La protection juridique de l'environnement au Cameroun et en France: le cas des nuisances sonores( Télécharger le fichier original )par Christelle Fanny-Ange MATCHUM KOUOGUE Université de Limoges - Master 2 en Droit International et Comparé de l'Environnement 2008 |
Section II :Le Maire, un acteur incontournable de la lutte contre le bruit en France.L'impact du bruit étant essentiellement local, le maire est sollicité en tant que représentant de la commune mais également par les pouvoirs de police que la loi lui a confiés (I). En effet, il possède de nombreuses compétences en matière de bruit et constitue le pivot de la lutte contre les nuisances sonores. Il est important de noter que ses interventions varient en fonction du type de bruit (II). I- Les Pouvoirs de police du Maire en matière de bruits de voisinage. Les bruits de voisinage regroupent une très large gamme de sources de bruit. En effet, entrent dans cette catégorie, tous les bruits créant un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage. Il s'agit de bruits causés par toute personne qui, dans un lieu public ou privé, aura été à l'origine (par elle-même ou par l'intermédiaire d'une chose ou d'un animal dont elle a la garde) d'un bruit de nature à porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme, par sa durée, sa répétition ou son intensité. Ainsi, les bruits de voisinage regroupent : - les bruits de comportement ; - les bruits d'activités économiques non classées ; - les bruits d'activités sportives, de loisirs et culturelles ; - les bruits de chantiers. 31(*) Le maire détient des pouvoirs de police administrative et de police judiciaire. Sur le plan administratif, ses prérogatives sont scindées en police générale et spéciale. La base légale du pouvoir de police générale du maire résulte de l'art L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, conférant aux maires : «Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique, telles que les rixes et disputes accompagnées d'ameutement dans les rues, le tumulte excité dans les lieux d'assemblée publique, les attroupements, les bruits, y compris les bruits de voisinage, les rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants et tous les actes de nature à compromettre la tranquillité publique». En outre, l'article L. 2213-4 dispose que : « Le maire peut, par arrêté motivé, interdire l'accès de certaines voies, ou de certains secteurs de la commune aux véhicules dont la circulation dans ces lieux est de nature à compromettre la tranquillité publique ». Sur le fondement de ce même article, le maire peut soumettre les activités s'exerçant sur la voie publique à des prescriptions particulières telles que des conditions d'horaires, d'accès à certains lieux, des niveaux sonores admissibles. Il convient de noter que dans les communes à police étatisée, le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique incombe au préfet sauf en ce qui concerne les troubles de voisinage (article L. 2214-4 - CGCT). En complément du Code général des collectivités territoriales, le Code de la santé publique dans l'article L. 1311-2 autorise le maire à intervenir au titre de la police spéciale de la Santé Publique lorsque les bruits sont de nature à porter atteinte à la santé de l'homme. Dans la partie réglementaire du CSP, les mesures particulières de police spéciale se trouvent aux articles R. 1334-30 à 37. Ce même code donne la possibilité de prendre des arrêtés ayant pour objet d'édicter des dispositions particulières relatives au bruit en vue d'assurer la protection de la santé publique et permet ainsi de renforcer les textes réglementaires sur les bruits de voisinage pour les adapter au contexte communal. En tant qu'officier de police judiciaire, il incombe au maire le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique. Il constate des faits par procès verbal, les transmet au procureur de la République dans un délai de cinq (5) jours.32(*) Dans le domaine des sonneries de cloches, qui a donné lieu au début du siècle à de nombreuses décisions municipales, le maire peut prendre des arrêtés en vertu de l'article 27 de la loi du 9 décembre 1905 afin d'en réglementer l'usage. Un maire a ainsi refusé de réglementer la sonnerie des cloches le matin à 7 heures, heure de l'Angélus, dès lors que cette sonnerie ne constituait pas une menace pour l'ordre public 33(*) De même a-t-il été jugé qu'un maire pouvait refuser d'interdire la sonnerie de l'horloge de l'église la nuit, si la sonnerie n'était pas constitutive de troubles graves à la tranquillité publique.34(*) Dans le domaine de l'aviation civile, Si des dispositions du Code de l'aviation civile (articles L. 131-3 et R. 131-4) confient au ministre la faculté d'interdire le survol de certaines zones, ces dispositions n'ont pas pour effet de priver le maire d'utiliser ses pouvoirs de police générale, en vue d'assurer la tranquillité publique et donc de réglementer l'utilisation d'appareils d'aéromodélisme sur le territoire de sa commune.35(*) L'ordonnance n° 45-2339 du 13 octobre 1945 soumet les spectacles forains, les exhibitions de chants et de danse dans les lieux publics et tous les spectacles de curiosité ou de variété à une autorisation municipale. En vertu de ce texte, un maire a pu légalement interdire un festival de pop music sur le territoire de sa commune.36(*) Le Code des débits de boissons (L. 62) s'applique à des établissements pouvant générer de nombreuses nuisances et particulièrement des nuisances sonores. Un maire peut donc, en toute légalité, réduire les horaires d'ouverture d'une discothèque.37(*) Le Code de l'Urbanisme apporte également au maire, des moyens efficaces pour lutter contre le bruit de voisinage. Le Plan Local d'Urbanisme et le permis de construire sont autant d'instruments mis à sa disposition pour la lutte contre les nuisances sonores. En effet, le maire peut soumettre la délivrance de certains documents à la réalisation de certaines conditions. Ainsi, les certificats d'urbanisme et les permis de construire peuvent être refusées ou n'être accordées que sous réserve de prescriptions spéciales : si les constructions en raison de leur localisation sont susceptibles d'être exposées à des nuisances dues au bruit38(*) ou si les constructions et installations génératrices de bruit sont de nature à porter atteinte à la salubrité publique.39(*) Ces différents textes de droit constituent le fondement juridique du pouvoir de police spéciale du maire. Les prérogatives de police spéciale visent généralement les bruits émis en dehors du domaine librement accessible au public. II- Les compétences du maire en fonction des types de bruit. Les types de bruit en question sont : les bruits de comportement, bruit des activités économiques (hors ICPE), bruit des activités sportives de loisirs et culturelles, bruit des chantiers. 1- Bruit de comportement. Ces bruits qualifiés d'inutiles, de désinvoltes ou d'agressifs peuvent provenir des personnes elles-mêmes ainsi que des choses ou des animaux dont ces personnes ont la garde. Exemples : aboiements de chiens, cris de coqs, comportements bruyants, tapage, travaux de bricolage ou de jardinage, pétards, appareils électroménagers, appareils de diffusion de musique... Le maire a pour rôle dans cette catégorie de vérifier le bien-fondé des plaintes ; Inciter les citoyens à respecter quelques règles simples de savoir-vivre (faire dresser son chien, placer sous les appareils électroménagers des plots anti vibratiles et des patins sous les meubles fréquemment déplacés, préférer les pantoufles aux chaussures à talons... ) ; Faire des rappels de la réglementation en vigueur aux fauteurs de trouble ; Organiser des réunions de conciliation entre les différentes parties concernées ; Constater ou faire constater les infractions ; Faire des mises en demeure et dresser des procès-verbaux si besoin ; Prendre des arrêtés pour limiter ou interdire l'utilisation de certains appareils bruyants.40(*) 2- Bruit des activités économiques (hors ICPE) Bruits générés par des activités bruyantes exercées dans des entreprises, des établissements, des centres d'activités, des installations publiques ou privées établis à titre permanent ou temporaire. Exemples : ateliers de menuiserie, garages automobiles, stations de lavage automobiles, supermarchés (compresseurs, chambres froides, groupes électrogènes,...), boulangeries, livraisons de marchandises, restaurants (climatisations, groupes frigorifiques,...), élevages non classés, dispositifs de pompage pour l'irrigation des cultures. Le maire a pour rôle de : Vérifier le bien-fondé des plaintes, Faire des rappels de la réglementation en vigueur aux fauteurs de trouble ; Organiser des réunions de conciliation entre les différentes parties concernées ; Constater ou faire constater les infractions par la réalisation de mesures sonométriques effectuées par un personnel commissionné et habilité ; Faire des mises en demeure (par simple lettre ou par arrêté municipal individuel) et dresser des procès-verbaux si besoin.41(*) 3- Bruit des activités sportives de loisirs et culturelles. Bruits générés par les activités sportives, de loisirs ou culturelles se déroulant en plein air ou sur sites fermés. Exemples : moto-cross, ball-trap, stand de tir, parcours de chasse, aéro-club, karting, salle de sports, piscine, terrain de sport, piste de skate-board, circuit de modèles réduits radioguidés, parc d'attraction, école de musique, école de danse, concert en plein air, kermesse, brocante... Le maire est tenu dans ce cas à : Vérifier le bien-fondé des plaintes ; Faire des rappels de la réglementation en vigueur aux fauteurs de trouble ; Organiser des réunions de conciliation entre les différentes parties concernées ; Constater ou faire constater les infractions par la réalisation de mesures sonométriques effectuées par un personnel commissionné et habilité ; Faire des mises en demeure (par simple lettre ou par arrêté municipal individuel) et dresser des procès-verbaux si besoin.42(*) 4- Bruit des chantiers. Bruits émis par les chantiers de travaux publics ou privés et bruits des travaux intéressant les bâtiments et leurs équipements soumis à une procédure de déclaration ou d'autorisation. Exemples : marteau piqueur, groupe électrogène, engin de terrassement. Pour des chantiers utilisant du matériel bruyant, le maire peut prendre des arrêtés précisant : les horaires et les périodes de fonctionnement, les niveaux sonores à ne pas dépasser en fonction de la proximité du voisinage, les règles générales d'emploi, d'implantation et de protection acoustique de certains matériels. Le maire pourra compléter, lors de la notification du permis de construire (chantier privé) ou déclaration de travaux (chantier public), ces prescriptions générales. Pour les engins de chantier existants avant 1972, une distance minimale de 100 m doit être respectée entre ces appareils et les immeubles à usage d'habitation. Le maire peut contrôler sur place le respect de cette distance. Il peut également se faire présenter les documents d'homologation du matériel, vérifier les marques d'identification des engins et contrôler l'efficacité des dispositifs d'insonorisation. S'il y a infraction et refus de mise en conformité, le maire peut dresser procès-verbal et le cas échéant faire arrêter le chantier.43(*) 5- Bruit de musique amplifiée Bruits liés aux établissements ou locaux recevant du public et diffusant, à titre habituel, de la musique amplifiée. Les salles dont l'activité est réservée à l'enseignement de la musique et de la danse ne sont pas concernées. Exemples : discothèque, dancing, bar, bar karaoké, restaurant, salle de concerts,... S'il existe une salle polyvalente ou une salle des fêtes sur sa commune, en tant que maître d'ouvrage, le maire doit faire réaliser l'étude d'impact si cette salle rentre dans le cadre du décret n°98-1143 relatif aux prescriptions applicables aux établissements ou locaux diffusant à titre habituel de la musique amplifiée. En fonction des résultats de l'étude acoustique, il sera nécessaire de mettre en oeuvre les préconisations qui en découlent ; Veiller au respect du décret n°98-1143 : recenser les établissements concernés par ce décret et implantés sur sa Commune, les informer des dispositions réglementaires...Le maire peut également demander à être destinataire des études d'impact acoustique. La prévention restant l'action à privilégier, la meilleure formule consiste en l'élaboration (ou l'adaptation) d'un document d'urbanisme précisant les conditions d'implantation de tels établissements.44(*) * 31 DRASS et DDASS de la région de Picardie, Guide à l'usage du maire, www.picardie.santé.gouv.fr * 32 Ibid... , * 33 C.E., 11 mai 1994, Larcena, n° 137612. * 34 T.A. de Nantes, 7 avril 1988, Baume, n° 9886. * 35 C.E., 8 mars 1993, Cne des Molières * 36 C.E., 11 juill. 1975, Sieur Clément et Assoc. pour la défense de la culture et de la musique contemporaine, * 37 C.E., 20 déc. 1995, Cne de Ville sur Illon, n° 144143 * 38 Article R 1113-1 du code de l'urbanisme pour les communes sans POS ou PLU ou/et article R 111-2 du code de l'urbanisme applicable sur tout le territoire national y compris en présence d'un POS ou d'un PLU * 39 Article R 111-2 du code de l'urbanisme. * 40 DRASS et DDASS de la région de Picardie, Guide à l'usage du maire, op cit... * 41 Ibid ..., * 42 Ibid..., * 43 Ibid..., * 44 Ibid..., |
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