Contextualisation et variation de la langue française dans l'écriture littéraire au Cameroun: le cas de l'invention du beau regard de Patrice Nganang( Télécharger le fichier original )par Simplice Aimé Kengni Université de Yaoundé I - Maitrise en Lettres Modernes Françaises 2006 |
5.1.3 La transcription des expressions orales populaires.Il s'agit ici des expressions figées, utilisées dans le discours oral populaire soit pour se moquer, soit pour lancer un défi ou encore pour exprimer son découragement. Ces expressions sont très nombreuses dans l'IBR et traduisent de ce fait l'originalité de cette oeuvre qui se démarque par sa facilité à retransmettre fidèlement la parole populaire. Nous les avons regroupés dans les occurrences suivantes : 106) tu vas encore faire quoi, non doyen, le temps de patrouilles fini bientôt, hein. (p.74) 107) Il faut lui montrer que tu t'en fous de lui. - qu'il n'est même rien. (p.102) 108) Il n'était plus sûr si ce n'était pas lui qui avait éparpillé des morceaux de la Sita dans la cour de sa maison, ou alors si ceux-ci avaient décidé de se rassembler dans son dos et de venir s'éparpiller chez lui, juste pour lui montrer. (p.87) 109) Et quand l'homme ne peut pas, au lieu de lui dire peut alors comme le font d'autres filles au quartier, de nous concentrer plutôt sur sa tenue de commissaire. (p.93) 109. Sa truie ne pouvait que gagner, fait quoi fait quoi. (p.145) Ces expressions sont toutes puisées dans le langage vulgaire tel qu'il se manifeste dans les rues à travers les couches peu ou non scolarisées. Elles reflètent donc ce que D. BICKERTON86(*) appelle dans sa typologie le français basilectal. Elles sont cependant expressives et recouvrent bien une signification qui est partagée par ses interlocuteurs. Les exemples tu vas encore faire quoi et il n'est même rien sont généralement utilisés dans le langage populaire pour ridiculiser quelqu'un en lui faisant découvrir son inefficacité face à une situation. La première occurrence s'adresse au commissaire principal adjoint, D. ELoundou, qui va bientôt à la retraite et ne sera plus en mesure d'exercer des pratiques d'influence sur la population. La seconde traduit le sursaut d'orgueil et d'indifférence auxquels D. Eloundou est invité à faire preuve, afin de tenir en échec le personnage Innocent qui en veut à sa vie. Les expressions juste pour lui montrer et peut alors marquent une sorte de défi. La première signifie donner une leçon à quelqu'un, le punir ; elle s'adresse en fait à D. Eloundou qui se voit perturbé par la conscience de son acte criminel effectué sur le personnage Sita. La seconde expression peut alors quant à elle veut dire montrer de quoi ont est capable. Cette construction impersonnelle s'adresse à D. Eloundou qui ne parvient pas à satisfaire sexuellement la jeune fille qui est en effet sa femme. Pour ce qui est de l'expression fait quoi fait quoi, elle présente ici une construction syntaxique particulière, (verbe + pronom interrogatif + verbe + pronom interrogatif). Elle traduit la détermination. C'est en fait celle qui anime le personnage Taba qui compte sur la victoire de sa truie aux comices agro-pastoraux pour résoudre ses difficultés financières et sortir ainsi de la pauvreté. Au bout de l'analyse, on peut retenir que ces changements de construction dans L'IBR sont le résultat de la forte pression du substrat local sur la langue française, ainsi que celle de la norme endogène caractérisée par l'oralité et la liberté dans les constructions phrastiques. C'est dans cette même perspective qu'on peut situer les traits énonciatifs présents dans notre corpus. * 86 D. BICKERTON, Dynamic of Creole System, Cambridge University, Paris, 1975. |
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