Contextualisation et variation de la langue française dans l'écriture littéraire au Cameroun: le cas de l'invention du beau regard de Patrice Nganang( Télécharger le fichier original )par Simplice Aimé Kengni Université de Yaoundé I - Maitrise en Lettres Modernes Françaises 2006 |
3.4 Les extensions sémantiques.La procédure d'extension sémantique pour L.M. ONGUENE ESSONO consiste à élargir le sens d'un mot, même si le fond sémantique initial demeure.53(*) En effet, en plus du sens normalement attesté dans le français central, certaines lexies, souligne E. BILOA,54(*) acquièrent de nouvelles significations qui couvrent le champ réservé à d'autres lexies. Voici quelques exemples illustratifs qui ont été relevés dans le corpus. 21) L'argent qu'il avait reçu pour son acte disparut dans le quotidien des dépenses de sa famille, et dans la loi implacable de la mangeoire. (p.28) 22) ceci n'aurait été possible que si et seulement s'il n'avait, au sommet de sa déjà nombreuse famille à nourrir, fait comme tous ses amis, pris deuxième bureau, construit une maison à deuxième bureau alors que sa propre famille vivait encore dans les taudis. (p.85) 23) Il ne croit non plus à sa tribu, car le SG, son frère ne l'a pas aidé. (p.106) 24) L'espoir c'était de déboucher sur le goudron en route, or, même en route les gamins ne cessèrent par leur vengeance. (p.165) Ces différentes lexies sont fréquentes dans le français camerounais et portent avec elles un sens élargi que ne prennent pas en compte les dictionnaires de référence. Le terme mangeoire ici désigne une fête suivie de collation. Notons en plus que dans l'usage du français au Cameroun, ce lexème désigne le bien public ou les richesses de l'État ; ainsi, parle-t-on généralement au Cameroun de la mangeoire nationale. En ce qui concerne l'exemple 22 deuxième bureau, ce groupe nominal dans le contexte camerounais signifie maîtresse. C'est en fait l'une des conquêtes d'un homme avec qui il entretient des relations sentimentales voire conjugales en dehors de son épouse légitime. L'occurrence frère renvoie ici au membre d'une même tribu et non plus nécessairement aux enfants de mêmes parents. Cela fait figure de ce que l'on appelle couramment la famille africaine qui n'a point de limite témoignant ainsi l'importance de la relation parentale qu'il est inutile de découper en morceaux indicatifs (frères, cousins, neveux,etc.). Le dernier cas ici présent est celui de goudron qui est utilisé ici non pas pour désigner la substance noire et liquide qui contribue à la construction des routes, mais renvoie plutôt à toute la partie goudronnée qui est l'asphalte. À côté de toutes ces modifications sémantiques des items lexicaux présents dans l'IBR, figure aussi le phénomène de métaphorisation qui crée des rapprochements entre des faisceaux d'objets a priori étrangers les uns aux autres. * 53 L.M. ONGUENE ESSONO (1999), p.127 * 54 E. BILOA, op.cit. pp.107-108 |
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