Contextualisation et variation de la langue française dans l'écriture littéraire au Cameroun: le cas de l'invention du beau regard de Patrice Nganang( Télécharger le fichier original )par Simplice Aimé Kengni Université de Yaoundé I - Maitrise en Lettres Modernes Françaises 2006 |
5.2 Les marques énonciativesL'énonciation consiste à produire un énoncé en utilisant les possibilités offertes par la langue. M. PERRET la réfère à l'acte de parler dans chacune des réalisations particulières, c'est-à-dire qu'est acte d'énonciation chaque acte de production d'un certain énoncé.87(*) Dans le discours, l'énonciation se démarque par la manière dont le locuteur adhère à son énoncé (forte, mitigée, neutre). À cet effet, A. LIPOU affirme que l'énonciation discursive exploite de manière intensive la modalité du discours oral rapporté sous la forme de la citation.88(*) Comme traits énonciatifs, nous avons relevé dans notre corpus les marqueurs de modalisation et la fonction déictique des marqueurs -ci et -là. 5.2.1 Les marqueurs de modalisation.Dans notre corpus, il s'agit des mécanismes de modalisation qui apprécient la valeur de la vérité du discours qu'un locuteur énonce à l'endroit de ses interlocuteurs, en employant une tournure d'emphase. En réalité, ces mécanismes de modalisation sont selon A. LIPOU des opérateurs argumentatifs dont la fonction est de conclure avec force sur l'authenticité de l'objet du discours.89(*) Ces marqueurs sont généralement utilisés à l'oral, et leur présence à l'écrit témoigne bien de l'influence de celui-là sur celui-ci. Voici les exemples qui ont été relevés dans notre corpus. 110) Le commissaire principal était un garçon tout frais sorti de l'École des polices, à peine son propre fils, au nom de Dieu comme il pensait à le dire. (p.17) 111) Je ne vous dis pas, le Secrétaire Général à la sûreté nationale avait en une note de service, fait signe à la hiérarchie qu'il serait présent à la cérémonie honorifique. (p.19) 112) Il suffisait pourtant de voir l'entrain de sa famille, le zèle de ses femmes, l'activité de ses enfants. - mais voyait-il tout ça ? Demandez-moi. (pp.65-66) 113) Elle avait les gestes précipités par la promesse d'une grasse mangeoire, et tout couper court, elle voulait sa part de viande un point un trait. (p.143) Ces expressions jouent un rôle dans la modalisation des énoncés ici présents et permettent par le fait même de peser l'affirmation du locuteur comme étant vraie sans autre forme de procès. L'énoncé au nom de Dieu ici marque l'étonnement de D. ELoundou, devant ce supérieur hiérarchique qui est à peine son fils. Dans le discours oral, cette expression sert à jurer ; c'est en fait un marqueur ponctuant un argument d'autorité dont on ne saurait nier la pertinence. La tournure je ne vous dis pas est une forme de prétérition. Dans le discours oral, elle est l'expression de la surprise de celui qui parle, surprise qu'il veut partager avec ses interlocuteurs, bien qu'il feigne de ne pas le dire. C'est une expression courante dans le discours populaire au Cameroun. L'occurrence demandez moi est une forme de négation voilée, sous le couvert d'une injonction. C'est en réalité une stratégie argumentative qui vise à amener celui à qui on s'adresse à vérifier lui-même la justesse de l'information. L'expression aurait été : ce n'est pas à moi que vous devez demander (vérifiez-le vous-même). Enfin, l'exclamation un point un trait est une marque de l'oral qui a une valeur de conclusion intransigeante et sans appel. Elle décrit ici les gestes de Mana épouse de Taba qui veut elle aussi bénéficier des retombées que pourra apporter la viande de leur truie. On peut donc conclure après cette analyse que les marqueurs de modalisation représentent eux-aussi une forme d'appropriation du français chez l'auteur. Cette forme de contextualisation est fortement colorée par le langage oral. Langage dont l'une des marques non négligeables dans le corpus s'observe à travers des déictiques de monstration -ci et -là. * 87 M. PERRET, L'Énonciation en grammaire du texte, Paris, Nathan, 1994, p.9 * 88 A. Lipou, op.cit p.120 * 89 Idem, p.124 |
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