L'intégration de la protection de l'environnement en droit des aides d'état( Télécharger le fichier original )par Olivier PEIFFERT Nancy-Université - Master 2 à‰tudes européennes 2009 |
B ) Le contrôle des instruments fondés sur le marchéLe régime juridique des aides pour la protection de l'environnement est mobilisé par la Commission dans le but de contrôler le respect du PPP et du libre jeu de la concurrence par les Etats membres lorsqu'ils mettent en oeuvre certains instruments de protection de l'environnent fondés sur le marché. Les Lignes directrices et le RGEC font en effet référence aux écotaxes et au système communautaire d'échange de quotas d'émissions de gaz à effet de serre (SCEQE). Concernant la fiscalité environnementale, un régime spécifique de contrôle a été aménagé par la Commission327(*), qui considère que les réductions et les exonérations de taxes environnementales peuvent « s'avérer nécessaires pour remédier indirectement aux externalités négatives en facilitant l'introduction ou le maintien d'une fiscalité environnementale relativement élevée »328(*). Ce paradoxe s'explique par la nécessité d'accorder des exemptions fiscales temporaires aux entreprises visées par les écotaxes, suivant un raisonnement proche de celui applicable aux aides directement accordées pour la protection de l'environnement. En effet, lorsque des Etats membres instituent des écotaxes, les opérateurs économiques, principalement ceux étant responsables des principales sources de dégradation de l'environnement, doivent pouvoir bénéficier de réductions temporaires afin de s'adapter à la nouvelle législation, sans que cela ne grève de façon disproportionnée leur budget. L'approche suivie par la Commission est ici pragmatique : elle considère que « le caractère pro-environnemental résulte de l'établissement de la taxe » dans son principe, qui permettra à terme « de réduire de façon globale les émissions ou la consommation d'énergie »329(*). Là encore, les normes communautaires constituent un socle minimum d'internalisation permettant de considérer les réductions et exonérations de taxes environnementales comme compatibles avec le marché unique. En effet, les réductions ou exonérations de taxes harmonisées doivent être conformes à la législation communautaire pertinente et se conformer aux limites et conditions qui y sont établies330(*). Pour les réductions et exonérations inférieures au niveau communautaire et pour les écotaxes ne faisant pas l'objet de mesures d'harmonisation communautaire, la Commission contrôlera leur proportionnalité et leur nécessité ; ce contrôle est notamment fondé sur l'analyse des distorsions de concurrence qu'elles induisent et sur le maintien d'un taux minimum d'imposition331(*). Il s'agit donc ici encore d'inciter les Etats membres à renforcer la législation nationale visant à l'internalisation des coûts de la pollution332(*). Enfin, le SCEQE fait lui aussi l'objet de développements au sein des Lignes directrices. L'UE, liée par le protocole de Kyoto de 1997 qui fixe des objectifs juridiquement contraignants en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, a mis en place son propre système d'échanges de quotas par l'adoption de la directive 2003/87333(*). Ce SCEQE a pour objet de plafonner les émissions de CO2 des 11500 entreprises qui sont collectivement responsables de près de la moitié de ces émissions à l'échelle de l'UE. Les Etats membres attribuent en ce sens des quotas d'émission déterminant le volume de CO2 que ces opérateurs sont autorisés à rejeter dans l'atmosphère334(*). Ce système repose lui aussi sur le PPP, les quotas attribués pouvant faire l'objet d'un négoce entre les opérateurs concernés : « les entreprises dont les émissions sont inférieures aux quotas qui leur sont octroyés peuvent vendre leurs excédents aux entreprises qui éprouvent des difficultés à respecter les valeurs limites qui leur ont été assignés, ou qui estiment que les mesures de réduction des émissions sont plus coûteuses que l'achat de quotas sur le marché. Les entreprises sont également autorisées à dépasser leurs quotas, si elles ont acheté des quotas supplémentaires sur le marché »335(*). Ainsi, les opérateurs sont incités par ce système à recourir à des techniques de production moins polluantes, et l'achat de quotas sur le marché pour les entreprises les moins respectueuses de l'environnement participe à l'internalisation des coûts environnementaux. Le SCEQE est par ailleurs assorti d'un mécanisme de sanction des opérateurs ne respectant pas le volume d'émission prévu par les quotas qui leur sont attribués. Néanmoins, l'internalisation des émissions de CO2 n'est pas totale à l'heure actuelle. En effet, afin de ne pas porter atteinte à la compétitivité des entreprises communautaires, la majeure partie de ces quotas est attribuée gratuitement par les Etats membres, alors qu'une « véritable internalisation des coûts environnementaux demanderait que ces quotas soient achetés par les opérateurs économiques 336(*)». Dans ce cadre, l'art 87 CE est mobilisé afin de s'assurer que les systèmes nationaux d'échanges de quotas mis en oeuvre par les Etats membres sur le fondement de la législation communautaire ne puissent donner lieu au versement d'aides d'Etat. Un récent arrêt du Tribunal de première instance permet d'éclairer ces considérations337(*). En l'espèce, était en cause le système d'échanges de quotas adopté par les Pays-Bas ; cet Etat membre, suite à la notification des actes de mise en oeuvre dudit système, a intenté un recours en annulation à l'encontre de la décision de la Commission qui en procédait. Les Pays-Bas contestaient en effet que leur régime d'échange de quotas puisse être considéré comme comportant des éléments d'aide d'Etat, même si l'autorité de concurrence avait conclu à la compatibilité de celui-ci avec le marché unique. Le juge communautaire, s'il a annulé la décision en cause, a néanmoins confirmé une part des arguments de la Commission ; il a en effet estimé que le système néerlandais de quotas, puisqu'il autorise les entreprises à échanger les droits d'émission, a conduit à la création d'un marché. Pour les entreprises soumises aux normes d'émission, ces droits acquièrent donc une valeur pécuniaire et peuvent être considérés comme des actifs incorporels. Or les Pays-Bas, en distribuant ces actifs à titre gratuit alors qu'ils auraient pu être vendus ou mis aux enchères, ont conféré aux entreprises un avantage tout en renonçant à des ressources d'Etat. Il s'agit ici d'une confirmation de la position de la Commission, les Lignes directrices prévoyant que l'allocation de permis et quotas peut constituer une aide d'Etat lorsqu'ils sont octroyés à un prix inférieur à celui du marché338(*). Le Tribunal a néanmoins jugé que le système mis en place, en ne favorisant pas certaines entreprises ou certaines productions, ne remplit pas la condition de sélectivité et ne peut donc être considéré comme une aide d'Etat au sens de l'art 87 CE. Si l'on peut raisonnablement envisager que l'évolution du SCEQE conduise à la réduction de la part des quotas gratuitement alloués dans le but réaliser une application effective du PPP, cette évolution ne se fera que sur le long terme339(*). Inversement, les réformes à venir s'orientent dans le sens d'une extension à de nouveaux secteurs et à d'autres émissions de gaz à effet de serre que le CO2340(*). Le contrôle des mesures nationales de mise en oeuvre du SCEQE par le recours au droit des aides d'Etat est donc appelé à se renforcer ; il aura pour objet de maintenir l'application effective du PPP, tout en veillant au respect de la libre concurrence341(*). En tout état de cause, le contrôle des instruments fondés sur le marché par le recours à l'art 87 CE a certainement de beaux jours devant lui. On constate donc que la réduction des externalités négatives est le dénominateur commun des règles relatives aux aides à l'environnement. Par ailleurs, le contrôle des instruments fondés sur le marché participe dans une certaine mesure à un objectif fondamental assigné aux mesures en faveur de la protection de l'environnement : la principale mesure d'harmonisation fiscale en la matière342(*) et le SEQE ont pour objet commun de s'appliquer au domaine de la production d'énergie. * 327 concernant la définition de la fiscalité environnementale et la procédure spécifique qui lui est consacré, v. supra Partie I), Chp II), C) Les règles d'articulation des instruments et les procédures de contrôle * 328 Lignes directrices concernant les aides d'Etat à la protection de l'environnement, 2008/C 82/01, préc., pt. 57 * 329 A ALEXIS, Protection de l'environnement et aides d'Etat : la mise en application du principe pollueur-payeur, préc., p. 632 * 330 Lignes directrices concernant les aides d'Etat à la protection de l'environnement, 2008/C 82/01, préc., pt. 152 et 153 ; règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission, préc., art. 25 * 331 Lignes directrices concernant les aides d'Etat à la protection de l'environnement, 2008/C 82/01, préc., pts. 154 et s., v. not. pts 158 et 159 ; P. THIEFFRY, Protection de l'environnement et droit communautaire de la concurrence, préc., n° 100 * 332 A ALEXIS, Protection de l'environnement et aides d'Etat : la mise en application du principe pollueur-payeur, préc., p. 637 et 638 * 333 directive du Parlement européen et du Conseil 2003/87 du 13 oct. 2003, établissant un système d'échanges de quotas d'émission de gaz à effet de serre dans la Communauté, JOUE L 275 du 25 oct. 2003 * 334 pour une description du SCEQE, v. not. Y. PETIT, Environnement, préc., n° 220 et s. * 335 Ibid., n° 221 * 336 A ALEXIS, Protection de l'environnement et aides d'Etat : la mise en application du principe pollueur-payeur, préc., p. 639 et 640 * 337 v. not. l'arrêt TPICE, 10 avril 2008, Pays-Bas c/ Commission, aff. T-233/04, Rec. II-591 ; dans cet arrêt, le TPICE a écarté la qualification d'aide d'Etat, retenue par la Commission, la condition de sélectivité n'étant pas remplie ; v. commentaires G. JAZOTTES, Rev. Lamy dr. aff., nov. 2008, n° 32 ; J. P. GUNTHER, D. TAYAR et L. AIMINO, Lamy concurrence, juill. 2008, n° 16 * 338 Lignes directrices concernant les aides d'Etat à la protection de l'environnement, 2008/C 82/01, préc., pt. 139 * 339 A ALEXIS, Protection de l'environnement et aides d'Etat : la mise en application du principe pollueur-payeur, préc., p. 640 * 340 Y. PETIT, Environnement, préc., n°224, v. ég. la communication de la Commission « Deux fois 20 pour 2020, saisir la chance qu'offre le changement climatique » COM(2008) 30 final, préc., p. 6 et s. * 341 néanmoins, le contrôle des distorsions de concurrence entre les Etats membres sera remis en question si l'évolution du SCEQE conduit à la mise en place d'un système amélioré d'échange de quotas d'émission couvrant toute l'Union ; v. la communication de la Commission « Deux fois 20 pour 2020, saisir la chance qu'offre le changement climatique » COM(2008) 30 final, préc., p. 6 * 342 Il s'agit de la directive du Conseil 2003/96/CE du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité, JOUE L 283 du 31 oct. 2003, p. 51 ; v. Lignes directrices concernant les aides d'Etat à la protection de l'environnement, 2008/C 82/01, préc., pt. 152 |
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