4.2.2 Le jeu des déséquilibres
L'un des scénarii favoris de la spéculation sur
devises est celui du déséquilibre macroéconomique. Le taux
de change dépendant d'un cocktail subtil de variables
macroéconomiques, son niveau dépend aussi du bien-fondé
des décisions comme de la crédibilité des gouvernements et
des banques centrales. Parfois, sous l'effet des décisions de ces deux
autorités politique et économique, certaines situations
deviennent insoutenables pour l'économie. C'est le cas notamment de
déficits gouvernementaux peu compatibles avec une politique de change
fixe ou semi-flexible exigeant des autorités monétaires une
politique restrictive, à moins de stimuler une inflation etc. N'est-ce
pas là l'origine des modèles de crise de change de
première et deuxième générations ? Une situation
intenable ou un manque de confiance dans les autorités de par la
présence de déséquilibres économiques, et la
spéculation se fait les faussaires de leurs choix de politique
économique. Cela correspond à la notion de déplacement
définie par Kindlerberger9 qui montre que la première
étape d'un jeu spéculatif résulte d'un constat fondamental
non apprécié.
9 Op. cit
Si de tels jeux peuvent bénéficier aux
spéculateurs lorsque les autorités politiques et
économiques cèdent sur le poids de cette pression, les
conséquences macroéconomiques pour le pays peuvent être
dures. L'économie locale est bousculée,
déstabilisée et souffre d'un manque de confiance de la part des
agents. Les crises de change qui ont affecté les économies
émergentes en attestent. Elles se retrouvent soumises à de forts
taux d'intérêt pour retenir les capitaux, limiter leur fuite. Les
bénéfices macroéconomiques de ces attaques ne se
ressentent qu'à plus long terme une fois ces déséquilibres
résorbés. Toutefois, dans certains cas, elles peuvent être
bénéfiques comme ce fût le cas pour le Royaume-Uni en
1992.
En effet, ce pays, traversant une crise économique,
était contraint de maintenir une politique de taux
d'intérêt élevés pour maintenir sa parité
vis-à-vis des autres devises européennes dans le cadre du serpent
monétaire européen (SME, canal de flottement des devises par
rapport à l'ECU). Soulignant cette contradiction, le renommé
spéculateur Soros s'est donc attaqué à la Livre sterling
en la vendant massivement contre le Deutschemark. Sans soutien de la Banque
centrale allemande, la Banque d'Angleterre est sortie du SME laissant la Livre
sterling flotter librement. Ceci a permis une politique de taux plus bas qui
ont stimulé la reprise de l'économie britannique.
Néanmoins, si la présence de
déséquilibres évidents peut être rentable et en
dépit d'une forte conviction, cette stratégie n'est pas
nécessairement « gagnante ». Tel le cas de la
spéculation contre le Franc Français en 1993 lancé par le
même George Soros. Convaincu de la contradiction entre la situation
économique française et la politique monétaire de la
Banque de France rivée sur la parité du Franc français
avec le Deutschemark, devise du premier partenaire économique de la
France, Soros a appliqué la même stratégie que pour la
Livre sterling. Il s'est trouvé perdant car la Bundesbank a
accepté de prêter à la Banque de France tous les
Deutschemarks dont elle avait besoin pour maintenir son taux de change. La
dimension fondamentale s'est trouvée mise à mal et
invalidée en termes d'investissement rentable en raison du jeu des
antagonistes. C'est un point que nous élucidons dans la deuxième
partie.
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