L'intégration de la protection de l'environnement en droit des aides d'état( Télécharger le fichier original )par Olivier PEIFFERT Nancy-Université - Master 2 à‰tudes européennes 2009 |
B ) Les SIEG à vocation environnementaleLa protection de l'environnement est désormais intégrée dans le régime juridique applicable aux SIEG, ce qui emporte certaines conséquences en matière d'aides d'Etat. En premier lieu, il convient de noter que seules des activités économiques, exercées par une entreprise publique ou jouissant de droits exclusifs ou spéciaux, sont soumises aux règles de la concurrence. La Cour de justice a fait application de ce principe dans une affaire concernant la protection de l'environnement. En effet, dans un arrêt Diego Cali rendu le 18 mars 199763(*), l'activité de surveillance antipollution payante assurée par un organisme public dans un port ne présente pas un caractère économique. La protection de l'environnement est ici considérée comme relevant typiquement des prérogatives de puissance publique, échappant de ce fait à l'application des règles de concurrence. Indépendamment de ce cas d'espèce64(*), la Cour a admis que la protection de l'environnement peut être considérée comme une mission d'intérêt général lorsqu'elle est prise en charge par une entreprise habilitée par un acte de puissance publique et exerçant une activité de nature économique. En effet : « la gestion de certains déchets peut faire l'objet d'un service d'intérêt économique général, en particulier lorsque ce service a pour but de faire face à un problème environnemental »65(*). Il en résulte que la protection de l'environnement peut justifier une dérogation aux règles de la concurrence pour certaines activités économiques. L'environnement devient un élément de définition du SIEG66(*), qui sera alors soumis au régime au régime particulier de l'art 86 et plus particulièrement des dérogations prévues en son paragraphe 2. En substance, ces dérogations sont justifiées dans la mesure où l'application stricte des règles de concurrence peut faire échec à l'accomplissement de la mission d'intérêt général particulière impartie ; elles concernent l'attribution de droits exclusifs et le versement d'aides d'Etat. Dans l'arrêt FFAD c/ Københavns Kommune, la Cour de justice admet qu'une exclusivité temporaire limitée dans le temps et dans l'espace peut être accordée aux entreprises de recyclage des déchets chargées d'un SIEG : « une mesure ayant un effet moins restrictif sur la concurrence, telle qu'une réglementation imposant simplement aux entreprises de faire recycler leurs déchets, n'aurait pas nécessairement garanti le recyclage de la plupart des déchets produits dans la commune, en raison même de l'insuffisance des capacités de traitement desdits déchets »67(*). Or de tels droits exclusifs sont généralement contraires à l'art 82 CE. On observe donc bien une modulation des solutions classiques conduisant à la prise en compte concrète des exigences environnementales en droit de la concurrence. Il semble d'ailleurs que la Cour de justice se montre dans cet arrêt plus souple qu'auparavant lors de l'appréciation de la nécessité des droits exclusifs pour l'accomplissement de la mission de protection de l'environnement68(*). La consécration de la protection de l'environnement comme mission d'intérêt économique général emporte également certaines conséquences relatives aux aides d'Etat. Il est en effet acquis que des mesures nationales, qui doivent être considérées en principe comme incompatibles avec le marché unique en application de l'art 87 CE, échappent à la qualification d'aides d'Etat lorsqu'elles sont versées à des SIEG dans le but de compenser les charges qu'emportent les obligations spécifiques de la mission d'intérêt général impartie69(*). L'arrêt Altmark du 24 juillet 200370(*) pose les conditions restrictives que doivent remplir de telles mesures pour bénéficier de la non qualification d'aide d'Etat : l'entreprise bénéficiaire doit être effectivement chargée d'une mission d'intérêt général et les obligations qui en découlent doivent être clairement définies ; les critères qui permettent d'établir la compensation doivent être préalablement établis de façon objective et transparente ; le montant de la subvention doit être proportionnel aux charges incombant à l'entreprise, étant entendu qu'un bénéfice raisonnable peut être dégagé de l'exploitation du SIEG ; si l'attribution de la mission d'intérêt général n'a pas été effectuée par le recours à une procédure de marchés publics, le montant de la compensation doit être calculé sur la base de la moyenne des coûts qu'une entreprise correctement gérée devrait supporter pour remplir des missions analogues71(*). Il résulte donc qu'une entreprise chargée de l'exploitation d'un SIEG peut bénéficier de subventions normalement proscrites par l'art 87 CE, lorsque celles-ci ont pour objet de compenser une mission de protection de l'environnement et respectent les conditions ci-avant rappelées. Si les strictes conditions posées par la jurisprudence Altmark ont rarement été remplies, certaines décisions de la Commission en font application dans le domaine de l'environnement72(*). Il semble néanmoins que la qualification de SIEG restera limitée en cette matière. En effet, l'intérêt poursuivi par les actions en faveur de l'environnement « n'est [...] pas l'intérêt général visé à l'article 86 du traité, mais plutôt la contribution au développement de certaines activités visé à l'article 87.3.c) ».73(*) Au final, les constructions prétoriennes fondées sur l'art 86 CE intègrent effectivement les exigences environnementales, induisant des répercussions dans d'autres branches du droit communautaire. Elles tendent, comme pour les autres domaines du droit de la concurrence et pour le droit du marché unique, à atteindre un équilibre fondé sur la conciliation des objectifs et principes véhiculés par les branches économiques du droit communautaire avec les exigences de la protection de l'environnement. Cette recherche du juste milieu s'impose également en droit des aides d'Etat. * 63 CJCE, 18 mars 1997, Diego Cali et Figli, aff. C-343/95, Rec. I-1547 * 64 l'arrêt Diego Cali a été critiqué, les activités en matière d'environnement étant généralement qualifiées d'économiques ; v. not. par L. IDOT, Protection de l'environnement, libre circulation, libre concurrence : bilan de la jurisprudence de la Cour de justice, PA du 15 juin 2006 n°119, p. 24 s., n° 13 et s. et n° 29 * 65 v. not. CJCE, 23 mai 2000, FFAD, agissant pour Sydhavnens Sten & Grus ApS, c/ Københavns Kommune, aff. C-209/98, Rec. I-3743, pt. 75 * 66 ce qui n'était pas évident dans un arrêt précédent : CJCE, 27 avril 1994, Gemeente Almelo e. a., aff. C-393/92, Rec. I-1508, v. L. IDOT, Protection de l'environnement, libre circulation, libre concurrence : bilan de la jurisprudence de la Cour de justice, préc., n° 29 * 67 CJCE, 23 mai 2000, FFAD, agissant pour Sydhavnens Sten & Grus ApS, c/ Københavns Kommune, préc., pt. 80 * 68 N. RUBIO, Commerce, concurrence et protection de l'environnement en droit communautaire, préc., p. 155 * 69 C'est la position adoptée par la Cour de justice depuis l'arrêt CJCE, 22 nov. 2001, Ferring SA, aff. C-53/00, Rec. I-9067 * 70 CJCE, 24 juill. 2003, Altmark Trans Gmbh et Regierungspräsidium Magdeburg, aff. C-280/00, Rec. I-7747 * 71 Ces conditions ont été reprises par la Commission dans une décision 2005/842 du 28 nov. 2005, JOUE L 312, 29 nov. 2005, complétée par un encadrement, JOUE C 297, 29 nov. 2005 * 72 v. not. la décision n° 2006/237/CE du 22 juin 2005, concernant les mesures d'aides mises à exécution par les Pays-Bas en faveur d'AVR pour le traitement de déchets dangereux, JOUE L 84 du 23 mars 2006 p. 37. On peut cependant s'étonner que, dans cette décision, la Commission conclut dans un premier temps que la mesure en cause est une aide d'Etat au sens de l'art 87 CE paragraphe 1, pour ensuite retenir sa compatibilité avec le marché commun sur le fondement de l'art 86 CE paragraphe 2. Si le fait qu'une part de la mesure est finalement considérée comme incompatible peut expliquer ce raisonnement, la liberté prise par rapport à la jurisprudence Ferring n'est pas exempte de critiques lorsque l'on sait que la non-qualification d'aide à fait l'objet de longues hésitations de la part de la Cour de justice et n'est pas dénuée de fondements. * 73 A ALEXIS, Protection de l'environnement et aides d'Etat : la mise en application du principe pollueur-payeur, RAE 2003-2004/4 p. 629, v. p. 635 |
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