l'effort international en faveur du développement durable, compte tenu des pressions que leurs sociétés exercent sur I'environnement mondial et des techniques et des ressources financières dont ils disposent."

92 Voir K. SACHARlEW, " Promoting Compliance with International Environmental Standards: Reflections on Monitoring and Reporting Mechanisms, (1991)2 Yearbook of international Environmental Law 31, et P. SANDS, "Enforcing Environmental Security: The Challenges of Compliance with international Obligations", (1993)15 Journal of International Affairs 46.

L'obligation de faire rapport découle également de l'obligation plus générale de coopérer en matière environnementale. Elle est souvent établie par un cadre institutionnel ou les rapports sur les mesures prises par les États sont reçus, étudiés, évalués. Cette obligation implique aussi la collecte, la transmission et l'assemblage de l'information.

Les obligations d'évaluer l'impact environnemental et d'échanger l'information constituent également des obligations découlant de la coopération internationale.

L'information est à la base de toute décision saine, solide et valable en matière environnementale et, dans le contexte transfrontière, elle peut indéniablement contribuer à la protection environnementale.

Dans la mesure où les États partagent l'information sur les activités qui ont le potentiel d'affecter l'environnement des autres Etats, il y a de meilleures chances que des mesures préventives puissent être prises pour éviter des dommages environnementaux. L'information place les États dans une meilleure posture pour prévenir et réduire leurs dommages respectifs. Cette obligation a conduit à la conclusion de plusieurs Conventions(93) et de code de conduites(94) qui permettent de conclure que l'obligation d'information et de notification des urgences environnementales sont maintenant des normes de droit international coutumier.

La Charte des droits et devoirs économiques des Etats(95) adoptée par 118 États prévoit a son article 30 que tous les États devraient coopérer à la mise au point de normes et d'une réglementation internationales en matière d'environnement. Mais, il demeure toutefois que l'établissement de cette coopération pour la conservation internationale des ressources n'est pas une tâche facile, notamment à cause des intérêts économiques en jeu. Le principe 7 de la Déclaration de Rio pourra peut-être amener une évolution du droit à cet égard pour continuer le précédent amorcé par le révolutionnaire concept de patrimoine commun de l'humanité.

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein