Chapitre I: Les principes fondamentaux
Les principes forment l'assise juridique d'un système
ils sont traditionnellement considérés comme constituant les
fondements même du système juridique. Ils sont les "poutres
maîtresses de tout édifice
juridique"(5) Une fois inscrits dans les textes
juridiques fondamentaux, ils légitiment les normes qui leur sont
inférieures, ils conditionnent la mise en place d'un ensemble de
règles selon un ordonnancement fortement hiérarchisé et
sont à leur tour consacrés de manière conséquente
dans les décisions individuelles.
Nous verrons dans cet chapitre comment le système
commercial méconnaît les préoccupations environnementales
(section I) pour ensuite étudier pourquoi les principes environnementaux
ont un champs d'application limité par rapport ceux du commerce (section
II)
Section I: Méconnaissance des questions
environnementales par le système commercial
3 Cf note 1, op, cit. p 3
4 Les notes bleues de Bercy « Environnement
et commerce international » Article de Nathalie KosciuskoMorizet,
responsable de la cellule Environnement de la direction des Relations
économiques extérieure
5 J-L BERGEL, Théorie
générale du droit, op.cit. P. 99
Le système commercial a pour objectif de réduire
les obstacles au commerce existant et en prévenant l'apparition de
nouveaux. Elle a pour but d'assurer des conditions de concurrence
équitables et d'égales accès aux marchés ainsi que
la prévisibilité de cet accès pour l'ensemble des
marchandises et services échangés.
Tandis que la protection de l'environnement exige une limitation
pour certains types d'échange.
Il serait utile de voir comment la protection de
l'environnement est appréhendée par le système commercial
à travers la discipline de non discrimination (paragraphe I) et la
liberté des échanges (paragraphe II)
Paragraphe I: La discipline de non discrimination dans le
système commercial Cette discipline constituée des
principes de la nation la plus favorisée et du traitement national se
trouve au coeur du droit commercial.
A Nation la plus favorisée
1 Signification du principe
Aux termes des Accords de l'OMC, les pays ne peuvent pas, en
principe, établir de discrimination entre leurs partenaires commerciaux.
Si vous accordez à quelqu'un une faveur spéciale (en abaissant,
par exemple, le droit de douane perçu sur un de ses produits), vous
devez le faire pour tous les autres membres de l'OMC.
Ce principe est dénommé traitement de la nation
la plus favorisée (NPF). Son importance est telle qu'il constitue le
premier article de l'Accord général sur les tarifs douaniers et
le commerce (GATT), qui régit le commerce des marchandises. Il est aussi
une clause prioritaire de l'Accord général sur le commerce des
services (AGCS) (article 2), et de l'Accord sur les aspects des droits de
propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC)
(article 4), même s'il est énoncé en des termes
légèrement différents d'un accord à l'autre.
Ensemble, ces trois accords visent les trois principaux domaines
d'échanges dont s'occupe l'OMC.
Ce principe signifie tout simplement que si un pays membre
accorde à un autre pays un avantage tarifaire ou autre pour un produit
quelconque, il doit immédiatement et inconditionnellement appliquer cet
avantage aux produits similaires provenant de tous les autres pays. Ainsi, si
le pays A accepte, dans des négociations commerciales avec le pays B, de
ramener de 10 % à 5 % le droit de douane qu'il applique à ses
importations de thé, ce taux réduit doit être
accordé à tous les Membres de l'OMC.
L'obligation d'appliquer le traitement NPF vaut non seulement
pour les importations mais aussi pour les exportations : si un pays
perçoit des droits à l'exportation d'un produit vers un autre
pays, il doit appliquer ce même droit à ses exportations vers tous
les pays.
De plus, l'obligation d'appliquer le traitement NPF ne se limite
pas aux droits de douane. Elle concerne également :
-Les impositions de toute nature appliquées à
l'importation ou à l'exportation;
-Les modalités d'application des droits de douane et
autres impositions;
-Les règles et formalités liées à
l'importation et à l'exportation;
-Les taxes et impositions intérieures frappant les
marchandises importées et les lois, règlements et autres
prescriptions affectant la vente de ces marchandises;
-L'administration des restrictions quantitatives (par exemple,
répartition des contingents entre les pays fournisseurs sur une base non
discriminatoire) lorsque de telles restrictions sont admises au titre des
clauses d'exception.
2 Possible incidence sur les politiques de protection de
l'environnement
Ce principe signifie donc que, en acceptant d'accorder le
traitement NPF, les Membres s'engagent à ne pas faire de discrimination
entre les pays et à ne traiter aucun pays moins favorablement qu'un
autre pour toute question concernant le commerce extérieur de
marchandises.
Cela signifie également qu'on ne peut pas exiger plus
de responsabilité de la part des Etats qui n'appliqueraient pas les
normes les plus élémentaires en matière de protection de
l'environnement, les méthodes de production ne peuvent donc être
utilisées pour faire une distinction entre les produits. En somme les
pays ne peuvent pas faire de discrimination entre les produits en se basant sur
des impacts environnementaux ; les bénéficiaires du traitement de
la nation la plus favorisée peuvent jouir des mêmes avantages que
ceux qui respectent les prescriptions environnementales.
Ainsi dans l'affaire
«crevettes-tortues»(6) Les
États-Unis n'ont pas eu gain de cause dans cette affaire, non pas parce
qu'ils tentaient de protéger l'environnement, mais parce qu'ils
établissaient une discrimination entre les Membres de l'OMC. Ils
accordaient aux pays de l'hémisphère occidental (essentiellement
dans les Caraïbes) une assistance technique et financière et des
délais de transition plus longs pour que leurs pêcheurs se mettent
à utiliser des dispositifs d'exclusion des tortues. Ils n'accordaient
cependant pas les mêmes avantages aux quatre pays d'Asie (Inde, Malaisie,
Pakistan et Thaïlande) qui ont porté plainte devant l'OMC.
L'organe d'appel a donc conclu que bien que la mesure prise
par les États-Unis serve un objectif environnemental reconnu comme
légitime en vertu du paragraphe g) de l'article XX du GATT de 1994, elle
a été appliquée par les États-Unis de façon
à constituer une discrimination arbitraire et injustifiable entre les
Membres de l'OMC, ce qui est contraire aux prescriptions du texte introductif
de l'article XX.
Cette mesure ne pouvait donc pas bénéficier de
l'exemption que l'article XX du GATT de 1994 prévoit pour les mesures
qui servent certains objectifs environnementaux reconnus et légitimes
mais qui, en même temps, ne sont pas appliquées de façon
à constituer soit un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable
entre les pays où les mêmes conditions existent, soit une
restriction déguisée au commerce international.
B Traitement national
1 Formulation du système commercial
Les produits importés et les produits de fabrication
locale doivent être traités de manière égale, du
moins une fois que le produit importé a été admis sur le
marché. Il doit en aller de
6 États-Unis - Prohibition à l'importation de
certaines crevettes et de certains produits à base de
crevettes, rapports adoptés le 6 novembre 1998, WT/DS58/AB/R (Organe
d'appel) et WT/DS58/R (Groupe spécial)
même pour les services, les marques de commerce, les
droits d'auteur et les brevets étrangers et nationaux. Ce principe du
«traitement national» (accorder à d'autres le même
traitement que celui qui est appliqué à ses propres nationaux)
figure aussi dans tous les trois principaux Accords de l'OMC (article 3 du
GATT, article 17 de l'AGCS et article 3 de l'Accord sur les ADPIC), même
si, là encore, il est énoncé en des termes
légèrement différents d'un accord à l'autre.
Ce principe veut que les produits des autres pays ne soient
pas « soumis à un traitement moins favorable que le traitement
accordé aux produits similaires d'origine nationale ». L'objet
fondamental du traitement national est de veiller à ce que les produits
fabriqués à l'étranger aient une possibilité
égale de concurrencer les autres produits sur les marchés
intérieurs. En d'autres termes, les lois, règlements et
politiques nationaux ne devraient pas avoir d'influence sur les
possibilités de concurrence offertes aux produits importés.
La règle du traitement national permet donc aux
entreprises exportatrices d'avoir l'assurance qu'une fois que leurs produits
ont été admis sur le marché du pays importateur,
après paiement des droits de douane et autres impositions
appliquées à la frontière, elles ne seront pas tenues de
payer des taxes intérieures à des taux plus élevés
que ceux appliqués aux produits d'origine nationale. La règle du
traitement national s'applique non seulement aux taxes intérieures, mais
aussi aux dispositions concernant les normes obligatoires applicables aux
produits et les règlements applicables à leur vente et à
leur distribution. Comme les gouvernements appliquent un nombre croissant de
taxes et de règlements visant les produits pour protéger
l'environnement et la santé et la sécurité des
consommateurs, la règle voulant que ces taxes et règlements
soient appliqués sans discrimination entre produits d'origine nationale
et produits importés est d'une importance capitale pour les entreprises
exportatrices.
2 Interprétation
Cette règle soulève deux questions. D'abord, que
signifie « ne pas être soumis à un traitement moins favorable
»?
En vertu du droit commercial, il est entendu que les mesures
intérieures peuvent différer, selon qu'il s'agisse de produits
nationaux ou importés, tant que le traitement des produits
importés qui en résulte n'est pas moins favorable au regard de
leurs possibilités de concurrencer les autres produits sur le
marché.
La deuxième question importante est de savoir ce qu'il
faut entendre par « produits similaires ». L'article III du GATT
prescrit le traitement égal des « produits similaires »
seulement, en accordant une grande importance à la définition. Le
critère des produits similaires est important dans une perspective
environnementale.
Pour le moment, néanmoins, ce critère peut
être mis en lumière grâce à un exemple. Prenons deux
plaquettes de circuits intégrés: l'une fabriquée en
émettant des substances appauvrissant la couche d'ozone, l'autre
produite d'une façon non polluante. Ces deux produits sont-ils
similaires?
Dans l'affirmative, les organismes de réglementation de
l'environnement ne peuvent pas accorder la préférence au produit
respectueux de l'environnement lorsque les deux arrivent à la
frontière, pas plus qu'ils ne peuvent défavoriser,
également à son arrivée à la frontière, le
produit polluant venant concurrencer les plaquettes peu polluantes produites
dans le pays. Il n'existe pas, aujourd'hui, de réponse claire à
ces questions; et le droit jurisprudentiel existant permet d'argumenter dans
les deux sens.
La situation est différente si la pollution en cause
est due, non pas à la façon dont le bien est produit, mais
à ses caractéristiques ou à la manière de
l'utiliser ou de l'éliminer. En d'autres termes, une automobile
consommant peu d'énergie est-elle « similaire » à une
autre automobile grosse consommatrice d'énergie?
Traditionnellement, les groupes spéciaux chargés du
règlement des différends du GATT se fondaient sur quatre
critères pour évaluer la similarité des produits.
Ces critères, énoncés ci-dessous,
visaient avant tout à établir si les produits étaient en
concurrence directe pour obtenir une part du marché, c'est-à-dire
s'ils étaient « commercialement substituables »:
- les propriétés physiques, la nature et la
qualité des produits,
- leurs utilisations finales,
- les goûts et les habitudes des consommateurs,
- la classification tarifaire des produits.
L'Organe d'appel de l'OMC a refusé jusqu'ici d'ajouter
à cette liste les risques pour la santé humaine ou
l'environnement comme critères distincts de détermination de la
similarité. Cependant, il a indiqué que les quatre
critères énumérés ne sont pas des critères
prescrits par le traité et que toute détermination finale de la
similarité des produits nécessite une évaluation globale
fondée sur une série de critères pertinents et
d'éléments connexes.
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