Contextualisation et variation de la langue française dans l'écriture littéraire au Cameroun: le cas de l'invention du beau regard de Patrice Nganang( Télécharger le fichier original )par Simplice Aimé Kengni Université de Yaoundé I - Maitrise en Lettres Modernes Françaises 2006 |
3.5 La métaphorisation.Selon P. FONTANIER, la métaphore est la figure de ressemblance par excellence qui Présente une idée sous le signe d'une autre idée plus frappante ou plus connue qui d'ailleurs ne tient à la première par aucun autre lien que celui d'une certaine conformité ou analogie.55(*) Dans la même perspective, M. CRESSOT et J. LAURENCE présentent celle-ci comme Un changement sémantique par lequel, un signifiant abandonne un signifié auquel il est habituellement lié par un autre, en vertu d'une comparaison non formulée entre ces deux signifiés, comparaison qui retient des ressemblances arbitrairement privilégiées.56(*) On remarque donc que le phénomène de métaphorisation repose ainsi sur une interaction sémique entre les unités mises en jeu, ce qui lui confère un pouvoir de suggestion au niveau sémantique. L'IBR nous livre les exemples suivants : 25) De tableau vide, en passant par gardien de la paix, il avait atteint au bout de moult stages de recyclage, promotions, jonglages et pistonnages, son grade actuel d'adjoint au commissaire principal. (p.17) 26) Il avait fallu que son regard se plonge directement dans la chose palpitante de sa nouvelle femme, cette chose jeune et sans rides dont même sa Martine ne pouvait plus que lui donner le souvenir. (p.69) 27) On pouvait rappeler à D. Eloundou, pour le consoler [...] qu'il n'était surtout pas un sans caleçon. (p.81) 28) Reconnaissons que sans sans-payer, avec comme patrouille sa femme et ses enfants grands comme petits [...] même sa tenue de commissaire n'était pas suffisante pour convaincre cet homme à qui il parlait. (p.80) 29) Elle qui avait imaginé les éclos d'oasis, devait soudain rétrécir ses fantasmes et les limiter à ces deux mambas verts que son mari lui montrait. (p.119) En dehors de l'exemple 27, nous avons affaire ici aux cas de métaphore in absentia. En effet, le comparé et le comparant ne sont pas exprimés, il n'y a donc que ce seul cas d'énoncé qui comporte un verbe être d'équivalence. Dans l'énoncé 25, l'agent de police sans galons (comparé) est assimilé à un tableau vide (comparant) du fait qu'aucun signe de décoration n'est encore porté sur ses épaulettes. Ces agents sont généralement réduits à l'accomplissement des ordres de leurs supérieurs hiérarchiques. La métaphore chose dans l'occurrence n°26 désigne l'organe génital féminin. Il est utilisé dans le contexte camerounais par souci de pudeur face au sexe qui est parfois perçu comme tabou. En réalité, le mot chose pris hors contexte n'est en fait qu'un référent vide. L'énoncé 27 présente un cas de métaphore in praesentia ; le groupe prépositionnel sans caleçon (comparant) renvoie ici à l'expression vaurien qui est fréquent dans l'usage populaire au Cameroun pour désigner quelqu'un dépourvu de toute valeur et de toute personnalité. C'est en fait le cas de D. Eloundou dans le corpus qui est désormais néantisé et ridiculisé par les siens. Les deux dernières occurrences laissent apparaître deux cas de métaphorisation obtenues par composition d'éléments. Le premier : sans-payer qui est un groupe prépositionnel obtenu par trait d'union est ici comparé au car de police avec lequel ses agents patrouillent dans les villes et sous-quartiers et dans lequel on entre sans payer. Le second cas : mambas verts qui est un groupe nominal (Nom + adjectif) désigne dans le contexte camerounais, des billets de banque à valeur de dix mille francs chacun. Rappelons cependant que cette comparaison relève de l'ancienne couleur (verte) que présentaient les billets de dix milles francs à l'époque (de 1960-1994) avant leur modification. Comme on peut le percevoir, le phénomène de métaphorisation, qui est très récurrent dans le français hors de France, est utilisé dans l'IBR pour exprimer la réalité culturelle camerounaise dans une forme imagée et très expressive. En réalité, ces différents phénomènes de resémantisation analysés supra trouvent souvent leur origine dans des traductions littérales ou calques traductionnels. * 55 P.FONTANIER, Les Figures du discours, Paris, Flammarion, 1997, p. 99. * 56 M. CRESSOT, et J. LAURENCE, Le Style et ses techniques, Paris P.U.F., 1977, p.72 |
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