L'intégration de la protection de l'environnement en droit des aides d'état( Télécharger le fichier original )par Olivier PEIFFERT Nancy-Université - Master 2 à‰tudes européennes 2009 |
3 ) Les instruments applicables aux aides d'Etat pour la protection de l'environnementAu sein de l'architecture des règles afférentes aux aides d'Etat, le droit positif applicable aux aides pour la protection de l'environnement est composé de divers instruments. On trouve en premier lieu des actes spécialement consacrés à la protection de l'environnement. On le sait, la Commission a adopté en cette matière de nombreuses orientations successives, la plus récente étant contenue dans les lignes directrices concernant les aides d'Etat pour la protection de l'environnement du 23 février 2008 précitées125(*). Celles-ci, remplaçant le précédent encadrement du 3 février 2001126(*), sont entrées en vigueur le 2 avril 2008, premier jour après leur publication au JOUE, et s'appliqueront jusqu'au 31 décembre 2014. Les conditions de révision de ces lignes directrices illustrent bien les liens qu'elles entretiennent avec le plan d'action climat ; la Commission pourra en effet les modifier « pour des raisons importantes liées à la politique de la concurrence ou à la politique en matière environnementale ou afin de tenir compte (...) d'engagements internationaux. De telles modifications pourraient s'avérer nécessaires notamment à la lumière de futurs accords internationaux dans le domaine du changement climatique et de la future législation européenne en la matière »127(*). Ces lignes directrices sont consolidées, introduisant des dispositions qui régissent des formes nouvelles d'aides à l'environnement Plus spectaculairement, les aides d'Etat pour l'environnement bénéficient aujourd'hui du mécanisme de l'exemption catégorielle128(*). Le Plan d'action dans le domaine des aides d'Etat fait référence, on l'a dit, à la protection de l'environnement. Il prévoyait ainsi notamment l'introduction des aides d'Etat pour la protection de l'environnement dans le champ d'application du futur RGEC. C'est chose faite, l'instrument général adopté le 6 août 2008129(*) consacrant de longs développements à la protection de l'environnement en sa section 4. Il est entré en vigueur le 29 août 2008, vingt jours après sa publication au JOUE, et s'appliquera jusqu'au 31 décembre 2013130(*) ; les dispositions transitoires ne sont pas applicables aux aides pour la protection de l'environnement, celles-ci n'ayant pas bénéficié antérieurement du mécanisme d'exemption catégorielle. L'intégration au sein du RGEC démontre l'expérience acquise par la Commission en matière d'aides à l'environnement, puisqu'il définit des critères écartant de plein droit les doutes relatifs à leur compatibilité avec le marché unique131(*). Le maintien d'une dualité d'instruments s'explique par la diversité de leur nature. Le système d'exemption catégorielle vise à dispenser la Commission de l'examen d'aides dont la compatibilité avec le marché unique est bien établie, lui permettant de se concentrer sur les mesures dont l'appréciation est plus délicate ; cependant, le RGEC « reste un régime dérogatoire d'examen de la compatibilité des aides132(*) ». Les interventions ne respectant pas les critères du règlement seront analysées directement sur la base de l'art 87 CE paragraphe 3 et à la lumière des Lignes directrices relatives aux aides à l'environnement. Le champ d'application de cet acte s'étend d'ailleurs à des mesures qui ne bénéficient pas de l'exemption catégorielle. Il prévoit en outre des intensités d'aides supérieures à celles autorisées par le RGEC. Enfin, bien qu'elles soient opposables à la Commission, Les lignes directrices constituent un instrument dont elle peut s'écarter133(*). « Une telle combinaison d'instruments paraît nécessaire pour que le contrôle présente la flexibilité requise que ne permet pas un règlement d'exemption catégorielle au regard des pratiques étatiques nécessairement diverses et évolutives dans ce domaine complexe et en évolution constante134(*) ». Au delà des instruments qui leur sont spécifiquement consacrés, d'autres actes sont potentiellement applicables aux aides pour l'environnement. En premier lieu, le nouveau règlement relatif aux aides de minimis n'exclut pas la protection de l'environnement de son champ d'application135(*). Ainsi, une aide pour la protection de l'environnement n'excédant pas le plafond fixé bénéficiera de l'exemption, sous réserve du respect des conditions de transparence posées par le règlement et de l'exclusion de nombreux secteurs économiques du champ d'application du règlement de minimis. Par ailleurs, les instruments spécifiques aux aides d'Etat dans des secteurs soumis de longue date à des régimes dérogatoires contiennent également des dispositions relatives à la protection de l'environnement. Dans le secteur agricole par exemple, l'adoption d'une lex specialis s'explique par le jeu de l'art 36 CE, qui tempère l'application des règles de concurrence à la production et à la commercialisation des produits agricoles. Dans ce domaine, les Lignes directrices de la communauté concernant les aides d'État dans le secteur agricole et forestier136(*) visent directement l'art 6 CE ; elles aménagent un régime spécifique aux aides à l'environnement137(*). Le règlement relatif aux aides d'État accordées aux PME agricoles138(*) accorde quant à lui le bénéfice de l'exemption catégorielle à des mesures en faveur de l'environnement139(*). Enfin, une aide ou un régime d'aide peut être examiné sur le fondement de plusieurs instruments. En ce cas, la Commission appliquera le régime communautaire le plus favorable, sous réserve du respect des règles de cumul140(*). Cette application distributive intervient lorsque les bénéficiaires ou la nature des aides examinées relèvent d'actes différents. La Commission, sur le fondement de l'art 88 CE puis du règlement d'habilitation adopté par le Conseil, a donc développé un important corpus de normes visant à établir la compatibilité, présumée ou désormais établie de plein droit, des aides d'Etat avec le marché unique. Si cette démarche de clarification et de codification de sa pratique décisionnelle a sans conteste renforcé la sécurité juridique du contrôle des aides, elle conduit in fine à relativiser et même à renverser le principe d'incompatibilité des interventions étatiques avec les règles de la libre concurrence, inscrit à l'art 87 CE, dans une Communauté de droit en principe caractérisée par le respect de la hiérarchie des normes141(*). On notera que le Traité sur le fonctionnement de l'UE, tel qu'issu de la révision de Lisbonne, corrige cette incohérence en introduisant à son art 108 un paragraphe 4 prévoyant expressément la possibilité pour la Commission d'adopter des règlements d'exemption sur habilitation du Conseil. Néanmoins, la consécration du pouvoir ainsi accordé à la Commission, bien qu'étant encadré par les règlements du Conseil et par le recours à la comitologie, n'est pas exempt de critiques142(*), alors que la construction européenne peine à résoudre l'épineux problème du déficit démocratique induit par la méthode communautaire143(*). Indépendamment des ces considérations, les aides d'Etat pour la protection de l'environnement sont donc régies par des instruments divers, au premier plan desquels on trouve des actes qui leur sont spécifiquement consacrés. Ceux-ci seront l'objet principal de cette étude, puisqu'ils reflètent au premier chef l'intégration des exigences environnementales en droit des aides d'Etat. * 125 Lignes directrices concernant les aides d'Etat à la protection de l'environnement, 2008/C 82/01, préc. * 126 Encadrement communautaire des aides d'État pour la protection de l'environnement, JOUE C 37, 3 fév. 2001, p.3 * 127 Lignes directrices concernant les aides d'Etat à la protection de l'environnement, 2008/C 82/01, préc., pt. 203 * 128 Or cette évolution n'était pas acquise. V. not. les doutes qu'exprimait un actuel chef d'unité de la DG Concurrence sur l'adoption d'un REC relatif aux aides à l'environnement, même s'il était favorable à cette évolution ; A ALEXIS, Protection de l'environnement et aides d'Etat : la mise en application du principe pollueur-payeur, RAE 2003-2004/4 p. 629, v. p. 633 et p. 640 * 129 règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission, déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché commun en application des articles 87 et 88 du traité (règlement général d'exemption par catégories), préc. * 130 Ibid., art 45 * 131 le Tableau de bord des aides d'Etat d'automne 2008 relève qu' « au cours des sept années (2001-2007) d'application du précédent encadrement des aides d'État pour la protection de l'environnement, la Commission a pris environ 350 décisions. Dans la grande majorité des cas (98 %), elle a autorisé les mesures sans ouvrir la procédure formelle d'examen, concluant à la compatibilité de l'aide examinée avec les règles relatives aux aides d'État. » ; COM(2008) 751 final, 17 nov. 2008, non publié au JOUE, p. 44 * 132 M. KARPENSCHIF, Le RGEC : nouveau départ pour le droit des aides d'Etat ?, préc., pt. 19 * 133 C'est d'ailleurs en raison de cette flexibilité qu'a longtemps été préféré, pour encadrer les aides d'Etat à l'environnement, le recours aux orientations ; A. ALEXIS, Protection de l'environnement et aides d'Etat : la mise en application du principe pollueur-payeur, préc., p. 633 ; * 134 P THIEFFRY, Le nouvel encadrement des aides d'Etat à l'environnement (2008-2014), PA du 7 mars 2008 n° 49 p.4, n° 6 * 135 Règlement (CE) n° 1998/2006 de la Commission du 15 déc. 2006 concernant l'application des articles 87 et 88 du traité aux aides de minimis, JOUE L 379 du 28.12.2006, p. 5-10, art 1 * 136 Lignes directrices de la communauté concernant les aides d'État dans le secteur agricole et forestier 2007-2013, (2006/C 319/01), JOUE n° C 319 du 27 déc. 2006 p. 1 - 33 * 137 Ibid., pts. 48 et s. ; pour un ex. récent d'application de cette orientation, v. la décision de la Commission relative à l'aide n° N 266/2007 concernant des effluents d'élevage, C(2007) 5587, du 14 nov. 2007 * 138 règlement CE n° 1857/2006 de la Commission du 15 déc. 2006 concernant l'application des articles 87 et 88 du traité aux aides d'État accordées aux petites et moyennes entreprises actives dans la production de produits agricoles et modifiant le règlement (CE) n°70/2001, JOUE L 358 du 16 déc. 2006, p. 3 * 139 Ibid., art 4 paragraphe 3 * 140 v. par exemple la décision de la Commission relative à l'aide d'Etat que le Royaume-Uni envisage de verser à une installation de papier journal dans le cadre du programme WRAP, 23 juill. 2003, 2003/814/CE, JOUE L 314 du 23 nov. 2003, p. 26 ; v. pts. 117 à 149 pour l'application de l'encadrement des aides pour l'environnement puis des lignes directrices concernant les aides régionales ; v. pt 184 pour les règles de non-cumul * 141 cette conception de l'ordre juridique communautaire prévaut depuis le fameux arrêt « Les Verts », CJCE, 23, avril 1986, aff. C-294/83, Rec. 1339 ; v. not. J.P. JACQUE, Droit institutionnel de l'Union européenne, 4° éd. 2006, Dalloz, n° 66 et s. * 142 en comparaison, les règles essentielles de concurrence en droit français ont été définies par l'ordonnance n° 86-1243 du 1 décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, qui suppose l'assentiment du législateur. * 143 le déficit démocratique est un sujet largement abordé par la Théorie politique et de nombreux auteurs s'accordent à l'expliquer par le choix de la méthode communautaire. Ce déficit est pour certains inhérent à toute démarche supranationale, alors qu'il n'est qu'une conséquence du bouleversement de la structure politique nationale pour d'autres ; v. not. J. LACROIX et P. MAGNETTE, Théorie politique, in C. BELOT, P. MAGNETTE et S. SAURUGGER (sous la direction de), Sciences politiques de l'Union européenne, 2008, coll. Etudes politiques, Economica, p. 5, p. 11 et s. et p. 17 et s. |
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