L'intégration de la protection de l'environnement en droit des aides d'état( Télécharger le fichier original )par Olivier PEIFFERT Nancy-Université - Master 2 à‰tudes européennes 2009 |
2 ) La contribution aux objectifs de la politique énergétiqueOn l'a dit, les instruments relatifs aux aides d'Etat pour la protection de l'environnement ont été conçus pour participer à la réalisation des objectifs ambitieux de la politique énergétique de l'UE343(*). Ici encore, il s'agit de « remédier à la défaillance du marché liée aux externalités négatives en créant des incitations individuelles à atteindre des objectifs en matière d'économie d'énergie et de réduction des émissions de gaz à effet de serre »344(*). Cependant, la correction des défaillances du marché s'inscrit alors dans le contexte particulier du secteur énergétique. La politique énergétique de l'UE à pour objectif d'une part de favoriser les économies d'énergie et d'autre part d'accroitre la production d'énergie à partir de sources d'énergies renouvelables (énergie SER), dans le but de résoudre tant le problème géopolitique de l'approvisionnement énergétique de l'UE que le problème environnemental de la pollution de l'air. Cependant, les producteurs d'énergie SER connaissent des difficultés à prendre pied sur le marché intérieur de l'énergie, leurs coûts de production étant supérieurs à ceux de la production conventionnelle ; le soutien financier des Etats membres a été donc jugé indispensable à la réalisation des objectifs poursuivis. Néanmoins ce soutien doit prendre en considération le maintien du libre jeu de la concurrence345(*) : l'énergie est avant tout un bien et doit s'échanger à ce titre sur un marché. Or certains développements législatifs récents ont conduit à la libéralisation du marché de l'énergie au niveau communautaire346(*). C'est donc tout naturellement que le régime juridique des aides d'Etat trouve à s'appliquer en matière de politique énergétique. Les directives 2001/77/CE et 2003/96/CE relatives respectivement à la promotion de l'électricité SER et à la taxation énergétique ont d'ailleurs évoqué, directement ou implicitement, la nécessité de respecter les règles afférentes aux aides d'Etat347(*). Ces problématiques ont donné lieu à « la recherche d'un équilibre entre promotion des SERs, libéralisation du marché intérieur et conformité avec les règles CE en matière d'aides d'Etat »348(*). Concrètement, cet équilibre s'est réalisé par l'insertion des aides en faveur du secteur de l'énergie au sein des règles afférentes aux aides d'Etat pour la protection de l'environnement. Les Lignes directrices, à l'instar de l'encadrement qui les a précédées, et le RGEC considèrent que toute action en faveur des économies d'énergies et des énergies SER entrent dans la catégorie des aides pour la protection de l'environnement349(*). Ces instruments aménagent alors des dispositifs d'aides spécifiques, soit en faveur des producteurs d'énergies conventionnelles, qui concernent les économies d'énergie350(*), la cogénération351(*) et le chauffage urbain352(*), soit en faveur des énergies SER353(*) ; ce dernier type d'aide vise à « renforcer le dispositif communautaire existant qui n'avait jusqu'ici qu'un caractère programmatoire »354(*), la directive 2001/77/CE précitée se limitant à prescrire aux Etats membres l'adoption d'objectifs sur la base des engagements pris au titre du protocole de Kyoto. Cependant, si les aides en faveur du secteur de l'énergie ont fait leur entrée au sein des instruments relatifs aux aides à l'environnement, ils instaurent, signe de la priorité accordée aux objectifs de la politique énergétique, des conditions de compatibilité exorbitantes du droit commun des aides d'Etat. Tout d'abord, les intensités d'aides sont particulièrement favorables au secteur de l'énergie355(*) ; par ailleurs, les Lignes directrices aménagent de façon tout à fait exceptionnelle la possibilité de verser des aides au fonctionnement, sauf pour le cas des aides en faveur du chauffage urbain356(*). Or de telles mesures sont normalement considérées comme étant particulièrement attentatoires au libre jeu de la concurrence, sans être à même de parvenir à la réalisation des objectifs d'intérêt commun357(*). Ces importantes dérogations ne se justifient, comme l'illustre parfaitement le régime afférent aux aides au fonctionnement pour les énergies SER, que par les difficultés que rencontrent les opérateurs économiques à s'imposer sur le marché. En effet, les aides au fonctionnement « peuvent être justifiées pour couvrir la différence entre le coût de production de l'énergie produite à partir de sources d'énergie renouvelables et le prix de marché du type d'énergie en cause »358(*). Des options sont alors offertes aux Etats pour le calcul du montant de ces aides. Or la seconde de ces options, fondée sur le système des certificats verts et des appels d'offres, prévoit de façon exceptionnelle, en matière d'aides d'Etat, que la démonstration de l'absence de surcompensation soit faite globalement au niveau des énergies renouvelables et non à celui de chaque entreprise359(*). Le régime juridique des aides en faveur du secteur de l'énergie, s'il poursuit lui aussi l'objectif général de correction des externalités négative, le fait donc par le recours à des dispositifs tout à fait exceptionnels. Ainsi, les impératifs respectifs de la protection de l'environnement et de la libre concurrence, loin d'entrer en opposition, ont su se rejoindre et même se compléter. En découle une situation de statu quo, une conciliation, qui s'inscrit dans la logique de l'ordre juridique communautaire : la défense du milieu naturel et son intégration au sein des politiques sectorielles est une obligation, au même titre que celle du maintien des structures concurrentielles de marché, alors même que l'objectif du développement durable est consacré par le droit originaire. Cette conciliation s'est réalisée par le recours aux concepts issus des sciences économiques qui ont également fortement influencé la dernière phase de l'analyse du contrôle des aides : celle de la mise en balance. Celle-ci a pour objet d'assurer un équilibre entre des objectifs antagonistes. * 343 v. supra Partie I), Chp II), 2) La réforme du droit des aides d'Etat * 344 Lignes directrices concernant les aides d'Etat à la protection de l'environnement, 2008/C 82/01, préc., pts. 47, 48 et 51 * 345 communication de la Commission « Deux fois 20 pour 2020, saisir la chance qu'offre le changement climatique » COM(2008) 30 final, préc., p. 12 * 346 le marché intérieur de l'électricité à été finalisé par l'adoption de la directive du Parlement européen et du Conseil 2003/54/CE du 26 juin 2003 concernant les règles communes pour le marché intérieur, JOUE L 175 du 15 juill. 2003 p. 37 ; v. not. M. WEMAERE et D. GRIMEAUD, La promotion des énergies renouvelables à l'aune du droit communautaire des aides d'Etat, Gaz. Pal. 9 janv. 2006, n° 19 p. 23, p. 3 * 347 directive du Parlement européen et du Conseil 2001/77/CE du 27 septembre 2001 relative à la promotion de l'électricité produite à partir de sources d'énergies renouvelables sur le marché intérieur de l'électricité, JOUE L 283 du 27 oct. 2001, p. 33. ; directive du Conseil 2003/96/CE du 27 octobre 2003, préc. ; v. M. WEMAERE et D. GRIMEAUD, La promotion des énergies renouvelables à l'aune du droit communautaire des aides d'Etat , préc., p. 4 et 5 * 348 M. WEMAERE et D. GRIMEAUD, La promotion des énergies renouvelables à l'aune du droit communautaire des aides d'Etat, préc., p. 3 * 349 v. supra, Partie I), Chp II), A) Le champ d'application des instruments ; pour l'encadrement de 2001, v. Ibid., p. 10 * 350Lignes directrices concernant les aides d'Etat à la protection de l'environnement, 2008/C 82/01, préc., pts. 94 et s. et règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission, préc., art 21 * 351 pts. 112 et s. des Lignes directrices, préc. et art 22 du RGEC, préc. * 352 pts. 120 et s. des Lignes directrices, préc. * 353 pts. 101 et s. des Lignes directrices, préc. et art 29 du RGEC, préc. * 354 P. THIEFFRY, Le nouvel encadrement des aides d'Etat à l'environnement, préc., n° 58 * 355 pour les aides à l'investissement en faveur des énergies renouvelable, v. supra Partie I), Chp II), A) Le contenu des dispositifs d'aides ; v. pour une approche exhaustive de ces dispositifs P. THIEFFRY, Le nouvel encadrement des aides d'Etat à l'environnement, préc., n° 51 et s. ; v. ég. P. THIEFFRY, Protection de l'environnement et droit communautaire de la concurrence, préc., n° 96 et 97 et n° 99 et s. * 356 Lignes directrices concernant les aides d'Etat à la protection de l'environnement, 2008/C 82/01, préc., pts. 99 et s., pts. 107 et s., pts. 119 * 357 M. DONY, en collaboration avec F. RENARD et C. SMITS, Contrôle des aides d'Etat, Commentaire J. MEGRET, préc., n° 313 * 358 Lignes directrices concernant les aides d'Etat à la protection de l'environnement, 2008/C 82/01, préc., pt. 107 * 359 ce mode dérogatoire de contrôle a été mis en place par l'encadrement des aides à l'environnement de 2001 ; v. A ALEXIS, Protection de l'environnement et aides d'Etat : la mise en application du principe pollueur-payeur, préc., p. 637 |
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