L'intégration de la protection de l'environnement en droit des aides d'état( Télécharger le fichier original )par Olivier PEIFFERT Nancy-Université - Master 2 à‰tudes européennes 2009 |
III ) La concrétisation de la conciliationComme il l'a été précédemment démontré, les règles afférentes aux aides d'Etat pour la protection de l'environnement fondent leur compatibilité avec le marché unique sur la correction des externalités négatives afin de faciliter la transition vers la généralisation du PPP (1). Cette logique d'internalisation s'applique également pour les aides en faveur du secteur de l'énergie, mais en aménageant alors des conditions de compatibilité exorbitantes du droit commun (2). Il s'agit en tout état de cause de participer à la réalisation du développement durable : la question de la correction des externalités négatives est en effet un pilier du principe de gestion rationnelle, visant à lutter contre la surexploitation des ressources naturelles induite par des prix du marché ne reflétant pas la rareté réelle des actifs environnementaux. Les aides d'Etat se présentent alors comme « des instruments économiques incitatifs venant compléter les instruments réglementaires pour rendre effective l'internalisation des effets externes 312(*)». 1 ) La correction des externalités négatives par l'application du PPPUne externalité négative est une forme de défaillance de marché ; elle correspond « à une situation dans laquelle le marché, d'un point de vue économique, ne fonctionne pas d'une manière efficiente ». On parle d'externalité « quand les actions d'un agent économique ont des conséquences pour d'autres agents. Cet effet peut être négatif (on parlera « d'externalités négatives ») ou positif (« externalités positives »). Un exemple d'externalité négative est la situation dans laquelle des effets environnementaux négatifs comme la pollution ne sont pas pris en considération par les producteurs »313(*). Les règles afférentes aux aides d'Etat pour l'environnement ont pour objet d'assurer, conformément au PPP, l'internalisation de ces défaillances « qui conduisent à un niveau de protection infra-optimal »314(*) du milieu naturel. Pour ce faire, elles autorisent des aides qui permettent directement d'améliorer la protection de l'environnement (A). Par ailleurs, le régime juridique des aides d'Etat est mobilisé afin de garantir le respect du PPP par les Etats membres lorsqu'ils recourent à des instruments fondés sur le marché (B). A ) Les aides en faveur de l'amélioration de la protection de l'environnementConcernant l'amélioration directe de la protection de l'environnement, les Lignes directrices rappellent que l'existence d'une défaillance de marché n'autorise pas le recours automatique aux aides d'Etat. En effet, l'octroi d'un soutien financier aux opérateurs économiques n'est admis que lorsqu'il permet une protection de l'environnement qui soit supérieure à ce que prévoient les normes communautaire. A l'inverse, une mesure destinée à aider les entreprises à respecter des normes communautaires en vigueur « n'entraînerait pas un niveau supérieur de protection de l'environnement »315(*). Les règles communes forment donc un socle minimum d'internalisation de la pollution, qui ne peut être atteint que par le recours aux propres capacités financières des entreprises. Les normes communautaires sont définies soit comme les normes obligatoires « fixant les niveaux à atteindre par les entreprises individuellement », soit, à titre alternatif, comme le recours aux meilleures techniques disponibles telles qu'elles sont établies au titre de la directive 2008/1/CE du 15 janvier 2008316(*). Les Etats membres ne sont autorisés à verser des aides que lorsqu'elles permettent de parvenir à un niveau de protection de l'environnement supérieur à celui requis par lesdites normes communautaires ou qui augmentent ce niveau de protection en l'absence de mesures communautaires317(*). La Commission s'en explique : le soutien financier de l'Etat permet de créer des incitations individuelles à réduire la pollution318(*). Il se justifie également par l'allégement des charges que l'adoption d'une norme nationale fait peser sur les entreprises et notamment celles dont les finances seront les plus affectées : il s'agit alors de permettre aux Etats membres de rechercher unilatéralement un niveau de protection supérieur à celui requis par les normes communautaires, sans nuire pour autant à la compétitivité des entreprises nationales319(*). L'intérêt des dispositifs mis en place est donc d'inciter les Etats membres à adopter des législations nationales strictes en matière en environnementale, puisque cela ouvre droit au versement d'éventuelles aides d'Etat. Sont également autorisées les aides permettant l'adaptation anticipée aux futures normes communautaires, récemment adoptées mais n'étant pas encore en vigueur, afin de réaliser une internalisation de la pollution plus rapide qu'en l'absence d'aides320(*). Néanmoins, l'intensité maximale de ces mesures est faible et varie en fonction du délai d'entrée en vigueur de la norme321(*) ; de plus, ne bénéficient alors du mécanisme d'exemption que les aides versées aux PME322(*). En somme, il s'agit pour toutes ces aides d'un « incitation à faire mieux que prévu par la législation communautaire »323(*) . Si cette logique s'applique aux principaux dispositifs prévus par les instruments, certains d'entre eux répondent néanmoins à des modalités particulières. Tout d'abord, le dispositif relatif aux aides en faveur de la réhabilitation des sites contaminés vise à remédier à un état de pollution lorsqu'il est impossible, conformément au PPP, d'en imputer la faute à un quelconque responsable ; il ne s'agit donc pas de dépasser le niveau de protection de l'environnement établi par les normes communautaires324(*). Par ailleurs, les dispositions relatives aux aides à la gestion des déchets ne font référence au PPP que comme une condition, parmi d'autres, de validité des aides. Ce dispositif vise au premier chef à atteindre les objectifs environnementaux communautaires afférents à la gestion des déchets325(*). Enfin, le dispositif des aides en faveur des études environnementales ne fait aucune référence aux externalités négatives, puisqu'il cherche quant à lui à résoudre une autre forme de défaillance de marché : l'asymétrie d'information326(*). La prise en compte des normes communautaires d'harmonisation est néanmoins fondamentale lorsqu'il s'agit d'établir la compatibilité des aides. Elle doit également intervenir lors du contrôle de certains instruments fondés sur le marché. * 312 J. J. GOUGUET, Développement durable et décroissance, deux paradigmes incommensurables, préc., p. 125 et s. * 313 V. RABASSA, Quelle place pour l'analyse économique des aides d'Etat ? (1), Concurrences, n° 1-2006, p. 63 à 68, n° 9 * 314 Lignes directrices concernant les aides d'Etat à la protection de l'environnement, 2008/C 82/01, préc., pt. 19 * 315 Ibid., pt. 45 * 316 Ibid., pt. 70 (3) i) et ii) ; règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission, préc., art 17 3) a) et b) ; le caractère alternatif du recours au meilleures techniques disponibles ou aux normes communautaires obligatoires est une innovation des instruments actuels, qui aboutit à une définition plus vaste des normes communautaires, réduisant de ce fait le champ d'application desdits instruments ; P. THIEFFRY, Le nouvel encadrement des aides d'Etat à l'environnement, préc., n° 23 * 317 Lignes directrices concernant les aides d'Etat à la protection de l'environnement, 2008/C 82/01, préc., pts. 73 et s., pts. 85 et s. et pt. 46 pour les dispositifs d'aides ; pts. 167 et 168 pour les aides relevant de la procédure détaillée ; règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission, préc., art 18 et 19. * 318 Pour un exemple de régime d'aides visant à créer des incitations individuelles à augmenter la protection de l'environnement, v. Décision C(2008) 8452 du 17 déc. 2008, relative à l'aide d'Etat n° 387/2008 par laquelle la France envisage de mettre à exécution un régime d'aides de l'ADEME dans le domaine du transport, http://ec.europa.eu/competition/state_aid/register/ * 319 Lignes directrices concernant les aides d'Etat à la protection de l'environnement, 2008/C 82/01, préc., pts. 21 et s et pt. 26 * 320 Ibid., pts 87 et s. ; règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission, préc., art 20 ; sous le régime de l'encadrement de 2001, ces aides étaient réservées aux seules PME ; P. THIEFFRY, Le nouvel encadrement des aides d'Etat à l'environnement, préc., n° 22 * 321 Lignes directrices concernant les aides d'Etat à la protection de l'environnement, 2008/C 82/01, préc., pt. 88, comparer avec le pt. 79 ; règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission, préc., art. 20 paragraphe 3, comparer avec l'art 18 paragraphe 4 et l'art 19 paragraphe 5 * 322 règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission, préc., art 20 * 323 A ALEXIS, Protection de l'environnement et aides d'Etat : la mise en application du principe pollueur-payeur, préc., p. 636 * 324 Lignes directrices concernant les aides d'Etat à la protection de l'environnement, 2008/C 82/01, préc., pt. 53 * 325 Ibid., pt. 52 * 326 Lignes directrices concernant les aides d'Etat à la protection de l'environnement, 2008/C 82/01, préc., pt. 46 ; pour une définition de la notion d'asymétrie d'information, v. not. V. RABASSA, Quelle place pour l'analyse économique des aides d'Etat ? (1), préc., n° 12 |
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