2-Discussion
L'étude de la dégradation des osides par le suc
digestif, les broyats totaux des tissus du tube digestif et des glandes
salivaires de la larve de Rhynchophorus palmarum (Curculionidae) a
montré que toutes les activités osidasiques présentes dans
le suc digestif se sont retrouvées dans les extraits cellulaires des
glandes salivaires et du tube digestif. Ce comportement enzymatique
suggère que ces activités sont sécrétées par
les glandes digestives ou par les microorganismes symbiotiques de cet insecte.
Cette situation a été aussi observée chez les termites
Macrotermes mulleri (Rouland, 1986) et M.
bellicosus (Matoub, 1993). L'amidon est le polysaccharide
le plus hydrolysé par les glandes salivaires et le suc digestif, ce qui
montre que la (ou les) enzymes responsable (s) de cette activité
hydrolytique est (sont) sécrétée (s) par les glandes
salivaires pour être déversée (s) par la suite dans le suc
digestif. Ce résultat laisse penser que celle-ci peut être
sécrétée soit par les glandes digestives soit par les
microorganismes présents dans le tube digestif de cette larve comme cela
a été révélé chez les castes neutres du
termite Macrotermes subhyalinus (Kouamé et
al., 2005b) et M. bellicosus (Matoub,
1993). La présence de fortes activités amylolytiques
dans le suc digestif de la larve du Rhynchophorus palmarum
(Curculionidae) est en accord avec les résultats obtenus avec la plupart
des coléoptères. En effet, ces insectes se nourrissent
essentiellement d'aliments riches en amidon. Ce sont donc des
coléoptères amylolytiques dont l'activité
endoglycosidasique la plus élevée est
l'a-amylase (Ishimoto et Katamura, 1989 ; Lemos et
al., 1990 ; Grossi de Sa et Chrispeel, 1997 ; Silva et al., 1999
; Titarenko et Chripeel, 2000 ; Cristofoletti et al., 2001 ; Silva
et al., 2006).
L'hydrolyse du saccharose est assurée par deux types
d'enzymes appelées aglucosidase et
f3-fructosidase. Le suc digestif contient une forte
activité a-glucosidasique qui prendrait une part active
ou assurerait la dégradation de cette substance. Cette
possibilité est en accord avec les travaux de Silva et
al. (2004). En effet, selon ces auteurs, l'insecte Diatraea
saccharalis assurerait la dégradation du saccharose par trois
saccharose hydrolases dont une a-glucosidase (EC 3.2.1.20),
une f3-fructosidase (EC 3.2.1.26) qui dégrade à
la fois le saccharose, le raffinose et le fructosyl-trisaccharide isokestose et
dont le substrat essentiel est le dernier cité et une saccharase qui
n'agit seulement que sur le saccharose. Toutes ces enzymes sont
sécrétées par les cellules de l'intestin moyen de
l'insecte. Chez l'abeille européenne Apis mellifera, la
dégradation du saccharose est assurée par une
a-glucosidase (Nishimoto et al., 2001 ;
Kubota et al., 2004).
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Par rapport à l'amidon, la cellulose a
été faiblement hydrolysée dans le suc digestif. Par
contre, son activité hydrolytique a été trois fois
supérieure à celle du tube digestif. Les glandes salivaires n'en
possèdent pas. Ces résultats montrent que l'activité
cellulasique de la larve de Rhynchophorus palmarum (Curculionidae)
n'est pas sécrétée par les glandes salivaires de
l'insecte. Elle peut être synthétisée soit par les tissus
du tube digestif, soit par les tissus d'autres glandes, soit par des
microorganismes contenus dans le suc digestif de l'animal. Quant à
l'activité f3-glucosidasique synergique de celle de la
cellulase pour dégrader la cellulose en glucose, son activité
hydrolytique a été très élevée dans le suc
digestif et faible dans les tissus des glandes salivaires et du tube digestif.
Cette situation ne permet pas d'expliquer clairement la provenance de cette
forte activité f3-glucosidasique. Est-elle d'origine
microbienne comme cela a été évoqué par plusieurs
auteurs chez les insectes ? En effet, chez ces derniers, la
caractérisation des enzymes assurant la digestion de la cellulose est
très complexe à cause de la diversité d'origine de celles
présentes dans l'intestin des insectes. Les enzymes des tubes digestifs
sont produites par des microorganismes symbiotiques (Martin, 1983 ;
1987) qui sont des protozoaires (Cleveland, 1923 ; Trager,
1932 et 1934 ; Yamin, 1978 ; Yamin et Trager, 1979), des
bacteries (Beckwith et Rose, 1929 ; French et Bland, 1975) et
des champions (Abo-khatwa, 1978 ; Martin et Martin, 1978 ; 1979 :
Rouland et al., 1988). Une faible activité
cellulasique pour une faible que l'activité f3-
glucosidasique a été obtenue. Cette situation enzymatique laisse
penser que la ou les enzyme (s) responsable (s) de l'activité
f3-glucosidasique peut (peuvent) avoir d'autres rôles
importants notamment dans la digestion des glycoprotéines, des
glycolipides et des oligosaccharides résultant de la dégradation
des hémicelluloses. L'activité
f3-galactosidasique a aussi une origine difficile à
définir à partir de notre travail. Elle a été
très élevée alors que la larve de Rhynchophorus
palmarum (Curculionidae) ne consomme pas de lait dont le sucre essentiel
est le lactose. Cette activité enzymatique pourrait donc avoir pour
rôle la dégradation des oligosaccharides provenant de la digestion
de certaines hémicelluloses tels que les galactanes et les
arabino-galactanes.
Le suc digestif de la larve de Rhynchophorus palmarum
(Curculionidae) n'a pas hydrolysé le pullulane et le xylane, ce qui
montre que cet insecte n'est pas xylanolytique comme certains insectes tels que
les termites M. subhyalinus (Kouamé, 2006) et
M. bellicosus (Matoub, 1993). Il a
révélé la présence d'une activité
a-xylosidasique qui n'a été
sécrétée ni dans les glandes salivaires, ni dans les
tissus du tube digestif. Cette activité peut avoir été
produite par d'autres glandes digestives ou par des microorganismes
symbiotiques.
Les températures et pH optima d'hydrolyse des
glycosidases ont varié respectivement de 40-55 °C et de 4,0-5,6. Ce
résultat suggère qu'il n'existe pas dans l'appareil digestif de
la larve de glycosidases thermophiles. Ces enzymes sont toutes acides et
mésophiles. Ce résultat est en accord avec ceux obtenus avec la
blatte Periplaneta americana (Kouamé et al.,
2005) et différents de ceux de M. bellicosus
(Matoub, 1993) et de M. subhyalinus
(Kouamé, 2006). En effet, chez les insectes, les enzymes
responsables de la dégradation du xylane en xylobiose sont thermophiles
et acides.
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